La maison qui s'envole
de Claude Roy

critiqué par Lolita, le 9 mars 2002
(Bormes les mimosas - 38 ans)


La note:  étoiles
Le livre porte-bonheur
Ce livre est pour moi "le livre porte-bonheur"... Le livre que j'ai toujours près de moi et que je lis en n'importe quelle occasion... J'ai eu beaucoup de mal à le classer dans une catégorie : poésie, nouvelle fantastique, jeunesse, roman fantastique? Pour moi, ce livre est tout à la fois... Il est empreint de magie, de féerie et de ce bonheur qui vous parcourt à chaque nouvelle page...
"Car il est délicieux d'être enfermé tout seul dans une grande chambre blanche aux volets clos, où une mouche égarée fait : "Bzz...Bzzz..." où les draps blancs sentent la lavande et les prés, où une pendule fait sagement "tic-tac", et où le sommeil vient doucement vous fermer les yeux comme un papillon qui se pose sur la main." Ce livre est à la fois poétique, rempli de petites comptines. Il vous évade de la réalité. Pour moi, il représente l'évasion!!
Quand à l'histoire, elle parle de jeunes enfants livrés à eux mêmes après le départ de leur parents pour quelques jours invités chez le général Dourakine... Les enfants font d'énormes bêtises et les objets de la maison se révoltent... Entretemps les enfants font la connaissance d'un joyeux petit musicien : Ludovic.
Si vous avez l'âme poétique, que vous aimez rêver, et retrouvez votre âme d'enfant, alors ce livre est pour vous!
Là-Haut avant l'heure 10 étoiles

Si on se penche un peu aux matins blancs de mai,
On peut voir les maisons qui s’en vont nidifier.

L’un, palais fait de marbre au cou chargé de rides,
Avait trouvé l’amour, avait rempli son vide
Auprès d’une maison à l’allure bourgeoise,
Qui, coquette, changeait son épais maquillage
Et souvent ses bijoux pour un meilleur parage.
Ce couple-là s’aimait d’une façon sournoise.

L’une, pauvre masure habitée par les vers,
Admirait en rageant la fierté, les grands airs
D’une villa cossue sur le bord de la Vire,
Qui, trop fière, voyait ce garnement de bois
Jurer avec les tuiles vernies de son toit.
Ce couple-là s’aimait sans oser se le dire.

Qu’il est drôle de voir aux matins blancs de mai
L’envol de ces maisons qui s’en vont nidifier !

Un coron fiancé à une quille-en-l’air,
Tous deux soucieux de plaire à leur père, à leur mère
Convolaient tristement en étouffant au cœur
L’un l’image dansante d’un coron à trilles,
L’une les courbes chaudes d’une douce quille.
Ce couple-là semait les grains de la rancœur.

Un donjon esseulé, survivant d’un massacre,
Enlacé par un lierre dont les baisers âcres
Ne lui suffisaient plus, s’envola dans le soir
En quête du passé, chercher sa châtelaine,
Ombrée de souvenirs, vers la rive lointaine.
Ce couple-là s’aimait par-delà la nuit noire.

Qu’il est dur d’observer dans les soirs bleus de mai
L’envol de ces maisons qui s’en vont, égarées …

Une chambre de bonne, une suite royale
Observaient en chantant, au creux d’une aube pâle,
La belle pouponnière et ses rires d’enfant,
Qui déployait ses murs, ouvrait grand ses fenêtres,
S’émerveillait de tout, goûtait le bonheur d’être.
Ce couple-là s’aimait au-delà de l’argent.

La jeune maisonnette à la coiffe de chaume
Aimait passionnément un vieux mas de la Drôme.
L’idylle promettait un rapide veuvage,
Car le mas était ruine et ses murs craquelaient,
Mais la belle aimait trop pour pouvoir y penser.
Ce couple-là s’aimait bien au-delà de l’âge.

Qu’il est doux d’observer aux matins bleus de mai
L’envol de ces maisons qui s’en vont nidifier !


C’est un petit ouvrage ô combien agréable, empreint de poésie, et qui met sur la table des trésors insondables d’imagination tant autour des objets qui sont dans la maison que des nombreux oiseaux qui volent dans le ciel, certains étant serviables, d’autres plein de fiel.
C’est tout ce que j’adore dans ces livres-là, écrits pour des enfants sans se traîner en bas. C’est grand, c’est élevé, c’est beau, c’est littéraire, c’est tout ce qui est bon, utile et nécessaire pour qu’un enfant grandisse et croisse son esprit. Si un peu plus de livres écrits comme lui étaient mis à portée des enfants encor verts, nous aurions des adultes qui auraient un air de poète au visage et qui verraient partout des richesses sans fin à en devenir fous, et l’on verrait alors le plus humble clapier recouvert d’argent fin et grand comme un palais. Ce livre tient bien plus, enfermé dans ses pages, qu’une leçon de vie pour les enfants peu sages, qui démontent les choses, n’obéissent pas ; une leçon de vue, de percer au-delà du neutre matériel, de l’objectif, du creux, toucher le potentiel, le subjectif, le vœu : et le monde à ce stade devient infini, l’explorer nous prendrait plus d’un millier de vies.

Froidmont - Laon - 33 ans - 1 septembre 2024