Life (Mémoires) de Keith Richards, James Fox (Co-auteur)
(Life)
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Arts, loisir, vie pratique => Musique
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Seringues, cordes de mi et gueules de bois
Alors voila le livre-animal tant attendu, voila enfin la biographie du riffeur en chef, de l’autre tête des Rolling Stones, voila la vie de Keith Richards par les mots du Maître. Enfin ! Il faut bien le dire, la façon de se raconter de Keith est très éloignée de celle de Clapton. D’un côté, un jouisseur pour qui la sainte trinité sex & drugs & rock’n roll a été un art de vivre et de l’autre, un puriste qui regrette franchement de s’être embarqué dans un tel cirque. Keith et Lemmy, inoxydable hurleur en chef de Motorhead, ont la même vision des choses : la drogue a été une bonne chose pour moi mais ne faites pas de moi un exemple dans ce domaine. Au contraire !
Le livre, et c’est une bonne idée, commence par une sorte de prologue : le récit d’un épisode d’une tournée américaine en 1975. A cette époque, les Stones sont considérés par beaucoup de politiciens autour du globe comme étant dangereux. Une des conditions énoncées par les autorités américaines pour permettre cette tournée est qu’aucun des membres du groupe ne se fasse arrêter. Que croyez-vous qu’il arrivât ? C’est que Keith a une légende à défendre et c’est donc chargé comme une mule qu’il s’arrête, avec Ron Wood et d’autres, dans une station service perdue au fin fond de l’Arkansas. Bien sûr, la voiture de location dans laquelle la petite bande de joyeux drilles se balade est pleine de drogues planquée un peu partout et Keith en a jusque dans sa casquette. On imagine assez aisément la réaction des ploucs du coin !
Je ne poursuis pas plus avant le résumé de cet épisode qui vaut son poids en farine, hum hum, qui constitue une des meilleures introductions que je connaisse. Cependant, dès la deuxième page, Keith nous donne une info qui au premier abord paraît juste ridicule mais qui avec le recul doit être reconsidérée. Si l’on en croit notre homme, à l’époque l’Arkansas a failli adopter une loi contre le rock !! C’est vrai que présenté comme ça, on se dit que c’est vraiment trop gros pour être vrai. Maintenant, passons directement à l’année 1994, de l’autre côté de l’Atlantique. Le royaume de sa très gracieuse majesté interdit, via le Criminal Justice Act voté par le Parlement, tout rassemblement de plus de quinze personnes sur de la musique répétitive ! En France, un amendement anti-rave a été voté en 2001 sous un gouvernement de gauche ! Dans les deux cas, on parle de musique électronique plutôt que de rock mais hé, c’est la même démarche baby !
Keith cultive sa propre légende tout au long de ces passionnantes 643 pages (il aurait pu se débrouiller pour aller jusqu’à 666 pages quand même !). Oui, c’est bien sur le quai d’une gare qu’il croise Mick Jagger avec des disques de blues sous le bras, oui, il s’est bien retrouvé enfermé avec lui dans une cuisine par leur manager afin de pondre enfin leur premier titre à eux, oui, il a bien enregistré le riff de Satisfaction à peine réveillé sur un magnéto à cassette, en pleine nuit et le reste de la bande ne contient que des ronflements, oui, il a bien goûté à tout et non, il ne s’est pas fait changer le sang dans une clinique suisse !
Keith remet une sacrée pendule à l’heure : pour lui le fondateur du groupe c’est Ian Stewart, leur pianiste officieux, plus âgé qu’eux qui leur a servi de point d’ancrage au départ. Exit Mick ou Brian Jones, le fondateur c’est celui que le management de l’équipe va reléguer aux tâches subalternes et au piano d’appoint. Effarant !
Le traitement réservé à Brian Jones n’est pas enviable. Le guitariste blond mort dans des circonstances qui resteront j’imagine toujours mystérieuses, c’est bon pour la légende baby, est surtout décrit comme un type incapable de se contrôler. Un sacré musicien plein de talent, sûr, mais un sacré con avant tout, incapable de reconnaissance, battant ses compagnes, drogué mais incapable de se tenir prêt quand le moment de jouer arrive. Il est vite devenu l’épave ambulante branché sur un courant alternatif que les journaux et biographes du monde entier exhument toujours ; le syndrome Elvis période Las Vegas en quelque sorte…
Et oui, le plus gros queutard du groupe est bien Bil Wyman, pas Mick Jagger ! Sorry Mick ! Mais ça on le savait déjà, c’est juste que c’est tellement bon de remettre sa majesté Jagger à sa place de temps en temps !
