Lune de miel de François Cavanna
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Miss Parkinson
Bon sang qu’il écrit bien ! L’écriture de Cavanna, aujourd’hui âgé de presque 88 ans, n’a pas pris une ride depuis sa série de romans autobiographiques entamée il y a plus de 30 ans avec Les Ritals. Toujours cette gouaille, cette écriture jubilatoire qui coule et que rien ne retient, cette impression d’une déconcertante facilité. La moindre anecdote en devient intéressante et son livre, pourtant fait de séquences, se lit d’une traite avec l’envie impérative d’arriver au bout et en même temps le souhait de ne pas apercevoir le point final trop vite. Cavanna revient sur la période difficile du STO, sur Maria, son amour perdu et jamais oublié, sur quelques souvenirs d’enfance, sur Hara-Kiri et Charlie-Hebdo, ses vrais enfants, sur sa curieuse tentative de suicide, rend hommage en pleurant aux chiens de sa vie, pourfend les faux amis qui hier étaient les copains de toujours, règle en passant son compte à Val, l’usurpateur, et bien sûr se rudoie, se houspille et se traite de con comme à son habitude.
Outre les déceptions, une certaines amertume, les regrets (Reiser, Gébé, Choron sont morts), il y a aussi les atteintes de la vieillesse et depuis quelques années la maladie incurable aussi : Miss Parkinson qui l’empêche de faire encore ce qu’il veut de sa plume. Virginie, une rencontre inattendue, vient heureusement égayer ses dernières années. Il n’est pas pressé de quitter ce monde : « S’il est une chose dont je suis certain, c’est que personne ne s’impatiente de l’autre côté ». Se mêle t-il un peu de forfanterie ? Difficile à dire… En tout cas, il l’affirme haut et fort : « Ces hypothétiques ultimes années, je les envisage avec jubilation », « Si jeunesse savait, elle m’envierait », « Jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai. », « Tant que je pourrai écrire une ligne, je serai présent parmi les vivants ». Si c’est le signe d’une consécration que de publier dans la prestigieuse collection Blanche de Gallimard, alors nul doute que cela n’est pas volé.
Puisque que François Cavanna se définit comme égoïste, lui qui pourtant dans sa vie fit preuve d’un remarquable esprit de corps, nous pourrions à notre tour, par pur égoïsme faire cette prière : Mon Dieu, vous qui n’existez pas, accordez lui les dix années supplémentaires qu’il réclame afin que nous puissions encore jouir de sa belle écriture.
Merci pour tout Monsieur Cavanna.
Christian Palvadeau
Les éditions
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Lune de miel [Texte imprimé] François Cavanna
de Cavanna, François
Gallimard
ISBN : 9782070132065 ; 17,99 € ; 01/02/2011 ; 279 p. ; Broché
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Dernières notes "en attendant"....
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 3 juillet 2013
Cavanna a 87 ans quand il écrit ce dernier livre. Un dernier témoignage rassemblant quelques souvenirs déjà connus mais dont il veut nous rappeler certains détails, d'autres sur sa vie de vieil homme avec le corps qui lâche et l'insupportable déchéance qu'il appréhende, la surdité qui l'isole du monde et qui provoque selon lui, les moqueries des autres. Tout ceci avec une lucidité impressionnante. Et son humour, son sens de l'autodérision qu'il maîtrise si bien.
Mais ce qu'il trouve de plus insupportable, c'est "de voir apparaître les premiers cheveux blancs de ses enfants".
Avec aussi le décalage des gens des nouvelles générations; le chapitre sur "la grande confrérie des cause-tout-seul" quand il aborde son incapacité à utiliser un téléphone portable, est hilarant.
On pourra donc y retrouver des épisodes des Ruskoffs, les mois "embauché" par le STO et l'amour de sa vie Maria, son enfance de petit Rital au bord d'une Marne champêtre.
Sa scolarité "d'élève doué mais dissipé":
"Il est de nos jours, très mal vu d'avouer qu'on a été un bon élève. Encore pis de s'en vanter. La mode est aux cancres qui, n'ayant rien foutu à l'âge des études, ont brillamment réussi dans la vie -c'est-à-dire ramassent des masses de fric- malgré les prédictions fâcheuses des honnêtes gens- traduisez: "des cons"."
Mais ce sera aussi l'occasion de nous confier sa tentative de suicide par pendaison et aussi celle de régler ses comptes avec son ancienne bande de copains. Sans forcément citer de noms, il raconte combien il a cru en l'amitié, en l'homme, et combien il a été ou s'est senti trahi.
Le hasard de son adhésion au Parti Communiste qui, à cette époque, était pour lui, plus une façon de faire partie d'un groupe de camarades que d'affirmer des idées auxquelles il n'aurait pas pensé.
Virginie sera un joli fil conducteur. Une toute jeune "fan" qui travaillera avec lui, dans une longue histoire d'amitié "bien sûr, pas une idylle, liberté des mœurs ou pas, quarante-cinq ans de différence font le fossé hors de toutes mesures, la fillette fraîche éclose à un bord, l'échappé d'asile bavant à l'autre."
Inconditionnelle de l'auteur et de presque tous ses livres, je me suis plongée avec délices dans cette sorte de pêle-mêle, à la saveur douce -amère, où on retrouve la verve, la candeur, la trivialité de l'auteur de presque 90 ans avec un sentiment plus fort que la nostalgie sur un homme et ce qu'il représentait de son époque en se disant qu'on n'aimerait tant que ce ne soit pas son dernier ouvrage.
Un écrivain à connaître.
