Voici la vraie question que pose l'auteur de ce livre-document dans lequel on comprendra mieux les rouages de l'industrie agro-alimentaire.
Les pratiques de ce milieu sont révoltantes (on le savait) tant au niveau des conditions d'élevage (la vie des animaux) que des conditions d'abattage (leur mort). Non seulement, ces pratiques sont indignes de l'Homme mais elles vont se révéler dangereuses à plus ou moins long terme: pollution, viande bourrée d'antibiotiques, fin de la bio-diversité des espèces consommées etc...
Devenir végétarien donc? Peut-être pas, mais sans doute manger moins de viande, comme le préconise l'auteur, et éviter d'emblée les endroits/produits qui proposent de la viande dont on sait pertinemment qu'ils proposent ce type de viande: restauration rapide (du genre KFC, cité à plusieurs reprises dans le livre comme étant le parangon des mauvaises pratiques en matière d'élevage), restauration collective (cantine d'entreprise, scolaire), plats préparés (cf.récents scandales de la viande de cheval).
Un bon livre qui lève les derniers doutes sur la nature des aliments d'origine animale que nous consommons et qui nous incite à agir!
Vince92 - Zürich - 47 ans - 13 novembre 2013 |
Je m'attendais en ouvrant ce livre à un plaidoyer végétarien pur et dur, mais heureusement le livre échappe à cet écueil.
Jonathan Safran Foer nous livre ici une enquête sur l'agriculture industrielle américaine très bien documentée et parsemée de réflexions sur notre rapport (social, affectif, etc.) à la nourriture.
Les faits présentés sont terrifiants, pollutions graves, maltraitances extrêmes, insalubrité de la viande, stratégies malhonnêtes des lobbys de l'agriculture industrielle.
Le pire est que 99% de la viande aux USA vient de fermes industrielles, donc même si on le désire, éviter de manger de la viande non-éthique est difficile. C'est d'ailleurs pour cela que malgré tout Jonathan Safran Foer prône le végétarisme, sans pour autant être dogmatique.
Ce livre m'a vraiment terrifiée et je suis instantanément allée me renseigner sur les conditions des élevages de mon pays (La Suisse) et de l'Union Européenne.
J'ai la chance d'être rassurée car les lois suisses en matière de protection des animaux sont ultra-sévères pour les élevages mais aussi pour les animaux domestiques. De plus, le nombre d'animaux autorisés par élevage est restreint donc il est difficile de parler d'élevage industriel en Suisse.
Par contre, j'ai pu voir que les lois de l'Union Européenne sont passablement laxistes, moins qu'aux USA évidemment, mais assez peu attentives au bien-être des animaux--> http://animal-cross.org/comparaison-lois-protectio…
Ayant lu ce livre et m'étant renseignée, je n'achèterai plus de viande non-produite en Suisse, à moins de n'avoir vraiment pas le choix....
Mithrowen - La Chaux-de-Fonds - 36 ans - 30 août 2011 |
Nous n’attendions pas Jonathan Safran Foer, romancier déjà apprécié, dans cet exercice très particulier, à savoir la réalisation d’un livre sérieux, fouillé, sur l’élevage industriel aux Etats-Unis. Il part d’un souvenir personnel, celui de l’incontournable et fameux poulet aux carottes de sa grand-mère, la plus grande cuisinière de tous les temps, pour s’interroger sur nos pratiques alimentaires, nos rapports aux animaux, et de là mener une enquête fascinante sur la façon dont nous produisons la viande dont la consommation ne cesse de croître dans nos pays riches comme dans les pays émergents. Les chiffres à eux seuls donnent le vertige (45 millions de dindes abattues aux Etats-Unis par exemple pour Thanksgiving).
Foer habilement attaque son sujet sous différents angles et en utilisant diverses formes, ce qui permet d’alterner moments de réflexion et moments de réalisme cru, évitant ainsi de le rendre totalement insoutenable. C’est que, quel que soit le type d’élevage qu’il examine, poulets, porcs, poissons, vaches, il en arrive à la même constatation : une souffrance animale terrible, inadmissible et parfois totalement gratuite, une obsession de la productivité, à entendre essentiellement comme une recherche maximum de bénéfices financiers sans aucun souci des dégâts collatéraux (produire des bêtes malades est moins coûteux que des bêtes en bonne santé) et enfin un scandale absolu en terme de santé publique.
