Le pays des marées
de Amitav Ghosh

critiqué par Tanneguy, le 26 septembre 2010
(Paris - 85 ans)


La note:  étoiles
Aux confins de l'Inde et du Bangladesh
La presse rapporte régulièrement les catastrophes récurrentes qui frappent ces régions désolées situées pour une bonne part sous le niveau de la mer ; et pourtant ce sont des millions d'êtres misérables qui s'y entassent après avoir fui les conflits récents entre Inde, Pakistan et Bangladesh. La présence anglaise avait peut-être un peu de bon... C'est ce que l'auteur suggère à mi-mot.

J'aime beaucoup Amitav Gosh dont j'ai apprécié déjà plusieurs romans, généralement très documentés, toujours centrés sur l'histoire récente du "sous-continent".

Cette fois il met en scène une universitaire américaine d'origine (récente) indienne qui se consacre à l'étude des cétacés très particuliers vivant entre fleuves et océan, dont le prototype est le "dauphin de l'Irrawady" souvent mentionné dans les brochures touristiques. Cette jeune personne va découvrir un pays fascinant au Sud-Est de Calcutta, soumis au rythme des marées, des habitants attachants mais difficiles à comprendre. Elle rencontre un homme mûr, originaire de la région , bien éduqué "à l'anglaise" qui va retrouver ses racines à cette occasion en découvrant les carnets d'un oncle qui a passé sa vie à l'ombre d'une femme qui a voué sa vie à aider les déshérités de la région.

Nous vivons au jour le jour les enquêtes animalières de la jeune universitaire, mais aussi les évènements plus anciens relatés dans les carnets de l'oncle. Des personnages hauts en couleurs confrontés aux caprices de la nature et à la tradition indienne jalonnent ce récit qui nous passionne, malgré quelques longueurs et des "flash-backs" parfois maladroits.

Pour tous ceux qui se passionnent pour l'Inde authentique...
Les Sundarbans … !! 9 étoiles

Amitav Ghosh est un enfant du Bengale, de Calcutta. Et tous ses écrits (ou vraiment beaucoup alors) concernent cet Etat du Bengale, à l’Est de l’Inde aux marches du Bangla Desh. Là il se tourne plus spécifiquement vers les « Sundarbans ». Les Sundarbans qui sont à l’Inde (et au Bangla Desh) ce que les bayous sont à la Louisiane. Une immense mangrove inhospitalière où sévissent encore nombre de bestioles peu coopératives, entre serpents, crocodiles et tigres, c’est en fait le delta du Gange, certainement le delta le plus vaste au monde.
C’est un monde plat, au ras de l’eau (accessoirement condamné à court terme avec la montée des eaux, fonte des glaciers de l’Himalaya), avec des îles très peu hautes qui sont noyées puis découvertes au fil des marées. Un paysage manifestement très changeant, certainement un monde dangereux.
C’est ce qui apparait d’ailleurs dans ce superbe roman d’Amitav Ghosh qui installe une ambiance bengali des plus réalistes. Il est chez lui, pas de doute.

« A moins de le constater soi-même, il est presque impossible de croire qu’ici, entre la mer et les plaines du Bengale, s’interpose un immense archipel. Oui, un archipel qui s’étend sur près de trois cents kilomètres, des rives du Hoogly, dans le Bengale de l’Ouest, jusqu’à elles du Meghna, au Bangladesh.
Les îles sont la lisière du tissu de l’Inde, la frange déchiquetée de son sari, l’achol qui la suit, à moitié trempé par la mer. Elles se chiffrent par milliers ; certaines sont immenses et d’autres pas plus grandes que des bancs de sable ; certaines ont perduré à travers l’histoire tandis que d’autres ont fait leur apparition il y a à peine un an ou deux …/…
Quand les marées créent de nouvelles terres, des mangroves surgissent du jour au lendemain, et, si les conditions sont bonnes, elles peuvent se répandre à une telle allure qu’elles recouvriront une nouvelle île en quelques courtes années. »

Kanai est un homme d’affaires, natif du Bengale, qui a fait des séjours dans les Sundarbans chez son oncle et sa tante. Quadragénaire arrivé, il revient dans la maison de ceux-ci à la demande de sa tante, Nilima. Son mari est mort il y a peu et il a laissé un paquet pour Kanai, un paquet dont tout indique qu’il s’agirait d’un manuscrit … Kanai a laissé provisoirement Delhi et la vie des affaires pour venir honorer la mémoire de son oncle.
Piya est américaine, d’origine indienne, et c’est une spécialiste des mammifères marins, une cétologue. Elle se rend dans les Sundarbans en espérant pouvoir étudier de rares dauphins d’eau douce.
Fokir est un pêcheur des Sundarbans. Il va sauver Piya de la noyade et des crocos dès la mise en route de celle-ci sous la « protection » de gardes nationaux du genre véreux. Il se trouve que Fokir est du même village que Nilima, la tante de Kanai, si bien que les trois vont se trouver réunis, le temps du roman, dans un espace relativement clos, et vivre des moments saisissants, ou disons des moments qu’Amitav Ghosh a la grâce de rendre saisissants.
Il sait nous restituer l’atmosphère indienne, bengali en l’occurrence, une atmosphère à nulle autre pareille dans un pays à nul autre pareil.
Venez vous perdre dans la mangrove des Sundarbans. La magie des images d’Amitav Ghosh vous sauvera !

