Pourquoi lire ? de Charles Dantzig
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire , Sciences humaines et exactes => Essais
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Charles Dantzig au sommet de la condescendance
Entre 2 lectures romanesques, quoi de mieux que de changer un peu de genre littéraire, et de s'adonner à un essai, retraçant pourquoi pas, l'amour des livres. C'est ce que je fais de temps en temps, et ces tentatives se sont jusqu'alors toujours montrées fructueuses. Ce livre dont on m'a fait cadeau de Charles Dantzig, parfait inconnu, tombait donc à point, et le titre était prometteur.
Au travers de dizaines de chapitres, Dantzig aborde différentes anecdotes et points de vue sur la lecture en général. Peut-on parler de construction? Je ne crois pas, il n'y a aucune continuité ni enchaînement logique entre ces chapitres. Pire, leurs titres, s'ils ont le mérite d'être originaux parfois et de suggérer un contenu prometteur ("Lire pour ne pas laisser les cadavres reposer en paix", "La lecture est un tatouage"), me font étrangement penser aux phrases de Ben, vous savez, l'artiste a l'écriture d'écolier qui écrit en blanc sur fond noir des phrases censées êtres bien trouvées, révélatrices, comme "je ne sais pas qui je suis".
Ici, c'est un peu la même chose, tantôt en plus vulgaire ("Lire pour se masturber"), tantôt en plus incongru ("Lectures en croûte") mais parfois de façon tout aussi classique ("Lire pour rajeunir", "Lire le pouvoir").
Nous l'excuserons pour cette présentation négligée ; après tout le plus important ici, c'est quand même les idées qui nous sont révélées. Et là, ça se gâte.
Charles Dantzig nous raconte qu'il annote chaque livre, ce que nous sommes beaucoup à faire. Habituellement, j'aime aussi souligner les phrases qui me parlent, généralement parce qu'elles me plaisent, soit par leur poésie, leur sonorité, soit par le sens profond qu'elles dégagent. Ici, sur la trentaine de passages que j'ai du marquer, au moins 25 on été mis en évidence suite à l'agacement et à l'exaspération qu'ils ont suscité en moi, comme autant de preuve que Charles Dantzig a perdu son temps à écrire ce ramassis d'absurdité, d'incohérence et de condescendance. Et encore, je me suis retenue, autant dans les substantifs utilisés précédemment que dans le soulignage.
Voyons donc ces petites perles :
"Le charme de la littérature est souvent créé par le lecteur en état d'enfance. Beaucoup y restent. Ce sont ceux qui transforment les romans en best-sellers. Et les femmes restées des gamines rêvant d'amour mènent à 300 000 des nunucheries qui pansent la douleur d'avoir pour mari un goujat qui mange les coudes sur la table, et les hommes restés des adolescents à idées quittent les émissions de foot sur TF1 pour les romans d'anticipation écrits par des cons apocalyptiques."
Facile.
Mais j'ai mieux :
"Les titres avec le mot "secret" sont généralement le gloss des livres nuls : L'ultime secret, Bernard Werber, Le grand secret, René Barjavel, Propos secrets, Roger Peyrefitte, Brûlant secret, Stefan Zweig."
"J'ai essayé de lire Twilight, c'est trop dur. Il reste à Stéphanie Meyer 84 999 999 lecteurs de ces romans qui ne sont ni bien, ni mal, ils sont nuls."
En utilisant en plus un ton jamais dérisoire et toujours péremptoire, je vous assure que cette lecture est un délice.
Mais encore :
"J.K Rowling a décomplexé les adultes du monde entier, et les romans pour jeunes adultes ont envahi le monde des aînés. On pourrait en écrire un Discours de l'arriération volontaire."
Le problème avec ce genre de phrases, c'est quand elle n'est pas écrite au second degré, et je vous assure qu'à la lecture de Datzig, il n'y a jamais d'ironie ni de second degré, mais toujours ces pseudos-vérités.
