Mystères et significations du temple maçonnique de Patrick Geay
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Spiritualités
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Au delà des clichés: la Lumière.
Voici donc un ouvrage qui recentre le message maçonnique de la façon la plus orthodoxe qui soit, qui expose en une synthèse accessible et parfaitement dosée la richesse inaltérable de son corpus symbolique, et démontre par l’évidence d'analogies "inter-traditionnelles" que le fameux secret de la franc-maçonnerie est le fruit d'une quête de connaissance universelle, secret qui ne se présente comme tel que pour ceux qui s’identifient de par leur constitution aux seules variations naturelles et ne peuvent, de ce fait, envisager de sortie de leur condition propre. Ce qui, soit dit en passant, règle la pénible et récurrente accusation d’élitisme fréquemment associée aux démarches initiatiques authentiques, et redonne des couleurs à une diversité humaine malmenée par l’égalitarisme forcené qui stérilise notre époque.
“Cette quête du secret, qui est à la fois celui de l’être, celui de la Maçonnerie et celui de l’Ordre cosmique, nécessite bien souvent une complète refonte du mental, déchu et désorganisé par le phénomène cyclique d’éloignement de la Vérité” (page 107)
Une complète refonte du mental: qui de nos jours peut seulement saisir la portée d’une telle réalité?
Car on le voit bien ici, s’il est question de connaissance, il faut en ressentir non seulement la soif, mais présenter les qualités requises pour une aventure qui exige un dépouillement total, sans lequel le Sens n’investirait pas l’être.
Ceci acquis, encore faut-il que la structure initiatique soit préservée dans ses composantes afin de jouer son rôle de vecteur des influences spirituelles. Or nous connaissons les atteintes portées à celle-ci depuis son passage des opératifs aux spéculatifs, puis par l’usurpation Hanovrienne aux dépens des Jacobites (1), qui a conduit à travers une main-mise protestante -les Constitutions du Pasteur Anderson- , à la multiplication des obédiences et à l’altération des rites originels. Patrick Geay est très clair sur ce plan: “Restaurer les fondements de la tradition maçonnique n’implique ni passéisme ni repli sur soi. cette tradition exige toute notre attention, non parce qu’elle appartiendrait à un prestigieux passé dont nous aurions la nostalgie, mais parce qu’elle est l’expression d’un aspect particulier de la Science divine et des moyens de la réaliser en nous. Cet objectif fondamental permettra en outre de mesurer pleinement le degré d’incohérence de cette voie substituée nouvelle manière, et de signaler l’urgence d’une réaction face à la corruption actuelle des données symboliques et historiques, sans parler de celle, tout aussi grave, des rituels.” (page 15)
Aussi ce coup d’oeil sur cet ouvrage ne s’attardera-t-il pas sur l’aspect technique dont chacun constatera la clarté des expositions à travers les trois grades.
Nous ne pouvons d’ailleurs qu’inciter les “maçons” qui ne l’ont pas encore fait à s’y revivifier.
Concernant la teneur générale du livre, on pose souvent la question de savoir à quoi l’on décèle la “véracité” d’une proposition. “A une cohérence parfaite du discours et surtout à l’ étrange impression de dévoilement qui l’accompagne” serait une réponse viable. En effet, la Vérité ne présente pas de faille, et “travaille” le récipiendaire. Une opinion personnelle, un élan subjectif, un point de vue particulier, apparaissent toujours insuffisants, parce qu’ils procèdent à partir du bas, de la multiplicité.
Mais si le discours est inspiré “par le haut”, cohérent, ne s’appuie sur aucune “pétition de principe”, alors il se passe quelque chose: il rompt nos vieilles entraves, nous amène à cette seule liberté possible, celle procurée par une intelligence en constante éclosion. Il devient alors vital de s’abreuver à cette nouvelle source de Lumière qui investit notre obscurité. Car “la liberté qu’apporte la Vérité selon l’Evangile n’a rien de commun avec la liberté que prône Rousseau dans Le contrat social.” (page 105)
Toutes proportions gardées, l’ouvrage remplit ici ce rôle, à peine teinté de cette intransigeance si propre à l’ Auteur, qui n’est pas sans nous rappeler “l’ermite de Dokki”(2).
