Le voyage gelé
de Philip K. Dick

critiqué par Tistou, le 26 octobre 2010
( - 68 ans)


La note:  étoiles
9 nouvelles
Philip K. Dick est considéré à juste titre comme l’un des maitres de la S.F., ou plutôt comme un de ceux qui ont contribué à créer le genre, à donner le format de ce qu’elle est devenue. Il écrivait apparemment à une vitesse hallucinante d’où une productivité énorme – on parle d’une année au cours de laquelle il aurait écrit six romans ! Pour autant ça ne se ressent pas au niveau de l’inspiration, certainement très novatrice pour l’époque et toujours bluffante, anticipant parfois des problèmes de société qui surgissent réellement. L’écriture en revanche est plate, sans effet de style (vitesse et productivité obligent) mais celui ne nuit pas au propos qui est davantage dans le fond que la forme.
Le fond justement traite toujours du monde à venir et c’est fou comme le monde à venir faisait, fait, peur à tout le monde, toutes les époques. Comme si l’homme, intégrant consciemment ou inconsciemment le statut d’être imparfait, savait que quoiqu’il fasse, ses actions ou créations recéleraient l’imperfection originelle, la faille du ratage. Beaucoup de solitude, de désespérance dans ces nouvelles. Pas un désespoir à vif, plutôt un désespoir « au long cours », une désespérance obligatoire.
L’une de ces nouvelles sort de l’épure. Elle est très courte (une demie-page), inversement proportionnelle à son titre : « L’Histoire qui met fin à toutes les histoires pour l’anthologie d’Harlan Ellison ». C’est comme le synopsis d’une nouvelle à écrire, mais resté à l’état de synopsis. Il y est question de Dieu, dévoré par les humains …
Les autres ont un peu le même format et des préoccupations similaires ; un être humain, dans une époque projetée dans l’avenir, disposant de progrès supposés, mais inéluctablement renvoyé à une situation de ratage, comme si progrès était synonyme de plantage (ce qui peut être vrai parfois !).
La nouvelle éponyme par exemple, « le voyage gelé ». On envoie soixante humains pour une destination … lointaine, si bien que celui-ci devant durer dix ans, on les cryogénise pour qu’ils n’aient aucun besoin durant ces dix ans. C’est le vaisseau spatial qui est l’unité pensante et agissante, et voilà celui-ci parti. Mais un raté se produit, Victor Kemmings, l’un des passagers, a conservé une activité cérébrale, il est conscient. Il est conscient et le voyage va durer … dix ans ! Le vaisseau, c'est-à-dire la machine en l’occurrence, va prendre des initiatives afin de régler le problème ; occuper le cerveau de V. Kemmings en lui faisant revivre des scènes de son passé, … hélas - et c’est là l’apport essentiel de P.K. Dick - pour une raison qu’il n’appartient pas à l’auteur d’expliciter – un privilège certain des auteurs, et des auteurs de S.F. en particulier -, hélas V. Kemmings va revivre ces moments en les altérant, en les modifiant sensiblement dans le sens d’une culpabilisation a posteriori, lui rendant évidemment le ressenti de ce passé insupportable. Et c’est que notre homme est parti pour un voyage de dix ans ! Philip K. Dick passe elliptiquement sur diverses tentatives pour solutionner le problème. La solution sera elle aussi imparfaite comme si, de toutes manières, l’homme et ses progrès étaient condamnés à l’échec.
Grand cru de plus 9 étoiles

Encore une fois, un excellent recueil, hélas trop court (220 pages), mais rien à jeter ici. De la SF de haut vol, des nouvelles franchement réjouissantes, ce recueil est un must et un des meilleurs de Dick. Et il en a fait des très très très immenses, il faut le dire !

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 4 avril 2014


K. Dick fait-il de l'anticipation ? 8 étoiles

Philip K. Dick n'est pas un auteur d'anticipation, ainsi qu'Asimov ou d'autres, et ainsi que l'on qualifie le plus souvent la SF en France selon le lieu commun bien connu, un divertissement pour se prendre pour un prophète, il faut dire que ses précurseurs : Karel Capek ou Verne ou Rosny Ainé restaient dans la SF très explicite. Dick écrit plutôt de la SF dite implicite dans laquelle on se fiche de savoir comment fonctionne les objets futuristes ou sur quel principe...

D'une part, il décrit notre monde, les travers de la société hyper-libérale dans laquelle nous vivons, qui étaient les mêmes que ceux que nous subissons au moment où il écrivait.

D'autre part, c'est une véritable auto-fiction écrite à travers des récits dits "de genre", qui questionne notre sens de la réalité, ce que nous en percevons ou croyons en percevoir.

Ce recueil montre la montée en puissance de la personnalité de l'écrivain qui se libère alors complètement de l'influence écrasante de Van Vogt.

AmauryWatremez - Evreux - 55 ans - 17 janvier 2014


du grand Philip K. Dick 10 étoiles

Certes, toute tentative de dénicher une phrase susceptible d'atteindre une quelconque originalité littéraire reste une nouvelle fois vaine.
Avec Dick, nous savons à quoi nous en tenir, à tel point que nous lui pardonnons cette platitude littéraire. ( pour exemple, nous pouvons tomber dans ses oeuvres sur des phrases telle "la voiture roule sur la route"). Ce n'est de toute façon pas ce que nous recherchons dans son oeuvre.
Celle ci ne comprend pas que du bon, entre histoire confuse et qui s'éternise, l'auteur ne sachant plus quelle fin donner à son récit, et thèmes répétitifs.
Il faut cependant bien avouer que Le voyage gelé est une véritable réussite. Nous trouvons certainement là les meilleures nouvelles de l'auteur.
Voici des personnages face à un contexte, des circonstances qui ne peuvent conduire qu'à un désespoir obligé et assimilé. des situations sans porte de sortie, sans réellement de terme. il faut se faire au désespoir, l'intégrer au quotidien. Du véritable cynisme. c'est cela qui ressort de ces excellentes et dérangeantes nouvelles;

Lectgreg - toulouse - 38 ans - 18 avril 2011