"Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n'est pas le silence"

Me voilà sortie de quelques fructueux instants de compassion envers Taine, ce vieil homme abandonnant sa maison de retraite à la recherche de la femme qu'il aime, sur les hauteurs du Mont Ventoux.
Parce que "Le bonheur supprime la vieillesse. Puis revient la beauté touchante de flaccidité. Une rose d'automne est plus qu'une autre exquise...", ce court roman, c'est le fougueux Mistral soufflant là-bas qui parvient un peu jusqu'à nous, brise légère aérant notre esprit le temps d'une suave lecture.

De la douceur grâce à la sagesse de ces Anciens, ces personnes suscitant en nous tantôt respect et pudeur, tantôt exaspération et désespoir. Taine, lui, c'est un peu tout ça, un peu trop téméraire, un peu trop rêveur, mais battant.
Pouvait-il seulement se douter que sa douce est déjà morte, ayant chuté à proximité de la bibliothèque de la maison de retraite, et, faute de visiteurs réguliers, n'ayant pas été trouvée ?
Ce livre, c'est l'errance d'une âme dont le corps n'est déjà presque plus là. Mais ce corps, Régine Détambel sait pourtant le faire ressusciter, avec comme d'habitude un champ lexical du corps humain très dense, mais toujours approprié il me semble. Cette femme a travaillé au contact des hommes, des Anciens sans doute aussi, et cela se sent, et cela ne peut apporter qu'un plus à sa belle écriture.

Ce roman m'a fait penser à quelques vers du magnifique poème de René Char, L'éternité à Lourmarin : "Il n’y a plus de ligne droite ni de route éclairée avec un être qui nous a quittés. (...) Pourtant cet être supprimé se tient dans quelque chose de rigide, de désert, d’essentiel en nous, où nos millénaires ensemble font juste l’épaisseur d’une paupière tirée. Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence. (...)"

• 

  Noces de chêne [Texte imprimé], roman Régine Detambel

  de Detambel, Régine
  Gallimard
  ISBN : 9782070122523 ; 12,10 € ; 09/10/2008 ; 122 p. ; Broché

  Go Amazon