Enquête sur la disparition d'Emilie Brunet
de Antoine Bello

critiqué par Lutzie, le 22 janvier 2011
(Paris - 60 ans)


La note:  étoiles
Aux oubliettes !
AU départ, on est séduit par le titre. On imagine une large étiquette rectangulaire, aux angles biseautés, avec des lignes en pointillé dans un cadre bleu marine, collée sur une chemise cartonnée d’antan, voire un gros cahier jauni et dont les pages rebiquent.

Et c’est bien de cela qu’il s’agit. L’inspecteur Dunot est en fin de carrière, il est malin, il en a vu d’autres, on ne la lui fait pas. Sauf que… il souffre d’amnésie antérograde. Un mot un peu barbare pour désigner la perte de la mémoire récemment acquise. Les pages d'un livre lues entre la prise du somnifère et l’endormissement, par exemple. Ah, mais c’est que l’inspecteur Dunot ne va pas se faire avoir. Un cahier, donc, épais et rassurant, pour colliger les avancées et réflexions de la journée passée.

Très vite, le mari d’Emilie, la jeune femme disparue, apparaît comme le coupable désigné pour les raisons habituelles (elle est riche et fadasse, il est un beau et brillant neurologue adulé par ces dames et par ses pairs). L’ennui, c’est que le voilà lui aussi frappé d’amnésie, dit-il, suite à un tabassage en règle au commissariat lorsqu’il est venu précisément signaler la disparition de sa femme. Et que font deux amnésiques lorsqu’ils se rencontrent ? Eh bien, le plus calé dans ce domaine, le plus hâbleur aussi, donne un cours à l’autre. Et l’inspecteur de consigner scrupuleusement toute la conversation, des fois qu’à la relecture, il y trouverait quelque indice. Piètre rapport de forces où il n’a pas la part belle.

Donc, Dunot se fait mener en bateau. Il a beau tout noter, biffer, effacer, il rame, il patauge. La faute à lui ou à l’autre embobineur ? Bref, l’enquête piétine. Le neuro est névrosé, l’inspecteur est déprimé, le lecteur est énervé. Ce qui est apparu amusant au début, les ratures et autres rayures, ne l’est bientôt plus, car ne reposant sur rien. Quant aux références à Hercule Poirot, qui constellent le récit, elles pourront au mieux amuser les thésards et autres exégètes de la romancière. Mais un hommage à ce point encyclopédique et lui aussi purement gratuit, car ne servant pas davantage l’enquête, s’apparente à de la pédanterie.

So what ? On finit par être largué soi-même, obligé de revenir en arrière, tellement c’est lourdingue et filandreux. On se dit qu’il va bien y avoir un coup de théâtre, à la toute fin. J’avais dû prendre un somnifère ce soir-là, je n’en ai pas le moindre souvenir.
Les détours de la mémoire 8 étoiles

Ce qui pourrait ressembler à une banale intrigue policière se révèle rapidement être un subtil jeu de chassé-croisé dans lequel le lecteur a intérêt à ne pas perdre le fil.
Tout d'abord Achille Dunot, policier en long congé, qui souffre d'une forme d'amnésie voulant que chaque matin, au réveil, il a tout oublié de la veille. Alors pour se rappeler de morceaux de vie, il note tout dans des cahiers. Lorsqu'on son amis lui demande d'enquêter sur la disparition d'une femme, Emilie Brunet, dont il soupçonne le mari d'être derrière tout cela (voire pire, derrière la mort de la jeune femme, qu'il pressent), Dunot accepte avec plaisir mais très vite, il réalise qu'il doit noter les détails de ses interrogatoires et de ses conclusions dans des carnets et les relire chaque matin, car il ne suffit pas de noter, il faut tout se remémorer le lendemain avant de débuter une nouvelle journée. Et ça prend du temps, d'autant plus qu'en l'absence de certains détails, Dunot lui-même ne se souvient pas de ce qu'il a voulu écrire la veille. C'est compliqué, très fastidieux, ça mange des heures et des heures au détective retraité qui finit par perdre complètement les pédales. Pendant ce temps, le mari de la disparue joue au malin, narguant à qui mieux-mieux et profitant des faiblesses de Dunot avec lequel il a mis au point les règles d'un jeu cruel.

J'ai beaucoup aimé ce livre pour ses rouages compliqués. Bello promène son lecteur du début à la fin (la fin est plus faible que le reste du récit, ceci dit), l'amenant peu à peu à comprendre toutes les difficultés d'une telle mission. Et l'enquête passe au second plan, ce sont les personnages qui ont la part belle, qui se dévoilent et nous interpellent. Avec une interrogation qui subsiste la dernière page tournée, on ne sait pas, on ne sait plus, on pense que mais peut-être que non . et si il fallait relire ? Comme Dunot chaque matin... Bello nous joue là une sympathique pirouette !

Sahkti - Genève - 50 ans - 9 mars 2013


polar bizarre 7 étoiles


C'est chouette d'être surpris. D'être un peu paumé. On ouvre un polar, on croit savoir où ça va, et puis ça va pas. Ca y va pas. Ca va pas droit. Ca dérape, ça s'égare.

Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, je suis sûr qu'il faudrait que je le relise et je le relirai.

Un très bon souvenir. C'est "les 10 petits nègres" sauf qu'il n'y a qu'une disparition.

Ronanvousaime - - 49 ans - 8 mai 2011


Cluedo infernal 4 étoiles

Imaginez que vous débutez une partie de Cluedo, et que vous avez devant vous non pas un plateau de jeu et quelques adversaires, mais seulement un manuel de 250 pages au terme duquel devrait se faire la lumière...

Sauf qu'une fois la dernière page tournée, vous n'y voyez pas plus clair... Donc, de deux choses l'une : soit vous vous dites que vous avez probablement laissé passer quelque chose, et vous vous farcissez le manuel une deuxième fois ; soit vous décidez que la partie a assez duré et que tant pis, d'autres trouveront bien à votre place.

En ce qui me concerne je laisse aux plus téméraires et aux plus fins limiers le plaisir de découvrir ce qu'il y a à découvrir - si tant est qu'il y ait réellement quelque chose -, en ce qui me concerne je passe ma route et en reste là.

Si toutefois quelqu'un décode quoi que ce soit, qu'il me le fasse savoir, par simple curiosité...

Lu7 - Amiens - 38 ans - 28 février 2011