Les Croix de bois
de Roland Dorgelès

critiqué par Nowhereboy, le 8 décembre 2010
(Rennes - 45 ans)


La note:  étoiles
Témoignage irremplaçable
Sorti dès 1919, l'ouvrage livrait au public, dans toute son horreur, la vérité sur les tranchées de 14-18, dans une suite de chapitres qui évoquent toutes les situations dans lesquelles pouvaient se trouver les soldats. Portraits d'hommes braves, lâches ou roublards, tous unis par la dureté de la guerre.

Tout commence par le débarquement dans une escouade, au printemps 1914, de Gilbert Demachy. C'est un étudiant de 25 ans qui vient de finir son droit, bourgeois aisé, engagé volontaire. Petit à petit, il fait la connaissance de ses camarades, tous issus de catégories sociales différentes : Bouffioux, considéré comme le souffre douleur, le gros sac décidé à tout faire pour éviter le front, et qui est d'ailleurs surnommé "gras du ventre", Breval, le caporal, qui tient un rôle important dans l'histoire car il cherche surtout à préserver la vie de ses gars, à les ménager, Brouke, le nordiste, qui est le seul de la bande à parler le patois, Fouillard, le cuisinier, etc... Il y a surtout un autre personnage que l'on ne peut oublier : Sulphart dit « Le rouquin », gouailleur et râleur, qui considère la guerre comme un jeu contrairement aux autres, pour qui c'est une sorte de gouffre, de fin ultime... C'est Jacques Larcher, meilleur ami de Gilbert, qui raconte leur quotidien, leurs déboires, leurs espoirs...

Au début, on est un peu dérouté par le langage particulier des tranchées, ou par l'argot, mais très vite on s'y fait, la langue épurée de Dorgelès (lui-même engagé volontaire) finalement est un régal et fait honneur à la gouaille des poilus. Son style se fait tantôt épique lorsqu'il s'agit de décrire les vagues d'assaut (cf. le Mont Calvaire, chapitre où les héros doivent tenir une position coûte que coûte avec le bruit lancinant de la pioche allemande creusant un tunnel sous leurs pieds afin d'installer une mine...), tantôt burlesque lorsqu'il évoque les conversations entre soldats, poétique parfois avec le motif récurrent des croix de bois alignées partout, dans les villages, le long des chemins, près des rivières, dans les cimetières improvisés... Un livre (un peu oublié aujourd'hui) poignant (cf. l'épisode du fanion rouge), empreint de nostalgie, qui vous prend aux tripes, tout simplement...
je vais en enfer... 10 étoiles

Peu de témoignages sur la Grande Guerre ont la force du "Feu" d'Henri Barbusse, un réquisitoire sans concession contre la guerre et la folie des généraux. Dans ce récit, plus humble et plus intime, Roland Dorgelès nous fait partager le quotidien des poilus, au sein d'une brigade qui va être décimée au cours des attaques sur le front lorrain. La souffrance mais aussi la joie de ces hommes, de toute origine sociale et géographique, réunis par une camaraderie qui ne va pas sans jalousies et petites tracasseries, est dépeinte avec une profonde sincérité. Les moments les plus touchants ne sont pas ceux pendant lesquels le danger est permanent et la mort au rendez-vous. Non, c'est pendant les temps de tranquillité, entre deux attaques, que le bonheur de ces poilus fait sortir les mouchoirs: un rien les réjouit, une jupe fleurie entrevue entre deux arbres, un biscuit trempé dans du chocolat, des petits riens qui font aimer la vie. La description de ces petits moments de bonheur volés rend encore plus cruelle la violence des combats. Sulphart (on ne connait pas les prénoms de ces soldats sauf celui de Gilbert Demachy) est particulièrement émouvant, avec sa femme qui lui écrit qu'elle passe du bon temps avec un Belge, et qui sera partie avec les meubles lorsqu'il finira par rentrer à la maison, blessé et définitivement réformé. Roland Dorgelès a privilégié l'analyse psychologique à l'analyse sociale. C'est son choix, on peut le regretter mais au final il a laissé une oeuvre immortelle, un message universel qui laisse au lecteur la possibilité de juger par lui-même: la guerre, et si vous y étiez?

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 9 avril 2011


Epargnez-moi ça... 2 étoiles

Après avoir lu "A l'Ouest, rien de nouveau" d'E.-M. Remarque (que je ne recommande pas du tout !!), on m'a infligé de lire ce livre : pire que l'autre ! Me diriez-vous, je n'ai que 14 ans... Mais je m'explique : même si c'est un témoignage très poignant et "irremplaçable" je tiens à dire que franchement faut pas abuser... C'est un livre que tout le monde, ayant participé a une guerre, pourrait faire ! D'accord c'est émouvant lorsque le héros rencontre sa mère : mais pour toutes les guerres ce serait pareil ! Déjà que ce sujet ne me plait pas du tout : ce livre me l'a encore prouvé ! De plus, il y a énormément de descriptions !
Parfois je me disais "Stop là ! C'est bon on a compris !!"

N'ai vraiment pas accroché...

Guidi - , - 28 ans - 16 janvier 2011


Le conte noir des biffins. 8 étoiles

Témoignage poignant, récit édifiant d'une guerre qui a brisé des milliers d'hommes. Indispensable à lire pour mieux comprendre le destin de ces hommes ordinaires confrontés malgré eux à une situation extraordinaire. Combien de récits de cet ordre faudra-t-il aux hommes pour comprendre les ravages de la guerre et parfois son inutilité. On peut disserter des heures sur la notion de guerre juste, mais quand on a le nez dedans on ressent l'injustice, l'inéluctable destin qui s'abat sur soi comme un oiseau de mauvais augure. Dorgelès rend compte avec beaucoup de talent et de poésie. Néanmoins, le style m'a énormément rebuté et ces 250 pages m'ont paru interminables. Cependant cela n'enlève rien à la force du témoignage, à sa justesse qui remplit d'effroi. Comment ne pas s'incliner avec respect devant ces stèles " Pro patria" de l'époque qui parsèment nos campagnes et qui rendent hommage à ces hommes broyés dans la fleur de l'âge. RIP à tous.

Hexagone - - 53 ans - 23 décembre 2010