Dolor
de Philippe Paringaux (Scénario), Catel (Dessin)

critiqué par Shelton, le 25 janvier 2011
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Un bien bel ouvrage !
Catel est une auteure de bandes dessinées atypique dans la mesure où elle ne se laisse jamais enfermer dans une catégorie, dans un genre. Elle surgit toujours là où on ne l’attend pas. Exemple ? Après avoir œuvré avec Véronique Grisseaux en racontant les aventures d’une trentenaire sympathique, Lucie, elle plonge dans des ouvrages beaucoup plus tragiques et proches de la réalité, une collaboration avec De Metter dans « Le sang des Valentines » et, surtout, le génial livre consacré à Kiki de Montparnasse avec José-Louis Bocquet. Tous les critiques, tous les lecteurs découvraient alors le talent de Catel et chacun s’interrogeait pour tenter de deviner quel serait le prochain personnage qu’elle raconterait en bédé… C’est alors qu’elle prit le temps d’offrir aux plus jeunes une petite production dynamique, « Trop top Linotte », aventures d’une petite fille qui sont publiées dans le mensuel Les P’tites sorcières… Oui, jamais là où on l’attend, toujours efficace dans sa narration graphique et, franchement, une grande dessinatrice !

La voilà donc dans une entreprise en compagnie de Philippe Paringaux. Philippe n’est pas un scénariste de bédés que l’on découvre tous les jours car il a une production régulière mais peu volumineuse. Il est surtout réputé pour sa collaboration avec le dessinateur Jacques de Loustal, des albums souvent noirs, marqués par le crime, le désamour, la tristesse de la vie… Comment Catel allait-elle pouvoir exprimer ses qualités graphiques et narratives avec Paringaux à ses côtés ?

Tout d’abord, les deux auteurs ont voulu raconter l’histoire d’un personnage, un homme, Paco Serrat. C’est sa fille Dolorès qui est la narratrice indirecte, puisqu’elle lit, en fait, le journal que son père lui lègue à sa mort. Derrière le destin de son père, il y a, bien réelle mais dans l’ombre malgré tout, une femme, une actrice de cinéma, Mireille Balin. Ce n’est pas une biographie historique de Mireille Balin, soyons précis, c’est à travers le destin de Paco que découvre Dolorès que l’on apprend ce que fut une partie de la vie de Mireille…

Du coup, les choses s’éclaircissent. Nous sommes bien dans une fiction ayant pour cadre une réalité historique. L’ambiance est assez morose car Dolorès ne connaît que fort peu son père, Paco. Il est parti, a abandonné sa femme et sa fille pour aller à la guerre. Comme acteur, reporter ? On ne sait pas exactement, mais on sait qu’il est parti, que les deux femmes en ont beaucoup souffert. Dolorès aimerait que ce soit un homme sympathique, responsable, courageux… mais elle doute et chaque page du journal donne un éclairage particulier à cette destinée…

Il ne faut pas que je vous en dise beaucoup plus car Philippe Paringaux a construit son scénario en tiroirs. Chaque élément vient à son heure et tout est si bien agencé, bien organisé… que je ne peux pas vous en dire plus. D’ailleurs, le pauvre Julien, l’ami/amant de Dolorès ne comprend pas ce qui arrive et vit de bien tristes moments…

La narration graphique est parfaite, le lecteur est bercé par les mots et les dessins et la lecture de cette histoire nous plonge dans une parenthèse de vie. On oublie tout, on respire une autre époque – pas meilleure, soyons clairs – et quand on referme l’album, on est pris d’une envie délirante de l’ouvrir à nouveau pour ne pas quitter cette ambiance… pourtant lourde !

Enfin, comme souvent avec Catel, on retrouve en fin de livre quelques éléments historiques pour que chacun puisse bien comprendre ce que fut la vie de Mireille Balin, actrice mythique d’un certain « Pépé le Moko ». C’était un petit moment de bonheur de sa vie, quand elle avait une liaison avec un certain Jean Gabin…

Catel montre là des qualités incroyables pour faire revivre certaines vies de femmes. Après Kiki, Rose Vallant, Edith Piaf… voilà donc Mireille Balin ! A chaque fois, on sent une tendresse particulière pour des femmes qui finissent dans la souffrance, l’oubli, la solitude, l’abandon… Heureusement qu’au départ, il y avait Lucie, plus joyeuse !