Tistou - - 68 ans - 17 février 2017


Ahhhhhhh...l'Inde! 9 étoiles

J'ai vraiment accroché à ce livre.
En premier lieu, en raison du théâtre naturel où se déroule ce roman. Une région marécageuse où l'homme, de toute évidence n'a pas sa place. Un dédale de petites îles essaimées au milieu de bras de fleuves charriant des courants violents difficilement navigables, rendus encore plus ardus pour le marin par le fait que l'océan tout proche les soumet au régime des marées.
La faune est décourageante pour l'être humain. En premier lieu, par la présence du tigre, véritable serial killer local. Sa simple observation lointaine fait s'évanouir les femmes. Il est une créature maléfique pour les habitants des marais. Serpents à la morsure mortelle, énormes crocodiles, moustiques complètent l'univers animalier de cette belle région.
La flore n'est que mangrove.
Et pourtant, certaines de ces îles ont été conquises par l'homme. Cette population locale fait l'objet du sujet de ce roman par sa découverte par un indien urbain de Calcutta en visite chez sa tante et l'arrivée d'un cétologue (experte en cétacés) venue dans la région étudier les dauphins locaux.
Entrera en scène le personnage de Fokir, simple pêcheur analphabète qui donne à ce roman un intérêt certain tant l'humanité et l'aisance qu'il dégage dans cet univers improbable n'ont d'égales que son intelligence du lieu et des gens.
L'intrigue peut paraître légère mais elle nous permet de nous mouvoir dans ce pays fabuleux jusqu'à l'arrivée d'un cyclone dont la description reste un grand moment de lecture.
C'est mon second bouquin sur l'Inde après "L'équilibre des mondes" que j'ai lu suite au classement de ce roman sur CritiquesLibres. J'ai vraiment beaucoup aimé "Le pays des marées".
Je suivrai le conseil d'un critique plus bas : je vais attaquer Kipling. L'Inde est un trop beau théâtre pour la littérature.

Vertigineux - - 63 ans - 7 décembre 2011


L'Inde authentique 8 étoiles

Tanneguy conseille ce livre à ceux qui se passionnent pour l'Inde authentique. C'est certain que celui qui est attiré par l'Inde doit lire ce livre. Mais les autres pourraient le lire aussi : en tout cas, même si je ne m'intéresse pas spécialement à L'Inde, j'ai beaucoup aimé cette lecture.

Avant tout pour la description luxuriante de ce pays des marées, un monde tellement éloigné de ce que nous vivons. Un peuple qui lutte contre les eaux pour survivre, en sursis de la prochaine tornade, qui craint les tigres autant que l'eau. L'élément romanesque est bien présent et très réussi : la jeune universitaire américaine d'origine hindoue passionnée de dauphins est drôlement sympathique, ainsi que le pécheur et son fils qui l'accompagnent et qui partagent la même passion pour l'eau. Peut-être que l'intrigue est un peu trop foisonnante, à l'instar de la végétation, et comme le dit Tanneguy certains flash-back un peu maladroits.

Elya conseille plutôt Kipling, et je n'y manquerai pas, en particulier Kim qui est chaudement recommandé par Alberto Manguel (dont je lis justement son "Histoire de la lecture").

Saule - Bruxelles - 59 ans - 4 décembre 2010


Paysages inédits d'Asie 5 étoiles

"Déjà, leurs bancs de vase et les racines palmées qui les maintiennent ensemble se décolorent comme des fantômes, miroitant sous la surface, pareils à des hauts-fonds d'algues remués par les vagues. Au loin, se préparant à l'inondation, un vol de hérons glisse sous l'eau : chassés d'une île qui sombre, ils se sont envolés à la recherche d'un perchoir plus sûr. Bref, une aube belle comme seule une aube du pays des marées peut l'être."

A la lecture de cet extrait, où sommes-nous ? Et si je vous dis Asie ? Peut-être penserez-vous à la Thaïlande, ou au Vietnam. Difficile je pense de deviner que ce fameux pays des marées se situe en Inde, cette Inde dont on connait surtout les villes nauséabondes, les vallées bordant l’Himalaya et les campagnes parsemées de palais ancestraux.
A défaut de me plaire, ce roman aura eu le mérite d’agrandir ma connaissance géographique de l'Inde. Car ces paysages sont dépeints tout au long du roman, d'une façon relativement envoûtante, puisque ces descriptions permettent aussi de retranscrire l'histoire de cette région, à la noble volonté originelle : celle d'en faire une région de l'Inde non déchirée par les conflits religieux et ethniques.

Nous assisterons dès les premières pages à la rencontre entre les deux personnages principaux. Une jeune chercheuse en cétacés débarquée d’Amérique fera la connaissance au cours d'un trajet en train vers ce pays des marées d'un quadragénaire hautain, venu enquêter pour sa part sur son passé. Cette rencontre saugrenue entre deux personnes totalement opposées ne m'a pas enchantée, et quand je me suis rendue compte que leur relation aller constituer une bonne partie du roman, j'ai continué ma lecture à contre-coeur.
Au fil des pages, rien ne s'est arrangé. Le rythme est beaucoup trop lent, il ne se passe pas grand chose, et le style littéraire d'Amitav Gosh ne compense pas, ni ces légendes qui nous sont gentiment dévoilées.

Dans ce roman d'Amitav Gosh, on est bien loin des délicieuses lectures de Kipling, même si quelques éléments tendraient à nous y faire penser..

Elya - Savoie - 34 ans - 4 décembre 2010