Des gens très bien de Alexandre Jardin
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Fin de partie ou L’Ambition de cesser de rire
Comment un livre de cette nature peut déchaîner une telle quantité de critiques haineuses dans la presse et cette logorrhée bilieuse sur nombre de blogs reste un mystère pour moi.
A quoi peut-on comparer ce lynchage médiatique ? Peut-être à celui de Jan Myrdal en Suède il y a trente ans, après une autobiographie dans laquelle il dénonçait de façon cinglante le comportement de ses parents. Mais il s’agissait dans son cas de gloires nationales, (presque) au-dessus de tout soupçon, son père était le Prix Nobel d’économie 1974, sa mère le Prix Nobel de la paix 1982. « L’enfance est une honte profonde qui demeure longtemps. Elle se manifeste plus tard comme des relents de bière aigre. » écrivait-il alors.
Rappelons en quelques mots le sujet du livre qui nous intéresse ici : Jean Jardin dit le Nain Jaune, grand-père de l’auteur, fut le directeur de cabinet du président du Conseil Pierre Laval, c’est à dire « le collaborateur intime du plus vil des collabos », excusez du peu, notamment au moment de la rafle du Vel d’Hiv. Dur héritage qu’Alexandre Jardin veut regarder en face.
Pierre Assouline pour Le Monde peut bien avoir des aigreurs d’estomac et parler de Tintin au pays des collabos, Raphaël Sorin pour Libération évoquer une prose saturée de clichés, de métaphores et de niaiseries, d’autres encore mettre au pilori un style qui oscille entre le dolorisme boursouflé et le mauvais goût, et j’en passe !, cela ne nous empêchera pas de dire notre enthousiasme et notre emballement.
Alexandre Jardin reproche à son grand-père et à son père, Pascal Jardin dit le Zubial, leur absence de sentiment de culpabilité, leur façon de s’exhiber pour mieux se cacher, de créer une légende familiale ensoleillée : Pascal Jardin fut récompensé en 1978 du Grand Prix du roman de l’Académie française pour son livre Le Nain Jaune où il réussit la prouesse de faire de son père un être sympathique et séduisant. Pire que l’omerta est le mensonge organisé auquel contribue à son tour Alexandre Jardin en écrivant Le Zubial, un hommage à son propre père, ainsi qu’une série de romans dans lesquels il affiche une frivolité joyeuse. Un jour cependant l’air devient irrespirable et la nécessité de pousser un cri suffisamment forte pour enfreindre le tabou, démystifier des gens très bien sous tout rapport, ceux là sans le soutien desquels les régimes immondes ne peuvent se maintenir et prospérer. « Si nous ne sommes pas coupables des actes de nos pères et grands-pères, nous restons responsables de notre regard. » « Trahir jusqu’à ses plus proches pour ne pas se trahir à son tour. »
Je n’avais jamais rien lu de l’auteur, rien eu envie de lire non plus, le personnage ne me paraissait pas plus sympathique que cela. Cette introspection, ce travail de déconstruction, cette purge familiale tardive, le côté brut d’un texte où se mélangent peur d’être démasqué, sentiment de culpabilité, honte, dégoût de ses propres origines, incompréhension, colère, critique (mais aussi autocritique), quête d’un apaisement, sont remarquables. Oui, peut-être, sans doute, l’autocritique vire parfois à la flagellation, le passé revisité est réinterprété voire fantasmé. Alexandre jardin est excessif, cela tombe bien nous n’aimons pas les tièdes. Ce n’est pas l’objectivité de l’historien, sa prudence, ni sa neutralité émotionnelle, que nous recherchons ici. Remettre aussi vivement en cause tout son héritage familial, ce qui reste a priori encore un objet de scandale au XXIe siècle, ainsi que toute sa propre production littéraire, n’est pas un acte qui laisse indifférent. Plutôt que d’éteindre les braises, Alexandre Jardin souffle dessus pour savoir de quoi était fait le feu, nous aimons cela et nous sommes prêts à tenir pour pas grand chose les quelques maladresses et imperfections.
Nous souhaitons sincèrement à Alexandre Jardin une véritable renaissance humaine et littéraire, fusse au prix de devenir Alexandre Jardin dit le Félon, et attendons, non sans une certaine curiosité, son prochain opus.
Christian Palvadeau
Les éditions
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Des gens très bien [Texte imprimé] Alexandre Jardin
de Jardin, Alexandre
B. Grasset
ISBN : 9782246776512 ; 18,30 € ; 05/01/2011 ; 304 p. ; Broché
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Combattre le mensonge et le non-dit
Critique de Fabrice (, Inscrit le 22 novembre 2009, 39 ans) - 21 août 2012
Non, Alexandre Jardin enquête sur son grand-père, Jean Jardin, directeur de cabinet de Pierre Laval, l'âme damnée de Vichy.
