Manuscrit d'un roman de SF trouvé dans une poubelle...
de Jean-Pierre Andrevon

critiqué par Dirlandaise, le 18 février 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Neuf nouvelles fort divertissantes
Au risque de me répéter, j’aime bien Jean-Pierre Andrevon. Il me fait rire et son écriture est d’une qualité certaine. Il s’agit d’un recueil de neuf nouvelles de science-fiction, dont quatre sont inédites, dans lesquelles l’auteur se laisse aller à un délire total sorti de son imagination débridée. Plusieurs d’entre elles lui servent à régler quelques comptes avec des confrères et avec le milieu de la science-fiction française. Il se met d’ailleurs lui-même en scène et je dois avouer que c’est plutôt réussi. Je pense en particulier à la nouvelle intitulée « Tout à la main » dans laquelle monsieur Andrevon est coincé dans sa résidence entourée d’une mare de lave qui monte lentement. Seul survivant d’un cataclysme épouvantable, il profite de ses derniers jours pour évoquer ses différentes maîtresses. D’autres sont moins réussies et manquent d’originalité comme la dernière dont le recueil porte le titre et aussi « L’arme » mais bon, personne n’est parfait n’est-ce pas ? Cela ne m’empêche nullement d’apprécier cet auteur pour son sens de la dérision, son humour grinçant, son imagination sans limite et sa façon de soigner ses mises en scènes et la construction de ses nouvelles. La première nouvelle intitulée « CHAPO », ma préférée, est excellente, un vrai petit chef-d’œuvre d’écriture, une construction impeccable, un vocabulaire riche et une prose froide, métallique, glacée qui convient parfaitement au sujet. Un homme essaie d’échapper au monde aseptisé qu’est devenue la terre en recueillant des créatures vivantes et en tentant de les apprivoiser sans que les détecteurs automatiques de parasites ne s’empressent de les éliminer. Très touchant.

La préface signée Francis Valéry se veut humoristique et est bourrée de privates jokes que seul l’entourage professionnel de monsieur Andrevon est sans doute à même de bien apprécier. En fin de volume, on retrouve un entretien avec l’auteur mené par Michel Lebrun et dont le thème est le passage de monsieur Andrevon de la science-fiction au polar. Il date d’une dizaine d’années donc à replacer dans le contexte de l’époque mais tout de même intéressant.

Bref, un recueil fort divertissant.

« C’est arrivé, à vingt centimètres de mes yeux, et en l’espace d’une fraction de seconde. Je n’ai pas eu le temps de voir le sas s’ouvrir, j’ai à peine pu suivre l’éclair argent, je n’ai enregistré que la rémanence fantôme de la bouche thermique orange qui s’écartait et se refermait. Et c’était déjà fini. La bestiole d’acier avait regagné son trou, elle avait fait son boulot, elle avait bouffé, cuit et dissocié la pauvre petite mouche avec la même efficacité dépourvue de passion que lorsqu’elle élimine du dessus de table les miettes, les parcelles de nourriture, les scories microscopiques qu’y laissent mes repas. Saloperie. J’ai encore tapé du poing, jusqu’à me faire mal. J’ai encore crié, jusqu’à ce que le vocalisateur du terminal médical me propose un léger sédatif en pulvérisateur aérosol global. » (CHAPO)