Tiroir No 24
de Michael Delisle

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 9 février 2011
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Pas du même sang
Le tiroir no. 24 est celui assigné au narrateur à l’orphelinat. C’est sa première preuve d’une identité qu’il cherchera à façonner tout au long de sa vie mais qui semble lui échapper. Adopté par la famille Cyr, tenanciers d'une boulangerie au cœur de Montréal, le garçon n’arrive pas à se sentir entouré en dépit d’un attachement au père dont la présence s’estompe cruellement au compte goutte, rongée par la maladie. « Je le regarde longtemps, déçu comme devant une plante morte. »

Forcé de travailler pour un traiteur belge concurrent suite à la fermeture de la boulangerie familiale, le jeune homme en manque de repères s’enlise dans le sexe et la drogue.

En quelque sorte une parabole de l’évolution du Québec dans les années 60-70, le roman met subtilement en parallèle la vie du narrateur et l'accession au modernisme de la province. Le style brut est percutant mais souvent donne lieu à des scènes précipitées. Néanmoins, j'ai bien aimé ce portrait axé sur l'essentiel.
Vivre dans un univers numéroté 6 étoiles

Au Québec, les sportifs refusent d’endosser un uniforme identifié au chiffre neuf. Ils veulent échapper à la comparaison que pourrait susciter une numérotation rendue célèbre. Par crainte d’être terrassés par l’excellence d’autrui, tel Maurice Richard, une icône du hockey arborant fièrement le numéro 9, les joueurs se tournent vers un choix numérique qui ne renvoie pas à des vedettes du passé.

Quand on atterrit dans un orphelinat, il faut bien accepter l’espace numéroté que l’on alloue pour ranger ses effets personnels. Benoît Murray, le narrateur du roman, s’est vu ainsi attribuer le tiroir no 24. Au moins ça lui indique une place dans un monde dirigé par des religieuses, qui éduquent les âmes qu’on leur confie avec une autorité contre laquelle on n’est pas en mesure de se rebeller.

Heureusement, le chant vient à sa rescousse. La famille Cyr, propriétaire d’une boulangerie, l’a adopté à cause de sa voix. La bonne odeur du pain le porte à explorer les rapports humains incarnés par un quotidien meublé par la routine, les découvertes, la domination, la sexualité. Son passé honteusement entaché le maintient à distance même s’il sent qu’une réelle communauté l’entoure. Une communauté qui bat au rythme de l’exposition universelle de 1967 et du référendum sur la souveraineté.

Malheureusement, la narration au Je met le héros en marge de l’univers qu’il veut conquérir tout en assumant son autonomie. L’œuvre bute en fait sur des incidents circonstanciels sans les transcender. On retrouve l’écriture des œuvres de Michael Delisle. La plume hautement évocatrice laisse entendre la musique triste qui s’échappe des environnements dévastateurs. L’habitacle comme le regard sont autant d’éléments qui se joignent à la furie existentielle. Mais la sécheresse du ton empêche d'entendre « les sanglots longs des violons de l'automne (qui blessent le) coeur d'une langueur monotone ».

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 17 janvier 2012


Mi-figue, mi-raisin... 5 étoiles

C'est mon opinion personnelle mais je n'ai pas trouvé ce récit très intéressant. L'écriture a beau être simple et fluide, le personnage principal m'a paru très antipathique, dénué de toute émotion et porté vers des comportements étranges et automatiques (mais peut-être est-ce pour décrire l'ambiance et les soubresauts de l'époque, on ne sait jamais).

Le récit a beau être inspiré d'un fait divers du passé, je n'ai pas réussi pour ma part à m'y être plongée. Disons que ce n'est pas vraiment mon genre de roman.

Montréalaise - - 31 ans - 15 janvier 2012