Il plonge en se pinçant le nez dans ce petit monde de technocrates bornés, d'affairistes sans scrupules, d'artistes ratés, de politiciens au rancard qui se vautrèrent dans la collaboration la plus abjecte avec jouissance et en ayant le sentiment de faire leur devoir. Ces gens-là continuèrent de vivre jusqu'à leur mort avec le sentiment d'avoir bien servi la France, . La déportation des juifs ? Non, ils ne pouvaient pas savoir. Ces gens intelligents ne pouvaient imaginer que si l'on emmenait des vieillards alités et des nourrissons tétant le sein en Pologne, ce n'était pas pour les faire travailler ! Bien loin de vivre une existence de proscrit, ce petit monde des Bousquet, Jardin, Chambrun continua de pérorer et de vivre dans le confort sans être hanté par le caractère immonde de ses crimes. Ils étaient des gens très bien, comme il faut, du "monde".
Mais au-delà de ce cas spécifique, ce roman est une vraie réflexion sur le mensonge et le non-dit, en particulier au sein des familles. Pour beaucoup, mieux vaut vivre dans le mensonge et le déni que d'oser mettre des mots sur des personnes, des comportements, des événements. Parler et verbaliser dans de tels cas, c'est nécessairement faire "exploser" une bombe. Mais cela ne vaut-il mieux pas que de fermer les yeux en passant devant des placards pleins de cadavre ?
Alexandre Jardin, brillamment nous amène à cette question. J'ai dévoré ce bouquin en deux nuits. J'en ressors avec la conviction qu'on a toujours raison de combattre pour la vérité.
Des non-dits révélés
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 1 avril 2011
Voilà quinze ans qu’Alexandre Jardin collectionne les succès de vente dont certains primés comme Le zèbre (Prix Fémina 1988) et Bille en tête (Prix du Premier Roman 1986). Ici, il prend des risques car ce roman nous livre ses états d’âme face à une rude réalité : la trahison de son aïeul Jean Jardin qui fut directeur de cabinet de ¨Pierre Laval.
Alexandre Jardin se livre : tout jeune, il avait une tendresse comme peut l’avoir tout bambin pour son grand-père. Plus tard, il se rend compte que son grand-père Jean Jardin a été directeur de cabinet de Pierre Laval et particulièrement lors de la rafle du Vel d’Hiv’ en juillet 42. Mais il se sent seul et son entourage plombe cette période. Il en veut à son père Le Zubial qui ne s’est pas démarqué de cet outrage mais l’a plutôt ignoré. Il faut rester entre gens bien. Alexandre Jardin avoue que ses quinze ans de production littéraire où des membres de sa famille sont présentés sur un ton déjanté masquent son profond désarroi face à l’horreur de la collaboration et le silence qui s’en suivit. L’auteur nous livre ses nombreuses recherches sur l’histoire de cette période tragique que l’on passe sous silence.
Toujours bien attachant de lire de l’Alexandre Jardin. Même avec ce sujet grave, il garde toutefois le ton juste, en évitant le pathos. Sa sincérité éclate à chaque page.
Le poids du passé
Critique de Dudule (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans) - 6 mars 2011
L'auteur nous fait ressentir sa douleur, sa souffrance, qu'il porte depuis qu'il est adolescent alors qu'il commence à comprendre les responsabilités de son grand-père.
Un livre poignant, peut être une renaissance, une délivrance.
Un cri de colère et de douleur
Critique de Le rat des champs (, Inscrit le 12 juillet 2005, 74 ans) - 5 mars 2011
Une douleur immense qui nous saute au visage au point nous dit-il d'avoir envie de se purifier en s'arrachant les chromosomes.
C'est une catharsis et un livre indispensable, courageux, qui ne lui vaudra pas que des amis c'est sûr, mais qui le rend digne de l'estime de ses lecteurs. Alexandre Jardin gagne ses galons de grand écrivain en dévoilant ses souffrances, puisque comme chacun sait, les plus grands chefs d'œuvre naissent dans la douleur.
Bravo et merci, Monsieur Jardin pour votre honnêteté, votre sens de la justice, et votre révolte qui ne rachèteront certes pas votre grand-père mais qui prouvent avec brio qu'on peut être à la fois le petit-fils d'un salaud et quelqu'un de bien.
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