Les demeures sans nom et autres nouvelles de Spožmayi Zaryāb, Didier Leroy (Traduction)
Catégorie(s) : Littérature => Asiatique
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Voiles blancs et vêtements noirs
Spôjmaï Zariäb est une romancière figurant parmi les grands noms de la littérature afghane contemporaine. Dans ce recueil d’une vingtaine de nouvelles, elle dénonce les conditions de vie de la population afghane et en particulier, le sort réservé aux femmes. D’une écriture douce et raffinée, elle met en scène des personnages, surtout des femmes, aux prises avec des drames petits et grands qui viennent bouleverser leur vie : une mère espérant le retour de son fils parti faire la guerre aux « Angliches », une enseignante de persan désespérée devant l’inutilité de ses efforts afin de sortir ses élèves de l’ignorance, une femme seule recherchant quelqu’un qui accepte de l’écouter pendant quelques minutes, une mère précipitée dans son passé quand sa fille lui montre un dessin qu’elle vient de réaliser, une ville habitée par des citoyens dominés par l’argent, une femme victime de sévices de la part de son époux et refusant de mettre au monde son enfant de peur qu’elle ne subisse le même sort etc.
Toutes les nouvelles comportent une large part de drame humain d’une navrante tristesse. Aucune ne laisse percer ne serait-ce qu’une vague lueur d’optimisme et de joie de vivre. Tout baigne dans une mélancolique grisaille teintée de monotonie et de discret chagrin. Chacun des personnages porte en lui une lassitude de vivre et souvent un détachement amer devant les événements et le temps qui s’écoule inexorablement. L’écriture est d’une grande finesse mais j’aurais aimé que l’auteur pousse son talent encore plus loin. Jamais je n’ai rencontré de passages sublimement poétiques, de descriptions belles à couper le souffle et pourtant, j’ai la nette impression que la romancière est parfaitement capable de telles envolées mais là n’est pas son but sans doute. Elle privilégie le propos et le symbolisme au détriment de l’envolée littéraire ce que je trouve fort dommage. Ayant une forte prédilection pour le domaine du rêve, je préfère nettement ses nouvelles plus réalistes qui lui permettent de déployer toute la force et le souffle puissant de son écriture.
Mes nouvelles préférées sont « Le caftan noir » décrivant les tourments d’une femme afghane battue par son mari et qui choisit de mettre fin à la vie de l’enfant qu’elle porte afin de la soustraire au même destin tragique que le sien ainsi que celle intitulée « Le combat des géants » comportant de nombreuses références à la poésie persane.
Une large place est faite au monde de l’enfance, de l’éducation et de la vie familiale. À lire pour mieux saisir l’âme de la femme afghane dont les rêves et les espérances sont très tôt éteints par une domination brutale et implacable qui ne leur laisse que le choix de la soumission ou de la mort. Assez terrible.
« En une nuit, j’ai vieilli de plusieurs siècles, avec ces cheveux blancs et ces innombrables rides qui cernent mes yeux. Ma peau ressemble à un morceau de cuir qui serait resté des années exposé au soleil, au vent et à la pluie. J’ai contemplé ce spectacle avec tout le sang-froid que peut avoir une femme âgée de plusieurs millénaires. Puis j’ai jeté au loin le miroir. »
« Voiles blancs et vêtements noirs, seaux d’eau et sacs de graines ont pris le chemin du cimetière. La tête enfoncée entre les épaules, les femmes avançaient, courbant l’échine. »
Les éditions
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Les demeures sans nom [Texte imprimé], et autres nouvelles Spôjmaï Zariâb traduites du persan (Afghanistan) par Didier Leroy
de Zaryāb, Spožmayi Leroy, Didier (Traducteur)
Éd. de l'Aube / Regards croisés (La Tour d'Aigues)
ISBN : 9782815900898 ; 21,30 € ; 10/09/2010 ; 253 p. ; Broché
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