Des éclairs de Jean Echenoz

Des éclairs de Jean Echenoz

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Phineus, le 22 octobre 2010 (Bordeaux, Inscrit le 16 février 2009, 87 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 10 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 088ème position).
Visites : 5 951 

...de littérature

Echenoz quand même c'est particulier. On ne peut pas dire que ça ressemble à autre chose. Je ne sais plus qui disait (peut être Barthes) que pour le lecteur il y a le plaisir (ce qu'il lit c'est écrit pour ça pour le plaisir du lecteur) et puis il y a la jouissance (ce qu'il lit c'est le plaisir qu'il y a eu à écrire ce qu'il lit) ; avec Echenoz on est plutôt dans la jouissance. C'est comme un frétillement cette écriture. Je cherchais un mot et je pensais à "espiègle", voila c'est une écriture espiègle donc ça évoque le plaisir vif et innocent. Mais comme c'est aussi bien autre chose on n'en finirait pas. Par exemple on pourrait dire à coup sûr que c'est de la mélancolie dont il s'agit et puis aussi d'autre chose.

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Ingénieux !

8 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 4 juin 2020

C’est la biographie un peu romancée de l’ingénieur Nikola Tesla 1856-1943) que nous propose ici l’ingénieux Jean Echenoz. D’origine Serbe, Tesla ( ici Gregor) a inventé tout ce qui va être utile aux siècles à venir à commencer par la conception du courant alternatif. Mais pas que, jugez-en : la radio, les rayons X, l’air liquide, la télécommande, les robots, le microscope électronique, l’accélérateur de particules, l’Internet, … j’en passe. Son objectif principal : un système permettant de procurer gratuitement de l’énergie libre à tout le monde.
Gregor accède au niveau des grands industriels de l’époque comme Edison. Mais il gère affreusement mal ses contrats à tel point qu’il se fera berner par tous ces requins de la finance.
Gregor est un personnage très particulier (voir l’extrait plus bas). Il s’éprend d’amitié, de tendresse, d’affection pour les pigeons. A cet égard, les pages qui vont de la 142 ème jusqu’à la fin en font preuve. Elles décrivent également la longue descente vers la fin de ce savant fou.

C’est admirable ! Quelle écriture ! Merci une fois de plus, monsieur Echenoz !

Extrait :
- Il apparaît aussi d’ailleurs qu’il aime mieux être seul et vivre seul en général, et se considérer dans les miroirs plutôt que de regarder les autres, et se passer des femmes bien qu’il leur plaise beaucoup car il est fort beau, fort grand, brillant et beau parleur, il n’a pas quarante ans et il est à prendre. S’il n’est certes pas indifférent, n’aimant pas mieux les hommes, à ce que les dames se pressent discrètement autour de sa personne, il semble jusqu’ici qu’il désire peu qu’elles se rapprochent au-delà d’un seuil précis. Mais cela tient aussi à certains points spéciaux de son caractère. D’abord son extrême préoccupation des microbes, bacilles et toute espèce de germes qui le contraint à nettoyer sans cesse toute chose autour de lui. (…) Puis sa manie de tout compter, perpétuellement. Compter les pavés des avenues, les marches des escaliers, les étages des immeubles, compter ses propres pas, compter les passants dans les rues, les oiseaux dans les arbres et dans le ciel également, parmi lesquels notamment, les pigeons, objets d’un décompte à part.

Biographie romancée du Mozart de l’électricité

7 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 13 juin 2014

Ce court roman au style efficace évoque de façon romancée la vie d’un des plus grands savants nés au 19ème siècle. Si on s’en réfère à Wikipedia, l’auteur évoque de manière assez fidèle la vie de Nikola Tesla, alias Gregor pour cette fiction. J’ignorai jusqu’à hier que le fameux véhicule électrique hors de prix tirait son nom de ce personnage.
Décrit par l’auteur comme un grand génie, asocial, peu intéressé par l’argent, égocentrique et fondamentalement misanthrope, Gregor est en quelque sorte l’anti-héros victime d’une société où tout reste dirigé par le profit et le pouvoir économique.
Certes cet ouvrage est bien balancé et permet de le classer dans l’ordre de la vraie littérature, mais il risque de ne pas séduire ceux d’entre nous qui voudraient comparer ce roman à une véritable biographie et qui reprocheront ainsi à l’auteur de se cacher derrière une pure fiction pour éviter toute critique historique.
L’auteur ayant fait le même exercice avec deux autres célébrités, ces probables futures lectures me donneront la garantie que je passerai peut-être un bon moment de détente en ayant en plus l’impression de me cultiver sans trop d’effort.

