Le perroquet de Flaubert de Julian Barnes
(Flaubert's Parrot )
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire
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Flaubert détestait qu'on mette les auteurs en scène
Pour celles et ceux qui aiment Flaubert ou ses oeuvres et aussi pour celles et ceux qui aiment l'humour anglais. Je vous recopierais bien tout, mais ce serait céder à la facilité. Quelques extraits seulement donc.
Des remarques acides sur les critiques d’abord (vous vous sentez concerné(e)s ? Moi pas) :
« Permettez moi de vous dire pourquoi je hais les critiques. Pas pour les raisons habituelles : que ce sont des créateurs ratés (généralement, ils ne le sont pas ; ils peuvent être des critiques ratés, mais c’est une autre histoire) ; ou que, par nature, ils sont chicaniers, jaloux et vains (.). Non, la raison pour laquelle je hais les critiques – enfin, parfois -, c'est qu’ils écrivent des phrases comme celle-ci : « Flaubert ne construit pas ses personnages, comme le faisait Balzac, par des descriptions objectives et extérieures ; en fait, il néglige tellement leur apparence qu'une fois il donne à Emma des yeux bruns ; une autre fois des yeux d'un noir profond ; et une autre encore des yeux bleus. » (.) Il va sans dire que c'est sans importance et qu'au surplus c’est inexact : Flaubert donne à Emma des yeux changeants. Mais qu'importe, cet accès de rage anti-critique (il en est un lui-même, il peut donc se permettre) est un des chapitres les plus drôles du livre.
Livre qui nous apprend par ailleurs plein de choses. Quelques citations de Flaubert lui-même peut-être ? « Je suis gêné par le sens métaphorique qui décidément me domine trop. Je suis dévoré de comparaisons, comme on l’est de poux, et je ne passe mon temps qu'à les écraser ». Une métaphore osée pour fustiger les métaphores. Flaubert se plait dans le grotesque.
Une autre ? « La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles ». Lorsqu’on sait que Flaubert se dépeignait souvent en ours (dont il avait quelques habitudes), ça complique encore les choses…
Flaubert m'est diablement sympathique parfois. Il déteste danser par exemple, ce qui est un bon début. Et il déteste les chemins de fer pour les mêmes raisons que je déteste les téléphones portables (mais si, mais si, il y a un rapport !) : ça permet aux gens d’être stupides ensemble. Pour Flaubert, le progrès matériel n'est rien sans progrès moral et le chemin de fer n'est qu’un progrès matériel.
Mais je dois le déplorer : Flaubert n’est pas très révolutionnaire. Bourgeois anti-bourgeois, il est à ce point anti-stupidité que sa hargne l'emporte :
« Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétariat au niveau de bêtise du bourgeois ». Et il insiste un peu. Quels sont les préalables pour être heureux ?
« Etre bête, égoïste, et avoir une bonne santé ». Il n’est sûr de lui que pour le deuxième…
Entre l’humour et l’émotion, Barnes nous parle aussi des femmes de Flaubert. Emerge l’étonnant personnage de Louise Colet, proto-féministe, poétesse, muse du Tout-Paris, maîtresse de tous les grands noms de la littérature, mais malmenée (moralement s'entend) par Flaubert.
Terminons par les accents les plus scatologiques de Flaubert. Ils méritent le détour. « J’ai toujours tâché de vivre dans une tour d'ivoire ; mais une marée de merde en bat les murs, à la faire crouler ».
Et surtout cette prédiction dont chacun jugera à quel point elle est bien envoyée ou non : « De temps à autre, dans les villes, j'ouvre un journal. Il me semble que nous allons rondement. Nous dansons, non pas sur un volcan, mais sur la planche d’une latrine qui m’a l’air passablement pourrie. La société prochaine ira se noyer dans la merde de dix-neuf siècles et l'on gueulera raide. »
Les éditions
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Le perroquet de Flaubert [Texte imprimé], roman Julian Barnes trad. de l'anglais par Jean Guiloineau
de Barnes, Julian Guiloineau, Jean (Traducteur)
Stock / La Cosmopolite (Paris).