Ce qu’il décrit dans ces fermes-usines et ces abattoirs c’est un enfer qui rend fous bêtes et hommes. C’est une maltraitance qui atteint un niveau d’horreur inimaginable. Ce sont aussi des animaux dont on a trafiqué l’ADN pour les rendre plus performants, plus spécialisés. Les poulets par exemple sont divisés en deux grandes catégories, les pondeuses et celles qui fournissent leur chair à manger, en conséquence de quoi il faut exterminer chaque année plus de 250 millions de poussins mâles inutiles issus des pondeuses, ceux-ci étant bien souvent envoyés vivants dans un broyeur. Au bout du compte, ces animaux modifiés, encagés, conditionnés pour grossir à une vitesse ahurissante afin de pouvoir être consommés au plus tôt, sont tout simplement impropres à la vie et un pourcentage non négligeable ne parvient d’ailleurs pas jusqu’à nos assiettes.
Foer n’est pas manichéen, il ne cherche pas à convertir outre mesure même si lui a décidé de devenir végétarien dans une démarche individuelle d’indignation et de résistance et ce pour deux raisons, la première éthique, pour ne pas accepter l’inacceptable, la seconde par souci de sa santé, tant que la production de viande sera ce qu’elle est. Bien que d’origine juive, Foer ne se risque pas à une certaine comparaison, que sans nul doute on lui aurait reprochée, pourtant à quoi fait penser ce mépris du vivant, cette négation absolue, ces actes de sadisme provenant de Monsieur Toutlemonde, ces expérimentations de savants fous dans des espaces clos et dissimulés aux yeux du plus grand nombre, cette folle sélection animale (eugénisme) qui va jusqu’à la modification du code génétique, oui à l’évidence les rapports que nous entretenons en toute impunité avec le monde animal ne sont certainement pas d’une autre nature que ceux des kapos envers leurs prisonniers dans les camps de concentration.
Si, et je le crois, c’est notre degré d’humanité qui peut être mesuré dans nos rapports avec des êtres, humains ou animaux, plus faibles que nous, il semble bien que nous n’ayons guère fait de progrès en la matière au cours des siècles et des millénaires et même, probablement, que nous en sommes à une phase de régression. « L’être humain, c’est ça ? », « Ce qui pouvait nous arriver de pire, c’était de nous habituer à la mort, à l’impunité, à l’horreur, au Mal » lit-on dans un roman tout récent du péruvien Ivan Thays (« Un Lieu nommé Oreille-de-Chien »). Et c’est bien de cela dont il s’agit, de l’habitude qui génère la routine, la routine qui génère l’abstraction et l’abstraction qui permet, autorise, désinhibe et légitime l’horreur.
Ce témoignage chamboule et nous interpelle sur le fait de savoir si, au minimum, nous avons besoin de consommer autant de viande quand on en connaît le prix à payer en terme de souffrance animale, de dangerosité de cette production pour l’organisme humain, sans même évoquer les pollutions énormes générées, la contribution au réchauffement climatique ou à la raréfaction de l’eau, ainsi que la responsabilité des conditions environnementales des élevages modernes dans les grandes pandémies récentes. Evidemment pour ce qui est du régime végétarien nous serons beaucoup plus prudents. Il n’est pas en effet certain qu’il soit beaucoup plus facile de se nourrir sainement avec des fruits et des légumes issus de la grande production. Du reste, l’auteur nous le rappelle, s’il y a 20.000 espèces de plantes comestibles dans le monde, une vingtaine d’entre elles fournissent 90% de notre nourriture. On fait mieux en termes de biodiversité !
Croire que la situation est meilleure en France (la bagatelle de plus d’un milliard d’animaux domestiques tués chaque année) et en Europe serait certainement un leurre.
On pourra compléter cette lecture par « Bidoche : l’industrie de la viande menace le monde » de Fabrice Nicolino aux éditions Les Liens qui libèrent ou encore « Le Livre noir de l’agriculture : comment on assassine nos paysans, notre santé et notre environnement » d’Isabelle Saporta. Se replonger aussi peut-être dans les écrits d’Eugen Drewermann sur le respect dû aux animaux. Aller voir enfin le chapitre deux de "La Ballade de Sean Hopper" de Martine Pouchain aux éditions Sarbacane, un style très fort pour décrire le sort des vaches à l'abattoir.
Christian Palvadeau
Christian Palvadeau - - 60 ans - 21 février 2011 |