RN 86
de Jean-Bernard Pouy

critiqué par Clubber14, le 8 novembre 2010
(Paris - 44 ans)


La note:  étoiles
Du Pouy comme on les aime
Présentation de l'éditeur :

Lucie avait disparu un mois entier sans donner d'explication à Léonard. Et il n'avait pas eu le temps de la convaincre de parler puisqu'elle était morte peu après dans un accident de voiture. Alors, ce vide insupportable, Léonard entreprend de le combler. A l'aide du seul lien qui le rattache à ce mystère : une carte postale du pont du Gard.
Mais dès qu'il franchit le pont, les fantômes viennent à sa rencontre...

Mon avis :

J'ai bien apprécié ce roman de Pouy qui se lit d'une traite.
Sur fond de notre bonne vieille Provence (Pouy nous fait découvrir cette magnifique région : Nîmes, Avignon et les petits villages environnants) l'on va suivre un homme qui essaie de retracer les derniers jours de sa femme avant son suicide dès son retour à Paris. Cet homme, complètement banal, qui avait avec une femme une vie non moins banale, va découvrir que sa moitié était en fait bien différente de celle qu'il connaissait : femme fatale, pleine de fantasmes et de rêves enfouis, elle va vivre de manière fort décousue lors de son passage dans le Sud, passage ayant pour but de donner une formation à de jeunes recrues.

De fil en anguille, Léonard, qui est descendu dans le Sud comme ça, par hasard, par prémonition, va donc mener sa petite enquête, de manière complètement candide et nous, lecteurs, allons le suivre, un peu sous forme de voyeurisme, dans sa quête de vérité. Il ne voudrait pas vraiment connaître la vérité mais pourtant, il va être happé par cette soif de découverte. Un peu à la Paul Auster ou parfois à la Douglas Kennedy, Pouy nous fait vivre quelques jours auprès de Léonard, personnage pas forcément attachant mais auquel nous pourrions nous identifier. De rencontres fortuites en déductions rencontres recherchées, nous entrons donc dans cet univers, parfois froid, parfois sombre mais qui a le mérite d'être vrai.

Alternant récit à la 1ère et à la 3ème personne du singulier, l'auteur nous plonge donc dans cette tranche de vie. Ce n'est pas un roman policier au sens littéraire du terme mais pourtant je ne peux que le classer là-dedans. Je préférerais le qualifier de roman d'apprentissage ou dans une moindre mesure de roman d'aventure. Cela étant dit, je pense que c'est un roman qu'il faut lire car, sans être novateur, il représente bien le travail de Pouy (Pouy a également écrit "Spinoza encule Hegel" puis la suite qui s'appelle "A sec" et qui sont très très différents sur le fond comme sur la forme et qui ne sont pas très représentatifs du style pouyen).

Bref, un roman qui fait s'interroger sur le caractère profond qui existe en chacun de nous, sur la part d'ombre et de mystère de tout un chacun ainsi que sur les fantasmes et les désinhibitions qui peuvent subvenir quand on s'éloigne de son cadre de vie.
gare au pont… 10 étoiles

Le Pont du Gard, une des merveilles du monde, lieu mythique, fleuron de notre doulce France, lieu mystérieux aussi, qui fascine tant les amateurs de vieilles pierres que les désespérés désireux de se retrouver sur le fil d'actualité de Facebook. C'est vers ce monument archi-visité et photographié que va tourner Léonard, lorsqu'il va apprendre l'accident mortel de sa femme Lucie, survenu peu de temps après son retour d'un stage en province. Léonard ne croit pas un instant à la thèse de l'accident, pour lui c'est un suicide. Mais pourquoi ? Dans son sac de voyage, une carte postale, coincée entre les pages de son dossier de stage : le Pont du Gard ! Plutôt que de ronger les sangs pour tenter de trouver un sens à cet acte… réussi, notre héros décide de se rendre sur place, pour faire son enquête. Qui a-t-elle rencontré au cours de ce séjour d'un mois et dix jours loin du domicile conjugal ? Et qu'a-t-elle fait après son stage, censé ne durer qu'un mois ? La quête de la vérité commence, haletante, pleine de chausse-trappes et de fausses pistes. Cette femme, Léonard était loin, bien loin de la connaître, même au bout de quinze ans de mariage. Un polar conjugal réussi, empreint d'une tendre ironie, par un maître du genre…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 29 mars 2015


Lepont du Gard garde ses secrets. 7 étoiles

Cela faisait une paie que je n'avais pas lu un polar, qui plus est un polar français. Pas découragé malgré une lecture difficile du fameux " Spinoza encule Hegel" qui m'avait déplu au plus haut point. En fait je n'ai rien compris et rien retenu de ce livre. Donc pas découragé, je me suis procuré un autre livre de Pouy. Attiré par la couverture représentant le pont du Gard, intrigué par le titre RN 86. A priori une histoire de route qui passe sur un pont, ouais, pourquoi pas. La première impression est bonne, le rythme est rapide, entraînant et l'intrigue tient dans un mouchoir de poche. Un homme, désemparé par le suicide de sa femme, part mener son enquête dans le sud de la France. Là où réside une partie du charme du livre, c'est que Pouy aurait pu choisir la Riviera pour ancrer son histoire et faire reluire tous les clichés sur la côte d'azur. Et bien non, il prend comme épicentre de l'histoire une bourgade insignifiante du Gard à savoir Remoulins. Une petite ville française coupée par une nationale. Sans nécessairement développer un côté étude sociale, Pouy va opposer la ville enlaidie, mais ayant conservé certains charmes, et les alentours. Ce fameux Pont du Gard, vestige romain trônant au milieu d'une garrigue paradisiaque, originelle, au pied de laquelle coule éternellement le Gardon. Minutieux, précis, Léonard, le héros va découvrir cet environnement, les gens, la vie et surtout pas à pas renouer les fils de sa vie brisée.
Un polar classique dans son genre qui fait bonne mesure dans sa catégorie. Pouy trace les traits d'un homme à l'âme noircie par la déconvenue du suicide de sa femme, qui va découvrir la face cachée de celle-ci, comme celle de la lune que l'on ne voit jamais. Il va découvrir ce qu'il n'aurait jamais du découvrir si il était resté dans son lycée, continuant à apprendre à ses élèves à cintrer le cuivre et à monter des chaudières.

Hexagone - - 53 ans - 12 janvier 2011