Keith n’est pas que tendre avec son partenaire de galère et de gloire. Malheureusement, depuis 18 ans que je suis vraiment tombé dans la grande marmite du rock, tout ce que j’ai pu lire sur les Stones correspond à ce que dit Keith : Jagger veut tout contrôler et ne comprend pas vraiment que Keith veuille dire son mot. En même temps, le guitariste a passé tellement de temps dans les brouillards opiacés qu’il a bien fallu que quelqu’un gère la barque. C’est Mick, ses études d’économies et ses relations bien placées qui s’en sont chargé. Pendant longtemps. C’est sûr que quand Keith a refait surface, genre « j’ai bien dormi, je m’occupe de tout maintenant », l’autre a dû l’avoir mauvaise…
Keith répète souvent qu’il ne fait pas ça pour l’argent et on veut bien le croire, il en désormais assez pour plusieurs vies, il a des baraques un peu partout, il a tout vu, tout vécu alors un ou deux millions en plus d’ici deux ans, ça ne compte pas : pas le temps de les dépenser ! Par contre, faut pas déconner avec le fric non plus : inutile de le gaspiller pour des conneries. Régulièrement dans le livre on sent une volonté d’enfant de parents pauvres de ne pas faire l’idiot avec l’argent et pourtant, les sommes passées dans les poudres, cachets, seringues et bouteilles doivent être faramineuses !
Ah les drogues, le fer de lance de la légende de l’increvable guitariste… A l’issue d’une récente opération du cerveau suite à une chute d’un cocotier, l’humoriste Jay Leno s’est demandé pourquoi on ne fabrique pas des avions sur le même modèle que Keith ? Parti loin et revenu malgré tout, Orphée du rock peut-être, survivant pour sûr et gardien d’un certain esprit, d’une certaine vision. Revoyez son personnage dans Pirates des Caraïbes III, c’est exactement ça.
Keith n’est pas un inconscient non plus, il dit plusieurs fois, il le répète comme un credo, les drogues ont été son carburant, son moyen de composer, de passer des jours entiers en studio pour travailler et donner le meilleur mais en aucun cas il ne se veut comme un exemple ou un modèle à suivre. Il l’a fait, ok, ça ne veut pas dire qu’il faut le faire. Point.
Pas sûr que les laboratoires Merck vont apprécier la pub qu’il leur fait. Paraît qu’ils produisaient la meilleure came légale !
Quand j’ai attaqué le bouquin, un truc pareil ça ne se lit pas, ça s’attaque comme on attaque la face nord de l’Everest, je me suis vite rendu compte que si je connais pas mal de choses sur les Stones, les vies de Keith, Mick, Bill, Brian, Charlie, Ron, Mick Taylor et les autres me sont finalement peu connues. Tant mieux car le sujet est inépuisable et qu’il faut que je réécoute absolument Gimme Shelter pour pouvoir mettre un point final à cette chronique !
One more tour !
Les éditions
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Life [Texte imprimé], ma vie avec les Stones Keith Richards en collaboration avec James Fox traduit de l'anglais par Bernard Cohen et Abraham Karachel
de Richards, Keith Fox, James (Collaborateur) Cohen, Bernard (Traducteur) Karachel, Abdul Abraham (Traducteur)
R. Laffont
ISBN : 9782221112519 ; 23,50 € ; 28/10/2010 ; 662 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (4)
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Passionnant!!
Critique de Valadon (Paris, Inscrite le 6 août 2010, 43 ans) - 6 juillet 2014
Voila, comment dire...? Cette vie, immense, ce bonhomme, incroyable, ce récit, jubilatoire...
On plonge à pieds joints au coeur des années 60, et des quelques décennies qui suivent, avec pour guide un de ces musiciens géniaux qui ont révolutionné la musique, et par ce biais, les moeurs et la société. Rien que ça.
Sexe drogue et rock'n'roll, non ça n'est pas un cliché, la vie de Keith Richards en est une parfaite illustration, mais qui dit sexe dit aussi amour, et on découvre un homme d'une grande sensibilité sous sa cuirasse de rebelle qu'aucun excès n'effraie. Pour la drogue, je pense qu'on peut dire que cet homme est un survivant! Il nous livre tout, sa vie de junkie, ses crises de manque, ses cures, ses rechutes, avec une honnêteté crue à la fois touchante et effrayante.