Dantzig a tout de même un talent fou, il faut l'avouer ; celui de reprocher aux autres ce qu'il fait lui-même, durant 250 pages. A propos de Marguerite Duras : "Ce qui ne l'empêchait pas d'affirmer très fermement les choses. Duras avait l'incertitude péremptoire." Et trente pages plus loin, toujours à propos d'elle. "Duras en avait du talent, et n'en était pas qu'un peu sûre."
Là, c'est vraiment drôle ! Mais il s'en rend compte tout de même j'espère !
Allez, rions encore à propos de certains auteurs de biographies "(...) même arrogance sournoise, même assurance que seul ce qu'on pense a une valeur" !
En nous prenant de haut, Dantzig tombe bien bas dans notre estime.
Il a une culture littéraire certes indéniable. Mais quel dommage de la gâcher en la livrant ainsi. Heureusement que d'autres sont là pour rendre des hommages à la littérature dignes de ce nom.
Pourquoi ai-je persévéré dans cette lecture malgré l'agacement extrême que j'ai ressenti ? En laissant ma rancune de côté, et pour profiter de quelques rares mais jolies réflexions.
"Nous choisissons, dans nos lectures, les vêtements de nos sensations, les paroles de nos bouches muettes, l'éloquence de nos pensées borborygmiques"
"Elle maintient [la lecture], dans l’utilitarisme du monde, du détachement en faveur de la pensée."
Inutile je pense de m'acharner plus, ce serait une perte de temps, mais il y aurait encore beaucoup à dire.
Une lecture et surtout un auteur que j'oublierai vite, ou plutôt dont je garderai le nom en tête pour ne surtout pas l'offrir ni le redécouvrir.
Les éditions
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Pourquoi lire ? [Texte imprimé] Charles Dantzig
de Dantzig, Charles
B. Grasset
ISBN : 9782246779315 ; 19,30 € ; 29/09/2010 ; 256 p. ; Broché -
Pourquoi lire?
de Dantzig, Charles
le Livre de poche
ISBN : 9782253162193 ; 7,70 € ; 02/11/2011 ; 224 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (4)
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Lire est tout.
Critique de Chene (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans) - 26 janvier 2016
Il regorge de petits trésors. « Lire autre chose que ce qui est écrit » est le titre d’un des chapitres. C’est bien vrai ! Là où certains ne voient qu’arrogance et mépris, je perçois humour et finesse.
Découpé en courtes séquences, qui se lisent et relisent dans tous les sens, et à tout moment, ce texte dissèque finement les causes et les conséquences de la lecture, sonde l’objet de la littérature, opère l’écrivain et autopsie le lecteur. Il fallait le faire. Dantzig a osé s’y atteler. Bel exercice. J’applaudis.
Laissons conclure l’auteur : la lecture est cet instant d’éternité simultanément ressenti par quelques solitaires dans l’espace immatériel un peu bizarre qu’on pourrait appeler l’esprit (…).
Lecture navrante...
Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 23 mars 2012
Si j'avais eu le loisir d'ouvrir le livre, je ne l'aurais sans doute pas acheté... en effet, sa construction même m'aurait fait voir combien il est artificiel, le produit d'une pose... chapitres d'une page, illustration incongrues...
Je fait mienne la critique d'Elya, j'ai ressenti à la lecture de Pourquoi lire? la condescendance, les points de vue de l'auteur non motivés, les critiques assénées avec morgue... les attaques ad hominem contre Céline, les jugements à l'emporte-pièce.
En 10 mots comme en 1000, le livre m'a fortement déplu, il est le produit d'un écrivain de bas-étage voulant se mettre en avant aux dépens de ce qu'il dit adorer par dessus tout, la lecture. La critique semble avoir très bien reçu le livre à sa sortie en 2010. J'ai décidément raison de me méfier de la critique institutionnalisée.
Pourquoi lire Charles Dantzig ???
