La Diaspora des Desrosiers, tome 4 : Le Passage obligé de Michel Tremblay

La Diaspora des Desrosiers, tome 4 : Le Passage obligé de Michel Tremblay

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Dirlandaise, le 20 janvier 2011 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 301ème position).
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Une écriture d'une belle luminosité et si humaine

Quatrième et dernier tome de la saga de la famille Desrosiers. On y retrouve les mêmes personnages attachants que dans les autres épisodes : la charmante Rhéauna dite « Nana », sa mère Maria et ses deux tantes Teena et Tittite, Ernest et sa femme anglophone Alice, les grands-parents Joséphine et Méo.

Nana vit maintenant en Saskatchewan chez ses grands-parents en compagnie de son frère et de ses deux sœurs. La vie campagnarde est agréable mais les difficultés de toutes sortes n’épargnent guère les Desrosiers : Joséphine est malade et le médecin ne lui donne que quelques mois à vivre. Nana est au désespoir car elle ne pourra entrer à l’école en septembre car elle devra remplacer sa grand-mère dans le difficile rôle de maîtresse de maison. Pendant ce temps à Montréal, Maria continue son travail de serveuse au Paradise, rongée de culpabilité et de remords d’avoir abandonné ses enfants. Elle doit faire face au jugement de ses sœurs et de son frère qui lui reprochent son esprit d’indépendance et sa soif de liberté qui l’amènent à se décharger de ses responsabilités en obligeant ses parents à élever ses quatre enfants à sa place. Maria est au bord du désespoir quant un événement imprévu vient tout changer dans sa vie.

Une fois de plus, Michel Tremblay nous livre un récit empreint d’une douceur, d’une grande humanité et d’une immense tendresse envers ses personnages. Son écriture est toute simple et d’une luminosité incroyable. Il dépeint à merveille les difficultés inhérentes à la condition de femme seule dans les années vingt à Montréal. Tout est décrit avec des mots qui touchent, qui remuent le cœur et l’âme. C’est si humain, si vrai, parfois si révélateur de ce que furent ces années d’obscurantisme et de rigidité sociale dominées par la pauvreté, la misère, l’ignorance, les ragots de village et la dureté de la vie urbaine. De plus, les conditions de vie d’une famille francophone exilée en Saskatchewan et qui continue à vivre en français est un thème que j’apprécie au plus haut point. Comment ne pas faire le rapprochement avec le très beau livre de Gabrielle Roy : « Ces enfants de ma vie ».

Le récit est entrecoupé de trois contes tirés du recueil de Josaphat-le-Violon, le livre préféré de Nana qui plonge dans cette lecture afin de tenter de comprendre la vie et ses mystérieux secrets d’adultes qu’elle n’arrive pas à bien saisir du haut de ses douze ans. C’est tout à fait charmant. Un livre merveilleux que je referme à regret. J’aimerais bien que monsieur Tremblay poursuive cette belle saga d’une famille montréalaise particulièrement attachante. Vivons d’espoir…


« L’horreur de ce qu’elle dit lui apparaît pendant que les mots sortent de sa bouche. Qu’est-ce qu’elle est en train de manigancer là, est-ce bien elle qui parle, est-elle en train de renier ses enfants, en tout cas de s’en débarrasser pour, quoi, la quatrième, la cinquième fois ? Quelle sorte de femme est-elle, quelle sorte de mère ? Qu’est-ce que c’est que cette mauvaiseté qui empoisonne son âme et qui remonte si souvent à la surface sans qu’elle puisse la retenir ? »

« Les deux fenêtres de la chambre sont ouvertes, le vent de la fin août fait frissonner les rideaux, les brasse, plutôt, parce qu’il se fait plus agité depuis quelques minutes. On sent une toute petite fraîcheur au creux de ses caresses, comme un avertissement que tout ça achève, que l’été est avancé. Le cru de la nuit s’attarde désormais jusqu’en fin de matinée, les bouffées soudaines de chaleur sont terminées, septembre arrive, avec ses belles grandes journées de lumière sur les champs à perte de vue, mais dont on ne peut cependant pas dire qu’elles sont chaudes. Et après… »

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La merveilleuse saga se continue !

10 étoiles

Critique de JEANLEBLEU (Orange, Inscrit le 6 mars 2005, 56 ans) - 7 janvier 2016

Toujours aussi passionnante cette saga de la "Diaspora des Desrosiers".

Ce tome (le quatrième sur les neuf de la série), voit Maria reprendre sa vie dans son village du Saskatchewan qu'elle avait dû quitter au début du premier opus de la série afin d'aller aider sa mère à Montréal. Sa mère les a à nouveau "abandonnés" ses sœurs et elle ainsi que son petit (demi) frère qu'elle était allé élever à Montréal. Mais la vie est devenue dure à Sainte Maria de Saskatchewan car sa grand-mère est tombée gravement malade et Maria, du haut de ses quatorze ans, doit s'occuper de toute la famille (son grand-père, sa grand-mère, ses deux sœurs et son petit frère). Du coup, plus question de retourner à l'école alors qu'elle adore ça. En parallèle à cette vie, Maria trouve des moments de respiration dans la lecture du cahier de contes fantastiques de Josaphat Le Violon que le mari de Rose lui a donné lors de ses vacances inoubliables dans les Laurentides. L'histoire est simple, mais c'est la richesse psychologique, l'humanité des personnages le tout magnifié par le style de Tremblay (mi français soutenu et mi-joual) qui font la (grande) valeur de cette oeuvre.

Un grand moment de lecture.

Je reviens chez nous...

10 étoiles

Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 22 janvier 2012

Lire Tremblay au moins une fois par année, c’est me permettre de rentrer chez nous!
Avec ce Passage obligé, voilà refermée la «Diaspora des Desrosiers».
Ainsi s’achève donc l’un des cycles romanesques les plus poignants de la littérature québécoise récente, qui vient jeter un éclairage nouveau sur une galerie de personnages de plus en plus indissociables de notre imaginaire collectif.
L’auteur a toujours la même empathie pour tous ses personnages, et une immense tendresse se dégage de Passage obligé, la connivence et l'attachement entre Nana et ses grands-parents en est l'exemple le plus touchant. En cette époque où l'ironie et le cynisme sont de bon ton, cette douceur fait du bien… Ce dernier tome est un très beau roman sur la fin de l'enfance et le poids des responsabilités. Personne au Québec ne parvient à raconter une histoire comme lui, au son du joual, tout en nous plongeant dans les profondeurs de l’âme humaine…
Au milieu de ce récit bouleversant, il y a néanmoins ces pages, ces contes où se côtoient lutins, femmes invisibles, violon magique. Un moment surtout magnifique dans un roman qui se dévore de bout en bout et qui nous fait aimer, encore et encore, Michel Tremblay.

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