Critique de Morphée (, Inscrite le 7 décembre 2005, 44 ans) - 1 juillet 2011
Par ailleurs, la vie peu commune de l'écrivain, les personnages et références historiques donnent un attrait particulier pour cet ouvrage. Le style littéraire mêlant émotions, anecdotes et réflexions est très agréable.
Un livre qui m'a plu tout compte fait.
Banzaï !
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 16 février 2011
Avec ses potes, il a créé des hebdos qui ont marqué la presse française. « Charlie Hebdo « et « Hara Kiri « . Et dans cet ouvrage, ci-présent, il nous conte ces aventures plus que tumultueuses. Puis également la période où il fut réquisitionné à la Sto, - service du travail obligatoire -, donc esclave en Allemagne dans les années de guerre, période qui l’a marqué à vie ( on peut le comprendre ). Et encore, sa passion pour la littérature, son épouse, ses enfants, ses amis, etc. Puis la garce qui lui tient compagnie, jour après jour, : Miss Parkinson.
Un beau pré-bilan général !
Extrait :
- Boileau m’emmerdait. En plus, il me répugna quand j’eus appris qu’une oie – ou un canard ? – lui avait, d’un cruel coup de bec, coupé le zigouigoui quand il était enfant, et que depuis … Oui, grosse malheur.
Mais il y avait Lafontaine. Aussi peu classique que possible, d’ailleurs. On se demande bien ce qu’il fout là. Les autres, les Racine, les Boileau, La Bruyère et compagnie se foutaient de sa gueule. Il n’avait pas la vénération de l’alexandrin, figurez-vous. Il faisait rimer « semaine « avec « Carmen « ( cherchez ! ). Il était tête en l’air, se cognait dans les murs, se trompait de maîtresse. On le tolérait dans la bande parce que, bourré, il racontait des histoires sales qu’il avait mises en alexandrin. Il ne tolérait l’alexandrin que pour cet usage, de même qu’il usait de torche-culs brodés d’or.
« Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un coche «
A déclarer au lever et au coucher.
Le gars qui a écrit ça peut aller se coucher. Il a travaillé pour sa vie entière.
une malle aux souvenirs étonnante
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 3 février 2011
François Cavanna écrit encore pour notre plaisir et parce que l'écriture, c'est une passion chez lui...
Il continue malgré « Mademoiselle Parkinson » comme il l'appelle...
Elle ne le lâche pas d'une semelle!
L'humour reste une constante chez le journaliste « militant » malgré les difficultés liées au vieillissement et à cette maladie qui le touche au point le plus sensible : ses mains qui couraient sur le papier pour transcrire les idées.
« Le parkinson est affaire de symptômes m'avait expliqué le neurologue. Ils vont, ils viennent, s'installent ou disparaissent. Il y a ce que nous nous plaisons à nommer des « lunes de miel », la maladie s'estompe jusqu'à donner de l'espoir... Faux espoir ! Elle revient. »
Je ne sais pas si l'on peut accrocher sur Cavanna comme il le propose, le nom « malade »!?
Ce qui est certain c'est qu'il est là, avec l'esprit vif, de la réflexion, des idées, des colères et l'envie de raconter et de revenir sur des moments importants de sa vie faite de combats.
Il nous sort de sa malle aux souvenirs, son départ involontaire au STP en Allemagne, son enfance à Nogent sur Marne, l'aventure difficile mais tellement enthousiasmante d'Hara Kiri...
Le lecteur passe d'une période à l'autre pour revenir ensuite à la précédente mais rien n'est décousu chez Cavanna, cela court, vient … et quel style ! Le sien avec truculence …
L'écriture pour Cavanna c'est indispensable, vital même, « jusqu'à l'ultime seconde, j'écrirai »dit-il avec conviction et émotion....
Les anecdotes, parfois inédites sont drôles ou dramatiques et donnent un éclairage particulier à ce personnage unique, gouailleur, généreux, parfois mordant et jamais courtisan avec les puissants...
Il a tout connu ou presque, il a même été comme beaucoup d'autres intellectuels de sa génération un militant communiste... un peu discipliné mais pas trop, ce qui l'a conduit à s'éloigner du « parti de la classe ouvrière » sans abandonner pour cela, bien au contraire les combats qui restent les siens contre la bêtise, l'injustice et les dominants.
Pour lui, tout compte mais « l'éblouissement » reste ce quart de siècle passé à Hara Kiri, cette concentration inimaginable de talents tellement différents et tellement complémentaires, une « bande prodigieuse » …
L'auteur ne regrette rien sauf peut être de ne pas avoir écouté Choron en 1992 ! Ce dernier avait refusé catégoriquement de rejoindre l'équipe qui a décidé de sortir Charlie hébdo de ses décombres....
Il avait peut être raison...
C'est ainsi que Cavanna revient sur l'épisode qui fit perdre à l'hebdomadaire plus de la moitié de ses lecteurs : l'exclusion de Siné...
Il fallait ne plus être totalement en marge et rester « politiquement correct ».... Val voulait la peau de Siné, tout juste coupable d'une phrase assassine....
Tout cela pour que le directeur du journal puisse aller à l'ombre du pouvoir, le journalisme n'ayant été pour lui qu'un « marchepied vers des conquêtes sans cesse plus brillantes. » !
Le trait est dur, féroce mais si juste.
Nous avons été nombreux, lecteurs réguliers ou épisodiques d'Hara Kiri avant hier ou de Charlie d'hier à avoir été déçus, révoltés par cette exclusion brutale et bureaucratique de Siné....
Jean-François Chalot
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