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans) - 29 janvier 2012
Le titre de ce livre ne pouvait que séduire le grand lecteur que je suis. Comme les lecteurs se font de plus en plus rares, le témoignage d'un grand lecteur est toujours réconfortant. Charles Dantzig exprime parfois simplement sa passion ou met des mots sur notre ressenti commun : "Pour moi, presque tout ce que j'ai appris de bien, je l'ai appris par les livres." Il évoque son expérience de lecteur, par exemple le fait d'annoter les romans qu'il lit, le fait que le lecteur est un voleur qui s'empare de quelques phrases cultes dans un roman... Selon Dantzig, le lecteur se construit par ses multiples lectures. Notre jugement s'affine avec le temps, tout comme notre exigence envers la littérature. Notre appréciation d'un roman peut dépendre du lieu dans lequel on se trouve, du moment où il est lu et de la disposition personnelle dans laquelle on se trouve ... Je suis d'accord avec tout ceci ! En même temps, ce n'est pas transcendant !
L'effet pervers de cette lecture, c'est cet agacement qui naît de la lecture de ces nombreux chapitres. Je rejoins Elya dans la plupart de ses remarques. Je n'aime pas le mépris affiché de l'auteur pour certains écrivains ou certains lecteurs. Mais c'est surtout son ton doctoral qui est détestable. A-t-on le droit d'avoir des goûts différents ? Ce texte s'intitule "Pourquoi lire ?", et non " Que doit-on lire ?". Je n'ai pas lu la saga Harry Potter, mais je suis ravi que des adolescents et même des adultes la lisent. Je ne lis pas de polars, mais les lecteurs de ces romans ne sont pas une méprisable engeance. Quant à la théorie sur le mot "secret", elle est farfelue ! Ce sont des raccourcis qui manquent de nuance .... Céline est souvent la cible de Dantzig. Je conçois tout à fait l'antipathie que l'homme peut soulever, mais ne peut-on pas juger une oeuvre en la détachant parfois de la biographie de l'écrivain ? Depuis Sainte-Beuve la critique a évolué ! Ne faut-il plus lire Céline ? Jouhandeau ? Knut Hamsun ? Gide pour sa fascination pour les adolescents ? Balzac pour sa sympathie pour la peine de mort ? Céline est peut-être un monstre sur certains points, mais "Le Voyage au bout de la nuit" a tout de même des qualités ...
En parlant de lecture, le lecteur était en droit d'attendre une certaine fraternité entre les lecteurs et un peu plus de discernement.
Tout livre a le mérite de faire lire, on devrait plutôt s'en réjouir.
Certaines phrases se veulent teintées d'humour mais me dérangent par leur rigidité : "Ainsi est né Twilight, le premier roman de vampires qui ne soit pas fait avec du sang, mais avec du navet." Ah ah ah, mais bof !
Certains chapitres sont même creux ...
Un texte inégal : quelques phrases bien senties, des attitudes de lecteurs parlantes, des exemples pertinents et qui témoignent de la culture de l'auteur, mais aussi de la condescendance et de l'intolérance.
De la nuance aurait enrichi cet essai.
bien triste constat
Critique de Flo29 (, Inscrite le 7 octobre 2009, 52 ans) - 11 juin 2011
Et pourtant j'aime Tolstoï, Balzac, Stendhal, Molière, je ne fuis pas Proust! Ce qui m'a déplu dans ce livre, c'est le mépris de l'auteur pour les gens qui aiment autre chose que des chefs d'oeuvre. Oui, j'aime la grande littérature, mais c'est par le biais d'ouvrages bien moins littéraires que j'y suis arrivée. Et oui, je lis aussi Harry Potter, et d'autres "nunucheries", parce que je pense que tout lecteur est respectable, quelles que soient ses lectures, et l'on ne doit pas mépriser ceux qui, un jour, peut-être se tourneront vers les chefs d'oeuvre.
Je retiendrai juste quelques jolies phrases de l'auteur, et sa conclusion, même si celle-ci est un bien triste constat.
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On a bien lu le même ! | 10 | Stavroguine | 9 août 2019 @ 02:17 |