Le fil des missangas
de Mia Couto

critiqué par Camarata, le 26 décembre 2010
( - 73 ans)


La note:  étoiles
l’enfance c’est comme l’amour, elle ne se joue pas toute seule
C’est un chapelet de micro- récits, dont l’atmosphère étrange, à mi-chemin entre le rêve et le conte nous envahit progressivement jusqu'à trouver cela tout naturel.
Les héros sont des femmes et des hommes du peuple, des enfants, dans un village du Mozambique. Il est question de leur vie dans ce qu’elle a de plus trivial, de plus minimal et pourtant de plus somptueux,« l’éblouissance » de la vie, même réduite aux acquêts.

Le style fluide, imagé, rythmé se pare de mots, souvent drôles ou poétiques, transformés, travaillés, pour s’ajuster aux émotions qui les dirigent.

Dans « le fleuve des 4 lumières », un enfant fatigué de l’enfance, veut être enterré à la place des défunts. Pour lui faire plaisir, son grand père lui a promis de le laisser mourir à sa place, inquiet, il vient parler aux parents pour leur apprendre à donner le goût de l’enfance au petit :
« Et le vieux expliqua : l’enfance c’est comme l’amour, elle ne se joue pas toute seule .il manquait aux parents d’être enfants, de s’unir petits avec leur petit. Il leur manquait d’accepter de se dépouiller de leur age, de transgresser le temps, de se dérober au corps et à la raison. C’est ce miracle là qu’un enfant offre-naitre dans d’autres vies .Et il ne dit plus rien.
-Maintenant, je m’en vais dit-il, car sinon je vais encore m’endormir de mes propres paroles.
-Restez père.
-Ainsi, vieux, je suis comme la cigarette : je m’endors derrière l’oreille."

"La lettre de Ronaldinho" se déroule dans un bar minable, sans télévision, un vieux grand père un peu fou vient suivre et commenter le match de foot sur une télévision virtuelle,dessinée sur le mur :
-Buuut !
« Le saut est le brouillon humain de la tentative de voler. La joie de Filipao ne pouvait se mesurer qu’avec des ailes, tant ses hurlements était célestes.Tout seul dans le bar, le vieux célébrait le but de son équipe. »

Dans la nouvelle : « les yeux des morts », une femme battue par son mari parle de lui en ces termes :
« Venancio était dans la violence comme celui qui ne sort pas de sa langue.
J’étais dans les pleurs comme celui qui nourrit ses propres racines. Pleurant sans droit au sanglot ; riant sans accès à l’éclat de rire. Le chien s’habitue à manger les restes.Comme je me suis habituée aux restes de la vie. »

Un livre magnifique, très inspiré, qui extirpe la quintessence de chaque vie, fut elle réduite à son expression minimale, dont la trace puissante comme les odeurs d’enfance, demeure en nous longtemps après.