Les corsaires d'Alcibiade, tome 1 : Elites secrètes
de Denis-Pierre Filippi (Scénario), Éric Liberge (Dessin)

critiqué par Shelton, le 20 novembre 2010
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Très fort ! Très beau ! A lire !
La qualité d’une série repose avant toute chose sur un scénario solide car si on veut tenir le lecteur en haleine, si on veut obtenir sa fidélité, au moins sur cinq ou six albums, on ne peut pas le faire en lui proposant une histoire mièvre, sans fondement ou absurde. Sur un album, cela pourrait passer, sur une série c’est, tout simplement, inconcevable ! Mais, ce scénario, si costaud et profond soit-il, doit reposer, être étayé, mis en scène, porté par un dessin remarquable qui va donner chair à un univers dans lequel le lecteur est appelé à passer du temps, voir assez varié et riche pour permettre au lecteur d’y revenir, de s’y mouvoir avec plaisir et bonheur… Je dis bien qu’il doit donner la possibilité de plusieurs lectures car dans le mécanisme des séries, il n’est pas étonnant de voir les fans, les mordus, les passionnés, reprendre la série entière à chaque parution de nouvel album. Si le lecteur ne se lasse pas, à aucun moment, alors nous sommes bien en présence d’une excellente série et c’est pour avoir testé ce mécanisme diabolique, proche de l’addiction, que je décide aujourd’hui de vous accompagner aux portes de cette série : Les corsaires d’Alcibiade !

Tout commencera dans la capitale britannique, Londres, en 1825. Le dessin, très dix-neuvième siècle, précipite notre intégration dans une époque lointaine que la littérature, classique et bédé, nous a déjà présentée et que nous reconnaissons très rapidement. La première partie de ce premier album est consacrée à la sélection des candidats, une sorte de casting d’acteurs, de personnages. Un petit voleur, un dragueur impénitent, une chef de bande, deux intellectuels… Tout ce petit monde va se retrouver dans une sorte d’école particulière où un concours se déroule pour savoir qui sera gardé pour appartenir aux corsaires d’Alcibiade, mais les candidats ignorent même la nature de la sélection, son objectif et n’ont jamais rien demandé à personne pour se retrouver là… C’est ainsi qu’un groupe se forme et se « qualifie » pour la suite des aventures : Peter, Mike, Curtis, Lydia et Maryline…

Dans la deuxième partie de cette histoire, on va être confronté à la construction d’un univers qui n’est pas si vieillot qu’on pouvait le penser au départ car les organisateurs de cette sélection, les propriétaires de l’Alcibiade, sont des femmes et des hommes qui ont la maîtrise de toutes les techniques apparaissant au dix-neuvième siècle : du coup le dessin devient très futuriste dans l’esprit « Jules Verne » et on finit par oublier l’époque pour entrer dans l’aventure, qui elle aussi, promet d’être forte avec chasse au trésor, espionnage et contre espionnage, périls en tout genre…

En bons feuilletonistes – c’est le mot que je trouve le plus exact pour décrire Filippi et Liberge – les deux auteurs font en sorte de terminer le premier album par la première mission de Mike et Lydia… Les voilà dans une soirée mondaine, mais ils ne sont pas là pour profiter de la vie, du champagne et des petits fours…

Mais c’est alors que s’inscrit le mot maudit, symbole d’attente et crispation : à suivre !

Un très beau travail qui m’a enchanté et que je ne peux que conseiller car si vous n’embarquez pas en compagnie des Corsaires d’Alcibiade, il vous manquera définitivement quelque chose, du moins dans le domaine de la bande dessinée. Le scénariste Denis-Pierre Filippi qui s’illustre dans cette série est aussi connu pour avoir scénarisé Les Gargouilles, Un drôle d’ange gardien, Le livre de Jack, Le livre de Sam, John Lord… Il est maintenant un auteur reconnu et solide que l’on a beaucoup de plaisir à lire. Par contre, Eric Liberge peut sembler moins connu alors que, pourtant, il est déjà l’auteur de plusieurs albums, mais qu’il a, surtout, un graphisme identifiable et spécifique que l’on a pu découvrir dans Monsieur Mardi Gras Descendres, Aux heures impaires, Tonnerre Rampant… Donc du très bon travail qui confirme deux talents, deux signatures, deux auteurs de bandes dessinées de qualité ! A lire, à découvrir et faire découvrir !!!