Le mot magique
de Augusto Monterroso

critiqué par Débézed, le 15 novembre 2010
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
« Chaque livre a sa propre destinée »
Avec ce petit opuscule, Monterroso veut rendre hommage à la littérature latino-américaine dans une série de portraits où l’on rencontre : Horacio Quiroga dont l’œuvre est presque aussi encombrée par les morts brutales que son arbre généalogique et son entourage amical, Ernesto Cardenal, le prêtre poète, Angel Miguel Asturias devenu Prix Nobel avec un livre sur la dictature et José Luis Borges qui à lui seul aurait pu donner ses lettres de noblesse à cette littérature, « … dans le domaine de la littérature d’imagination, nos pays, grâce au seul cas de Borges, peuvent rivaliser d’égal à égal, et même à leur avantage, avec les meilleurs exemples mondiaux du genre ». On y rencontre aussi quelques intrus, notamment Shakespeare, Cervantès et Kafka qui peuvent peut-être, semble sous-entendre l’auteur, être dignes de siéger aux côtés des grands écrivains latino-américains.

Il évoque également l’acte d’écrire, la démarche de l’écrivain, qui est en Amérique latine souvent une révolte contre un régime dictatorial qui conduit à chaque fois vers l’exil. Mais, la dictature est aussi une source d’inspiration inépuisable. « Car même si je pense que la littérature ne sert pas à grand-chose pour changer la situation politique d’un pays, les dictateurs ont été et seront toujours de bons sujets littéraires. » Ainsi, la dictature devient le moteur de l’acte d’écrire, le vecteur de la sanction et la meilleure source d’inspiration, celle qui valut le Prix Nobel à Asturias.

Ce livre est également nourri de réflexions et d’anecdotes sur les formes et motivations littéraires : l’opportunité des autobiographies, la rédaction des nécrologies, l’hypocrisie des écrivains, le rôle des traducteurs et toutes ces choses qui font que « chaque livre a son propre sort » mais que finalement la littérature n’a pas une grande influence sur le cours de l’histoire. « Finalement, on découvrira qu’aucune fable ne fait mal, sauf quand on peut y voir un enseignement quelconque ».

Et tout ça avec des illustrations naïves de l’auteur qui donnent un côté un peu plus ludique à l’ouvrage pour bien confirmer que la littérature n’est pas une chose trop sérieuse mais un art seulement. Au pays où la littérature a été souvent une arme contre les dictateurs, c’est plutôt surprenant et, on se prend à rêver que le projet d’un livre de nouvelles sur les dictateurs latino-américains ait pu aboutir sous les plumes d’Alejo Carpentier, Carlos Fuentes, José Donoso, Julio Cortázar, Carlos Martinez Moreno, Augusto Roa Bastos, Mario Vargas Llosa et Augusto Monterroso lui-même, excusez du peu ! On regrettera longtemps que ce projet ait avorté !