Les termitières de la savane
de Chinua Achebe

critiqué par Septularisen, le 17 novembre 2010
( - - ans)


La note:  étoiles
LA FARCE DES HOMMES...
Les termitières de la savane est un roman polyphonique où les pensées et la vie de chacun des personnages nous sont présentées tour à tour. L’histoire de départ est celle de trois amis d’enfance et anciens camarades de classe Christopher (Chris) Oriko, Ikem Osidi et Samuel (Sam), qui ont été formés à l’école britannique, (l’ancien colonisateur de leur pays) avant de retourner vivre au Kangan, le pays imaginaire de l’Afrique de l’Ouest où Chinua ACHEBE a situé son roman.

A l’indépendance du pays Sam, ancien militaire est devenu «Son Excellence» le Président du Kangan, Chris, ancien journaliste, son Commissaire à l’Information et Ikem, le rédacteur en chef de «la nouvelle Gazette» (l’ancien poste de Chris), le principal journal d’opposition au pouvoir des militaires.
Chris se morfond à son poste, il n’est qu’un laquais aux ordres du Président et doit obéir sans se poser de question.

Un jour, une délégation d’anciens d’une province du Nord du Kangan, l’Abazon, arrive dans la capitale pour tenter de rencontrer le Président. Or, l’Abazon qui se meurt de la sécheresse, est mal vue par le Président pour avoir voté «non», lors du référendum visant à faire du chef de l’Etat un «Président à vie». Il a d’ailleurs «puni» la province est faisant arrêter le programme de creusement des nouveaux puits…

Chris est alors chargé d’ordonner à Ikem d’envoyer un photographe à une pseudo-réception donnée en l’honneur des anciens de l’Abazon, sans la présence du Président d’ailleurs, car il veut que le gouvernement ait une bonne presse pour cet évènement.
Ikem qui est justement originaire de cette province, et qui n’a de cesse d’évoquer la corruption au sein du gouvernement, reçoit un accueil enthousiaste de la part des anciens de l’Abazon. Mais la Police de sécurité du Président, qui le surveille discrètement, profite de l’occasion pour l’accuser de fomenter une rébellion dans la province du Nord.

Le Président ordonne alors à Chris, en tant que Commissaire à l’Information, de limoger Ikem de son poste de rédacteur en chef. C’est la goutte qui fait déborder le vase pour Chris, qui refuse et annonce en même temps sa démission…

L’écriture d’ACHEBE est belle, facile à lire, sans fioritures. Les dialogues ont une grande importance dans le livre, et si l’on sent bien l’auteur faire un effort dans les descriptions des paysages, les personnages et leurs dialogues sont avant tout mis en avant, et sont le point fort de l’auteur. Le plus intéressant étant les rapports entre le «triumvirat» des anciens amis, formé par Chris, Ikem et Sam.
La description des mœurs et du statut social de privilégiés, qui a creusé un véritable fossé entre les élites de la nation, et leur éducation à l’occidentale (Ikem, Chris, Béatrice…) et la souffrance et la pauvreté du «petit» peuple (Elewa…) que l’on peut percevoir de façon subjacente dans tout le roman est absolument époustouflante.
Tous vont avoir à un moment où a un autre à mesurer, en leur âme et conscience, l’ampleur de leur compromission avec le pouvoir en place…

Dénonçant avant tout la corruption (parfois dans des scènes d’un comique mordant) qui gangrène les états Africains, mais aussi le colonialisme et le post-colonialisme, les dictatures soutenues par des puissances occidentales ou communistes, ce livre de Chinua ACHEBE m’a surtout frappé par la beauté et la profondeur psychologique des personnages. La construction du roman est d’ailleurs ainsi faite qu’à la fin du roman, les personnages secondaires comme Béatrice la fiancée de Chris et Elewa, la fiancée d’Ikem se retrouvent en fait être les personnages principaux…

Je dois toutefois reconnaître que ce qui m’a le plus plu dans ce roman est cette tension permanente, qui tient le lecteur en haleine, et qui va en s’accroissant tout au long du livre, on suppose qu’il va se passer quelque chose, on sent qu’il va se passer quelque chose, on sait qu’il va se passer quelque chose, mais on ne sait ni quoi, ni quand, cela aura lieu, et cela ne fait que renforcer l’intérêt de ce livre…