De Lénine à Ben Laden : La grande révolte antimoderniste du XXe siècle
de Pierre Clermont

critiqué par Dirlandaise, le 4 février 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
La marche inéluctable du modernisme
Parfois il me passe entre les mains des livres que je considère comme parfaits. Cela n’arrive pas souvent malheureusement. Ce livre se qualifie pour la note parfaite et voici pourquoi : l’auteur emploie un langage simple, accessible à tous ; il maîtrise parfaitement son sujet et le cerne d’une façon remarquable ; il a su bien doser les faits historiques, l’analyse sociologique et idéologique, la psychologie humaine, l’écologie et l’économie ; l’auteur ne se contente pas d’énoncer des faits, de constater des erreurs, de critiquer des systèmes, il offre des alternatives intéressantes et cela c’est vraiment formidable de sa part. Il m’a totalement conquise ce monsieur Clermont que je découvre avec cet ouvrage vraiment exceptionnel tant pour son propos que pour sa forme. Je ressors de cette lecture plus intelligente et surtout plus à même de comprendre les phénomènes qui ont bouleversé l’ordre du monde.

Donc, le propos du livre est de démontrer l’échec de la révolte antimoderniste à travers le monde. De toute évidence, l’auteur est convaincu de l’extension irréversible du modernisme et qu’aucun système politique ou religieux quel qu’il soit n’est en mesure d’y résister. Il commence sa démonstration en offrant de nombreux exemples d’échec de l’antimodernisme avec la révolution mexicaine où la paysannerie a combattu la modernité mais sans jamais pouvoir installer un régime holiste durable. Ensuite, il évoque l’échec du modèle soviétique qui s’est effondré de lui-même sans intervention de l’extérieur. L’islamisme prend alors la relève mais cela constitue selon lui, les derniers soubresauts de la contre-offensive holiste. Rien ne peut freiner le modernisme mais la question écologique est de plus en plus préoccupante. J’ai particulièrement aimé le dernier chapitre traitant de l’hypothèse de la croissance zéro. Freiner la croissance économique aurait pour effet d’introduire inévitablement un processus de socialisation selon l’auteur.

Dans sa conclusion, Pierre Clermont affirme que le monde est face à deux alternatives : retourner au monde holiste où l’individu n’existe pas en tant qu’entité séparée mais seulement dans sa relation d’appartenance à un groupe ou bien le modèle libéral individualiste dont le pilier est la souveraineté de l’individu.

Il me semble que suite à la lecture de ce livre remarquable, je comprends le monde et ses mécanismes et je suis mieux en mesure de juger de ce qui se passe présentement dans l’actualité économique et politique. C’est une impression très agréable. J’ai également apprécié le fait que l’auteur évite les phrases pompeuses et compliquées, les phrases qu’il faut lire plusieurs fois afin d’en bien saisir le sens. Il évite également la profusion de notes de bas de pages. Il n’y a recours qu’à quelques reprises seulement. Sans tomber dans la facilité, le livre est écrit en langage simple et accessible au commun des mortels. Je l’ai trouvé tout à fait passionnant. La conclusion est optimiste et rassurante. L’être humain regorge d’inventivité et il n’est pas au bout de ses ressources loin de là. Autrement dit, il s’en sortira toujours.

« Mais quoi qu’il en soit, une chose au moins apparaît : en matière d’organisation de la société, tout se passe comme si l’humanité n’avait le choix qu’entre deux paradigmes : le paradigme holiste et le paradigme individualiste – pour le moment en tout cas, l’histoire n’a pas révélé de troisième option. Or ces deux paradigmes sont incompatibles, en ce que l’espace de souveraineté de l’individu ne peut s’affirmer qu’au détriment de celui de la communauté et vice versa, en sorte que toutes les sociétés humaines sont traversées par une tension plus ou moins grande entre ces deux pôles antagonistes, et ne peuvent trouver de stabilité qu’à la condition de privilégier soit l’un, soit l’autre. »