Quant au rock'n'roll.... Eh bien c'est bien lui, le coeur de cette autobiographie, la musique, cet amour infini, dévorant, essentiel de Keith pour la musique. Sa quête du meilleur son, du riff qui s'impose, son application à toujours progresser, chercher, son bonheur de jouer avec d'autres musiciens, l’émulation qui en résulte, la musique, sa véritable addiction est là.
Et pour finir,au delà de ce beau portrait d'un homme "bigger than life", last but not least, l'histoire des Stones, quand même.... Comment des minots de Datford, adorateurs de blues sont devenus une des formation rock les plus mythiques de tous les temps, et comment les "glimmer twins" ont composé des morceaux aussi puissants et intemporels que "Gimme shelter" ou " Satisfaction".
Bref, c'est passionnant, vivifiant, oui, parce que ça donne sacrement envie de vivre à fond, d'explorer, de prendre des risques, d'aimer.... Oui, il me donne envie de tout ça le Keith!
bof.....
Critique de Pierraf (Paimpol, Inscrit le 14 août 2012, 67 ans) - 14 août 2012
J'ai toutefois apprécié les récits des rencontres avec d'autres musiciens, des concerts et les informations sur son jeu de guitare (accordage et accords).
It's only Rock n' Roll...
Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 7 avril 2011
On en apprend de belles dans ce bouquin : Mick Jagger n'y apparaît pas sous son meilleur jour. Manipulateur et mégalomane, il s'est tellement pris la grosse tête qu'il a cru pouvoir tout régenter et se passer des autres. On n'imagine pas la hargne des flics américains à l'encontre de cette bande de chevelus qu'il fallait à tout prix empêcher de pourrir la jeunesse. Sur ce thème, le premier chapitre est assez hallucinant. L'importance de la drogue est à la fois moindre et pire que ce qu'on pouvait s'imaginer. Richards est l'exception qui confirme la règle. Il s'en est sorti fort difficilement alors qu'il ne compte plus le nombre de ses amis musiciens morts à cause d'elle. Le lecteur découvrira également comment fut composé la plupart des albums du groupe et le guitariste appréciera un certain nombre de trucs techniques révélés par Keith comme le fameux « open tuning ». Un livre intéressant, sincère et émouvant qui permettra aux fans des Stones et aux anciens de replonger dans une époque déjà lointaine, les débuts de l'épopée du rock et du rhythm n' blues.
Damned! Sacré Keith!:-))
Critique de Laventuriere (, Inscrite le 6 mars 2010, - ans) - 28 novembre 2010
Nul besoin d'en rajouter à ta critique: juste conseiller-très, très vivement, évidemment!- la lecture de cette big, intense, intensive life de ce rebelle, fondamental, que j'ai toujours aimé...
Juste -et pour ne pas reprendre ce 1er chapitre que Numa évoque- essentiel pour la suite- ces quelques lignes où Keith nous donne sa clé, celle qui l'a mené, guidé toute sa vie, finalement.. lorsqu'il nous raconte son "recul d'une case", la "méga-déprime" après la mise au rancart des trois meilleurs sopranos de la chorale -dont il était-:
"Elle n'est toujours pas passée, cette humiliation. Le feu qu'elle a allumé brûle toujours. J'ai commencé à voir le monde autrement, surtout pas de LEUR manière. Je me suis aperçu qu'il y avait des brutes encore pires que les pires bizuteurs: EUX, les détenteurs de l'autorité. Le feu s'est mis à couver, lent mais tenace."
..Et,dans les pages précédentes, on ne peut que citer cet extrait qui résume l'homme, sa vie, ses excès:
".Ce bilan (un prof l'a saqué) résumait l'histoire d'une grande trahison, celle qui allait transformer le collégien plutôt bien intentionné que j'étais en terroriste et criminel scolaire, habité par une révolte tenace contre l'autorité".
Keith, c'est aussi ce mec qui reconnaît à chacun des Stones ses défauts mais aussi ses qualités, tel son pote de toujours, Jagger évidemment! sa quasi-fascination pour Charlie(Watts!) et, au final, c'est découvrir un gars dopé +++ mais clair!:-)))
Clair avec lui-même.. sans doute une forme de probité que d'autres pourraient copier... sauf la dope! ,Keith dixit!
A lire impérativement pour tous les amateurs de big rock, des 70's et de ses extrêmes -no limit!- qui avait cette puissance rare, unique.. que l'on a beaucoup de mal à retrouver..
Yeah! One more tout!
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