Anthologie de l'art grec
de Pierre Brunel

critiqué par Dirlandaise, le 21 novembre 2010
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Un lieu où la perfection existe...
Pierre Brunel, ancien élève de l’École Normale Supérieure et agrégé de lettres classiques est professeur émérite de littérature comparée à l’Université de Paris-Sorbonne. Il n’est donc nullement historien d’art ce qui rend ce livre tout à fait intéressant et particulier par comparaison avec d’autres ouvrages sur le même thème. L’auteur nous présente une sélection d’œuvres d’art issues de la Grèce antique, la plupart des sculptures mais aussi des édifices et des peintures. Il débute donc cette magnifique anthologie avec l’art crétois et l’art mycénien pour poursuivre avec l’évolution de l’art géométrique, le temple grec et la représentation des dieux, l’Acropole d’Athènes, la sculpture à l’âge classique, la peinture, l’art de l’époque hellénistique, différentes représentations d’Aphrodite, Apollon et Dionysos pour terminer par les théâtres de Delphes, d’Épidaure et de Syracuse.

Ce qui rend cet ouvrage si particulier à mon avis, ce sont les commentaires de monsieur Brunel sur les différentes œuvres présentées. L'auteur s’est appuyé dans ses recherches sur les historiens d’art Louis Hourticq et René Ginouvès et il fait souvent référence à eux mais il émaille également ses courts textes de références littéraires et là réside toute la saveur si particulière de ce lourd volume. Exemple : le texte décrivant un vase archaïque d’Ialysos est agrémenté d’un court poème tiré du recueil de John Keats intitulé « Ode sur une urne grecque » écrit en 1819 et la page traitant du Centaure enlevant une femme lapithe nous offre un extrait fort beau tiré du recueil de José-Maria de Heredia intitulé « Trophées » datant de 1893. Et tout au long du livre, nous trouvons ces petits trésors littéraires si pertinents au sujet traité.

Ai-je besoin d’ajouter que les photos sont sublimes de beauté et de sobriété. Chacune est en pleine page et met en valeur d’une incroyable façon ces œuvres irremplaçables qui datent presque toutes de 400 à 450 ans avant J.-C. Pour chacune, il est indiqué le lieu de sa découverte, le nom de l’auteur de la trouvaille, le matériau, les dimensions, son lieu de conservation et bien sûr la datation. Le livre est d’une belle actualité puisqu’il existe présentement un débat sur le rapatriement des frises du Parthénon conservées au British Museum et que la Grèce réclame de bon droit à mon avis.

J’ai également apprécié de l’ouvrage la large place accordée au sculpteur et au mythe entourant chaque thème. Parcourir ce livre est un véritable enchantement, une incursion dans un monde de beauté immuable peuplé de représentations de dieux, de femmes et d’hommes, figés pour l’éternité dans des poses et des actions nous les montrant parfois touchants de vulnérabilité et de simplicité et parfois grandioses, porteurs de valeurs phares qui continuent d’éclairer les ténèbres de notre monde plongé dans un matérialisme navrant et d’une décourageante vulgarité.

"Il y a un lieu où la perfection existe ; il n’y en a pas deux : c’est celui-là. Je n’avais jamais rien imaginé de pareil. C’était l’idéal cristallisé en marbre Pentélique qui se montrait à moi. Jusque-là, j’avais cru que la perfection n’est pas de ce monde ; une seule révélation me paraissait rapprocher de l’absolu. (…) Quand je vis l’Acropole, j’eus la révélation du divin." - Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse (1883)