Bien sûr arguera-t-on, tout de même, le défi était démesuré: rites maçonniques, symbolisme universel, réalisation spirituelle: athées et pragmatiques de tous poils, y compris au sein des loges, allaient courir en sens inverse, en appeler à la psychiatrie.
Peut-être pas. Car il n’est pas plus technique qu’un processus initiatique, et la véritable folie est de réduire ce corpus insondable au seul fantasme, de le faire procéder d’un XVIIIè siècle décadent afin de le neutraliser au sein d’une histoire frelatée, de le muer en pantomime grotesque pour marchands de Temples-boudoirs.
“ A l’origine, la Maçonnerie fut de toute évidence un art sacré dont la fonction était de manifester dans l’espace une architecture reproduisant les normes divines de la Création. On comprend dès lors pourquoi cet art était solidaire d’une cosmologie dont il était en quelque sorte une application spécifique. Refuser à priori (...) que les tailleurs de pierre du XIIIè siècle aient disposé de “secrets ésotériques” est donc une absurdité qu’un historien sérieux ne devrait pas colporter.” (page 25)
La franc-maçonnerie est une méthodologie, évidemment ésotérique, un ensemble de techniques destinées à ramener l’être en son centre. Qu’elle ait subi les affres du temps et que sa peau soit affreusement burinée ne présume en rien que n’y pulse encore un pouvoir transformateur. Comme le dit le Docteur Geay: “ L’intrusion de l’individualisme dans le contexte maçonnique a largement contribué à la corruption de l’idée de construction, suivant une double-modalité. Il est question d’une part, de construire le trop fameux “temple intérieur”, qui bien souvent, n’est que l’expression des ambitions “spirituelles” du bourgeois gentilhomme nouvelle manière et, d’autre part, de construire un monde meilleur, utopie sociale naïve donnant l’impression d’être utile sinon indispensable à l’avenir du monde” (page 93). Voilà côté rides, quant au potentiel eschatologique: “ Parce que l’émergence de cette communauté - les derniers maçons véritables(3) - suppose une compréhension renouvelée de la Révélation, l’inspiration prophétique qu’elle recevra trouvera à s’exprimer par le biais d’un langage non moins inspiré, d’une parole de vérité au service du Discernement et de la Justice. Il est probable que seule une partie de la Maçonnerie restée fidèle à ses traditions pourra accomplir cette mission qui, par ailleurs, ne saurait lui être réservée de manière exclusive. Gageons ainsi que “le dieu qui préside à l’éloquence, Hermès” conférera à l’Ordre maçonnique les moyens providentiels de conjuguer la science du Trait et de la parole vivificatrice.” (page 95)
Voilà donc à travers ce livre à la fois proposées à tous certaines significations du Temple Maçonnique, un abord de ses Mystères: il appartient à ceux en foulent le dallage d’en approcher à leur “mesure”, aux autres de s’en faire une idée moins soumise aux clichés, plus conforme à la réalité et de découvrir la richesse du monde symbolique.
Johan Patmos.
(1) Voir Les rivalités maçonniques et la Bulle in eminenti
La règle d’Abraham Décembre 2004 n°18 Archè
(2) René Guénon habitait ce quartier du Caire
(3) C’est nous qui précisons.
A noter: Nous avons rentré par erreur l'ISBN de la première édition.
L'édition la plus récente de ce livre comporte l'ISBN 2-84454-056-2
et vaut 16 euros...
Les éditions
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Mystères et significations du temple maçonnique [Texte imprimé] Patrick Geay
de Geay, Patrick
Dervy
ISBN : 9782850769238 ; 10,66 € ; 22/01/1999 ; 183 p. ; Broché
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