Coup de foudre

10 étoiles

Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 20 janvier 2014

C'est l'histoire d'un livre qui se trouvait dans une petite bibliothèque, "Des éclairs", et vers lequel j'ai tendu la main immédiatement. Pour avoir vaguement entendu parler de M. Echenoz, il était l'heure de le découvrir. Drôle d'entrée en matière, pour une critique...

A la lecture de la quatrième de couverture, j'ai douté de l'intérêt que je porterais à cet ouvrage... Le courant alternatif, pour moi qui suis loin, loin, très loin de la science et de ses fondements, j'ai quelque peu fait la moue...

Et puis, je l'ai commencé, lu avidement, et terminé presque avec désolation et un pincement au coeur.

Gregor, c'est un gentil fou, un semblant d'illuminé, qui aime découvrir et inventer des choses. Ce qui m'a frappée chez lui, c'est cette volonté d'aller toujours plus loin, maladroitement souvent, projets inachevés, brevets non protégés, porte feuille désintéressé ; cette avidité, ce plaisir d'aller plus avant, de faire mille trucs à la fois, m'ont beaucoup plu. Un passionné, au-delà de son handicap, de sa différence, de ses tics et tocs, il poursuit son chemin, privilégiant ses recherches. Rien d'autre ne compte, hormis ses compagnons d'apaisement qu'il nourrit et soigne avec... amour.

Il a certes beau sembler en tout point antipathique, il exerce sur ces dames un puissant attrait, en rendant jaloux bien plus d'un ! Mais derrière ce mur, ce roc, on constate malgré tout qu'il a un coeur, tout de même, ce "presque robot", qu'il sait s'attendrir, certes rarement, et ces moments sont doublement poignants.

Alors je ne peux que remercier Jean Echenoz, qui a su attirer mon attention sur un domaine totalement abstrait pour moi, ce qui doit relever d'un certain talent, sans nul doute !

Un autiste inspiré

7 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 16 juillet 2012

Dans la même ligne que "Courir", Jean Echenoz nous livre une fiction inspirée de la vie de Nikola Tesla. On retrouve le ton simple et direct de l'auteur pour décrire un curieux personnage, un certain Gregor, espèce de génie illuminé, ce qui n'est pas rien quand on « invente » le courant électrique alternatif!

Un petit côté Léonard de Vinci moderne, touchant à de nombreux domaines, toujours plein d'idées en avance sur son époque. Mais la comparaison s'arrête là. Le héros est isolé, asocial, maniaque, et on le qualifierait d'autiste atteint du syndrome d'Asperger de nos jours.
Une lecture rapide, efficace, rythmée, un peu froide mais toujours aussi prenante.

La parabole du savant fou

9 étoiles

Critique de PGStats (Montréal, Inscrit le 28 juin 2011, 67 ans) - 27 octobre 2011

Jean Echenoz écrit fichtrement bien. Sa prose faussement simple m’a égayé les neurones tout du long. Les invraisemblances du récit qui m’auraient agacé autrement m’ont plutôt charmé comme celles des tableaux impressionnistes.

Alors pourquoi cette demi-étoile manquante? Je fais la fine gueule en réclamant un peu plus d’humour dans une histoire aussi abracadabrante.

Si vous vous demandez où sont passés les savants fous (génies de la démesure) de nos jours, eh bien il y en a plein. Ce sont les mécènes qui sont plus circonspects. Vous les trouverez là où il y a abondance de teslas (l'unité de mesure du champ magnétique), comme par exemple au CERN. Pour vous en convaincre, jetez un coup d’œil sur l’entrée Sécurité_des_collisions_de_particules_au_Large_Hadron_Collider de fr.wikipedia.org . Frissons garantis.

Des éclairs, mais pas de tempête

7 étoiles

Critique de Lu7 (Amiens, Inscrite le 29 janvier 2010, 38 ans) - 12 juillet 2011

La vie de Gregor est effectivement racontée avec une distance narrative à laquelle je ne suis pas habituée.
Ce parti pris crée un effet comique qui tient presque de l'absurde, et assez adapté au caractère du personnage : Gregor passe d'une idée géniale à l'autre sans jamais les concrétiser, ne tient pas en place, veut toujours faire mieux et plus que ce qu'il n'a pas fait - mais que d'autres ont eu la malice de faire à sa place, et de s'approprier.

L'ensemble est assez léger et se lit bien et vite.
Efficace et réussi donc, mais pas assez intense à mon goût.

L’odyssée d’un inventeur

8 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 25 février 2011

Un délice !

Je me suis régalée du récit de la vie de Gregor , sorte de Geotrouvetout génial .

