Nation Pigalle
de Anne Plantagenet

critiqué par MEISATSUKI, le 22 mars 2011
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Un sentiment d’urgence…
Ce qui frappe dans ce livre, c’est tout d’abord le style. Dès les premières lignes, nous voici confrontés à de longues phrases pleines d’énumérations et surtout sans ponctuation. Premier sentiment : qu’est-ce-que c’est que cette horreur ? C’est illisible ! Et puis, en se forçant un peu, on s’habitue et on commence à courir. Car c’est bien de cela qu’il s’agit pour moi. Courir le marathon de la vie parisienne, de la vie d’aujourd’hui… Ce roman n’est pas reposant. Il essouffle le lecteur au sens propre du terme.
On est littéralement happé par la vie de tous ces personnages et tout y passe, tout y est analysé, critiqué : problèmes d’argent, de couple, de politique, les sans-papiers, le tremblement de terre d’Haïti, la coupe du monde de foot et j’en passe des milles et des cents, presque tout est prétexte à s’inquiéter, se révolter, s’attrister. Comme dans la chanson de Gainsbourg, on suffoque, on blêmit… Sur les toutes dernières pages, l’auteure cherche à nous montrer que malheureusement, parfois, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ou encore, qu’il faut savoir prendre du recul par rapport à toutes les idées noires que nous imposent les médias et se rendre compte que le bonheur est tout simplement dans l’instant présent.
Certes la lecture de ce livre n’est donc pas agréable mais c’est bien, à mon avis, le but recherché par l’auteure.

NB : concernant l’édition, sur moins de 500 pages, j’ai relevé au moins 5 grosses fautes de frappe.

NBbis : livre lu dans le cadre du Club des Testeurs Amazon, ce qui explique le commentaire en ligne avant la date de parution.
jours torrides à Clichy 10 étoiles

Nation Pigalle, non ce n'est pas une ligne de métro, c'est le nom d'un pays, d'une nation donc, situé aux alentours de la place Clichy, à Paris. Ville dans la ville, comme de nombreux quartiers parisiens, Pigalle vit sa vie, jour et nuit, pleure et chante, baise et dort au rythme de ses rues chaudes et de ses recoins plus tranquilles. C'est cette contrée, havre de nombreux déracinés, blancs ou noirs de pieds, que nous conte l'auteure. Récit choral, mêlant dans une syntaxe bousculée les voix de nombreux personnages, masculins et féminins, dont les parcours se croisent au gré de rencontres imprévues. Parfois les gens d'un même immeuble ne se connaissent pas, mais il suffit d'un malaise dans un square, ou l'incendie d'un appartement, pour que la vie assez fade de ses habitants, en proie aux sempiternels problèmes d'argent et à l'usure des relations conjugales (et extra-conjugales), prenne un tour nouveau. Ce Paris que l'on ignore, voire que l'on fuit sans se retourner, Anne Plantagenet nous le ferait presque aimer. Avec sa façon un peu foutraque de nous emmener ici et là, commençant une histoire sans la terminer ou la terminant sans l'avoir commencée, n'hésitant pas à inclure un collage en provenance d'un autre roman (Trois jours à Oran), elle m'a procuré un plaisir que j'avais fini par oublier, celui de la découverte d'une écriture en liberté. Une sensation rare, jadis trouvée chez un Céline, un Cendrars, un Mac Orlan ou bien sûr d'un Miller (Henry). Chaque page rend nécessaire la suivante : que va-t-il se passer, quelle surprise va-t-elle nous réserver, quelle trouvaille va-t-elle encore inventer ? Mille plaisirs à attendre donc de ce merveilleux voyage intra-muros. Un beau, très beau livre…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 19 décembre 2015