Daniel Martin
de John Fowles

critiqué par FranBlan, le 12 février 2011
(Montréal, Québec - 82 ans)


La note:  étoiles
Lecture inoubliable...
John Fowles, auteur britannique (1926 / 2005), a écrit sept ouvrages de fiction tous très différents les uns des autres et tous ont été traduits en français; tous ont connu le succès à des degrés divers et quatre de ces fictions ont été adaptées au cinéma américain: The Collector (1965); The Magus (1968), un désastre...; The French Lieutenant's Woman (1981), son grand succès et The Ebony Tower (1984).
Daniel Martin est un roman philosophique, volumineux, de presque sept cents pages, écrit dans une langue poétique et à l'aide d'un vocabulaire des plus riche, que j'ai lu dans sa version originale anglaise, éponyme; ce roman est aussi une des moins populaires de ses fictions... Malgré son année de publication, ce roman n'a rien de dépassé ou de suranné.

The wind blows the indolent arms of the willows sideways and ruffles the water of the long reach. The distant wooded hills to the west and the meadowlands are stained with summery cloud-shadow. (p. 19)

Voilà une façon bien jolie et peu banale tout en étant fort moderne de décrire simplement que la brise agite langoureusement les branches d'un saule et plisse la surface de l'eau; qu'au loin les collines boisées, ainsi que les prés, baignent dans l'ombre des nuages d'été...
Publié en 1977, cette fiction débute au milieu de la dernière grande guerre, dans un champ de blé de la campagne anglaise..., le chapître suivant se déroule au milieu des années soixante-dix, dans une chambre d'hôtel en Californie.
Ces brusques transpositions dans l'espace et dans le temps sont déroutantes au début, mais on s'y habitue assez rapidement comme on se familiarise aussi fort agréablement à un style de narration peu conventionnel qui a la plus grande qualité d'éviter la lassitude face à un sujet unique: Daniel Martin.
Daniel Martin est une quête idéologique et identitaire, la recherche d'un amour sincère et durable, l'histoire des relations complexes entre quatre personnes unies par le destin, pour la vie ...
Daniel Martin est un roman sorti tout droit de l'intellect supérieur et du brillant imaginaire de John Fowles, un auteur d'une grande culture.
On y voyage dans le Devon, la ville d'Oxford et Los Angeles et comble de la coïncidence, au Caire en Égypte, sur plusieurs pages, ainsi que sur le Nil lors d'une croisière touristique, le tout à la fin du pouvoir d'Anouar el Sadate; je lis cette fiction un peu plus de trente ans plus tard alors qu'un puissant soulèvement populaire en ce pays alimente l'actualité dans le monde entier...
J'ai beaucoup aimé cette lecture malgré certaines difficultés; beaucoup d'introspection, de réflexions philosophiques, d'érudition, dans une langue très recherchée..., qui fut pour moi, parfois, un peu difficile à déchiffrer.
Pour une rare fois j'aurais apprécié la version française, impossible à trouver présentement au Québec...
Ces difficultés n'ont fait qu'étirer mon plaisir de lecture en allongeant la durée de celle-ci, il demeure que ce roman possède toutes les qualités qui en font pour moi, une lecture inoubliable!
Je me permets de partager avec vous, en traduction libre, un texte de Maxwell Geisnar, critique littéraire, publié dans le magazine Newsday, reproduit en début d'édition et qui décrit encore mieux que je ne saurais le faire le bonheur de lecture de ce roman... ou de toute autre lecture inoubliable!
" John Fowles est fantastique..., il nous rend toutes les vertus du roman à leur apogée: l'émoi, l'intérêt, l'intensité, les passions humaines, le sens du lieu et de la mise en scène, et par-dessus tout, les préoccupations sociales..., il n'a pas qu'écrit un pavé, sa lecture en est captivante et remplie d'émotions, stimulante et enrichissante intellectuellement, à l'intérieur d'un contexte ambiant à la fois vivant et varié, passionnant d'humanité. . . Des personnages, ceci dit, des êtres qui vous habitent si totalement au point de créer cet univers magique d'une grande fiction qui est plus grande que la vie parce qu'étant la vie, telle que décrite, éclairée, étendue, élargie au-delà de notre expérience personnelle et qui par conséquent intensifie notre propre vie."