Jetant sur son personnage un regard tantôt amusé, tantôt admiratif, Echenoz trouve la distance nécessaire pour faire de ce personnage , savant un peu fou, peu sympathique , un héros atypique au parcours passionnant . « les autres vont s’emparer discrètement de ses idées pendant que lui passera sa vie en ébullition . Mais ce n’est pas tout de faire bouillir, il faut ensuite décanter, filtrer, sécher, broyer, moudre et analyser . Gregor n’a jamais eu le temps de s’occuper de tout ça . Eux, dans leur coin, vont prendre tout le leur pour mener ses idées à terme alors que lui ,haletant, aura déjà bondi sur autre chose »

D’une plume efficace ,riche, mais toujours concise, sans graisse, il rend le lecteur témoin de l’odyssée de ce personnage agité dont il présente avec une savoureuse ironie le comportement obsessionnel , et l’emmène ainsi dans un tourbillon d’inventions surprenantes, de situations parfois presque surréalistes .

Par cette« fiction sans scrupules biographiques », Echenoz termine la suite des 3 vies commencée avec RAVEL et COURIR . Dommage, car je reprendrais bien encore une louche de ce genre d’ouvrages …..

Encore un excellent Echenoz

9 étoiles

Critique de Soldatdeplomb4 (Nancy, Inscrit le 28 février 2008, 35 ans) - 13 janvier 2011

Comme la critique précédente, je suis parti en me disant "c'est bon, Echenoz, ça va assurer.". Et ça a assuré.

L'histoire de Tesla est fascinante, l'écriture est cousue main, sans aucune fausse note. Tout est merveilleusement efficace. Et cette constante incertitude dans laquelle Echenoz nous met avec cette "fiction sans scrupules biographiques", qui nous met au coeur de la littérature, et à des kilomètres d'une biographie (qui aurait été intéressante, bien sûr) véridique.

Encore un excellent Echenoz.

Le siècle des lumières

10 étoiles

Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 24 novembre 2010

Ah ! Encore un petit bouquin de Jean Échenoz.
Hmmm ... d'avance on est certain que ce sera délicieux.
Une des plus belles plumes de l'édition française, dans les mains d'un auteur discret et constant. Passer à côté de ses remarquables derniers ouvrages serait impardonnable !
Avec Courir, lu il y a peu, Échenoz nous contait l'histoire galopante de Zatopek et, comme ça en passant, l'Histoire d'un demi-siècle qui courait follement lui aussi.
Cette fois Échenoz remonte un peu plus loin, au soir d'un autre siècle finissant, pour nous faire partager la pseudo-biographie de Nikola Tesla (qu'il appelle Gregor dans son roman), ce serbe qui finira américain après avoir inventé un truc, finalement assez utile, l'électricité.
Après la course de Zatopek, finalement rattrapé par son siècle, l'histoire de Tesla ne pouvait que nous taper dans l'oeil, ne serait-ce qu'en référence au film Le prestige où apparaissait David Bowie dans le rôle de ... Nikola Tesla himself. Un savant fou, façon Dr. Frankenstein de l'électricité, courant après les pigeons.
Un portrait finalement assez proche de celui que brosse ici Échenoz.
Un surdoué des ondes électriques, un peu branque, franchement asocial, obnubilé par les oiseaux en général et les pigeons en particulier (et pas du tout par les femmes), qui inventera tout plein de choses et s'en fera piquer tout autant par les rusés affairistes que seront Edison, Marconi ou Westinghouse. Tesla avait la bosse des maths mais pas celle des affaires.

[...] Je sais bien que Gregor est antipathique, désagréable au point de laisser penser qu'il n'a que ce qu'il mérite, mais quand même. Le voici sans un sou et menacé de prison juste au moment où Edison, Westinghouse, Marconi et les autres, profitant de ses idées acquises à bas prix sinon carrément volées, s'épanouissent en affaires et se font un maximum d'argent. Non seulement lessivé, il voit bien amèrement que nombre d'entreprises, ne vivant que sur ses propres inventions, du courant alternatif à la T.S.F. en passant par les rayons X, se développent avec profit sans qu'il recueille l'ombre d'un dollar.

La guerre entre Edison, chaud partisan du courant continu, et Westinghouse fervent adepte du courant alternatif, décrite et mise en scène par Échenoz vaut son pesant de volts. Au passage l'un d'eux inventera la chaise électrique ...
Tesla joue plutôt les électrons libres entre les deux et finira par faire la fortune de Westinghouse : ce sera donc le courant alternatif !
Tout cela est plein d'humour, plein d'intérêt pour ce monde à mi-chemin entre science et industrie et l'écriture d'Échenoz est toujours aussi impeccable et lumineuse.
L'histoire de Tesla n'a peut-être pas la foulée épique et le souffle Historique de celle de Zatopek mais nous tenons là un autre épisode qui ne demande qu'à tomber entre vos mains.

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