ISBN : 9782234052130 ; 9,35 € ; 26/01/2000 ; 341 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (5)
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On en apprend sur Gustave
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 16 octobre 2019
C’est l’occasion pour Julian Barnes d’explorer la vie tumultueuse de Flaubert. Tout n’est pas intéressant mais l’essentiel, oui. Dont, par exemple : le bestiaire (perroquet, chiens et autres) ; des extraits du fameux dictionnaire des idées reçues ; ce que Flaubert aurait voulu être et ce qu’il aurait voulu faire ; ses séjours à Londres et Angleterre ; le réquisitoire dont celui de la démocratie ; la version de son amie de toujours Louise Collet , …
Extraits :
- Tout le rêve de la démocratie, écrit Flaubert, est d’élever le prolétariat au niveau de bêtise du bourgeois.
- La plus haute forme du patriotisme, c’est de dire à son propre pays quand il se conduit de façon déshonorante, sotte ou mauvaise.
- Il disait qu’il y avait trois conditions préalables pour être heureux : « Êtres bête, égoïste et avoir une bonne santé ».
- Permettez-moi de vous dire pourquoi je hais les critiques ? Pas pour les raisons habituelles : que ce sont des créateur ratés (généralement, ils ne le sont pas ; ils peuvent être des critiques ratés, mais c’est une autre histoire) ; ou que, par nature, ils sont chicaniers, jaloux et vains (généralement, ils ne le sont pas) ; il est peut être possible de les accuser de faire preuve d’une trop grande générosité envers des œuvres mineures, de les surévaluer afin que leurs propres jugements n’en aient plus que de valeur. (…)
Certains critiques finissent par adopter un ton légèrement paternaliste envers leurs sujets. Ils se comportent comme si Flaubert (par exemple) était quelque vieille tante ennuyeuse dans son fauteuil, qui sent le renfermé, qui ne s’intéresse qu’au passé et qui n’a rien dit de nouveau depuis des années.
Le créateur, objet de fascination
Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 6 août 2010
La théorie du perroquet
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 18 avril 2009
Même si le livre est sorti au milieu des années 80 (je me rappelle vaguement de Barnes sur le plateau d’Apostrophes), on a l’impression qu’il colle à la période de Flaubert. Barnes prend ses distances, se démarque de l’essai proprement dit en créant un narrateur, médecin retraité qui a perdu son épouse volage - ce qui la rapproche d’Emma Bovary.
Au bout du compte et chapitre après chapitre, on devient un familier de Flaubert sans cependant avoir envie de lui taper sur l’épaule, on comprend sa vision de la littérature, ses rapports amicaux et amoureux, quelle espèce d’homme il était etc.
Ce qui m’a le plus frappé, c’est le chapitre écrit à la place de Louise Colet et l’épisode de la montée de la grande pyramide qui montre bien le type de rapports ayant existé, emblématique des relations dites amicales, entre Maxime du Camp et Gustave Flaubert.
Avec l’histoire du perroquet pris comme modèle pour écrire « Un cœur simple », Barnes montre fort bien l’indécision dans laquelle se trouve l’exégète pour savoir comment le romancier trafiquait le réel et ce qu’il en laissait aux disséqueurs d’œuvres que n’appréciait pas Flaubert, pas plus d'ailleurs que son biographe occasionnel même si ce que Barnes fait ici s’apparente davantage à de la critique intelligente qu’à une œuvre de fiction et même si la frontière entre les deux est ténue. Tel l’écart entre fiction et réalité comme l’a dans son œuvre travaillé l'immense écrivain que fut Flaubert.
Etonnant et très original
Critique de Drclic (Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 48 ans) - 10 septembre 2004
Humour très fin, choix de mots: très amusant.
Lecture détente. lecture ouverte et enjouée.
Drclic.
Flaubert, Balzac, Stendhal et les autres.
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 8 mars 2002
Dans le même esprit, je songe à "Mademoiselle Bovary" de Raymond Jean ou à "La canne de Monsieur de Balzac", une charmante caricature publiée du vivant de l'auteur par son amie Delphine de Girardin. Quant à la scatologie des grands hommes, comme elle peut nous les rendre sympathiques, parfois... c'est ainsi que dans son journal, en date du 19 avril 1809, Stendhal note ainsi une rencontre : "[une fille] faite comme un ange, si cependant les anges ont de gros culs." MerdRe! C'est la journée des femmes! Je vais me faire poursuivre pour machisme éhonté!
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