Maudit soit Dostoeïsvski
de Atiq Rahimi

critiqué par Tanneguy, le 26 mars 2011
(Paris - 85 ans)


La note:  étoiles
Raskolnikov en Afghanistan
J'avais lu, et apprécié Syngué Sabour, un livre désespéré sur l'Afghanistan. Ce dernier ouvrage de Rahimi veut sans doute exploiter la même veine, mais n'y parvient pas. Pourtant l'idée de départ est intéressante : Rassoul, un jeune afghan éduqué, s'apprête à commettre un crime crapuleux sur la personne d'une vieille maquerelle lorsque Crime et Châtiment lui traverse l'esprit et va lui pourrir l'existence.

Il s'ensuit une série d'errances à travers la ville de Kaboul soumise au règne des talibans ( l'Occident n'a pas encore frappé...). Le héros fume beaucoup le hash et veut nous en faire partager les effets (une fois ça va...), mais le résultat, c'est un récit obscur et embrouillé.

Malgré cela, quelques passages et personnages à signaler : le juge qui se réjouit à l'idée d'appliquer la charia, l'huissier chargé de tenir les archives de la Justice. Mais tout cela est obscur et décourage le lecteur.
Russie - Afghanistan 7 étoiles

Le roman s’ouvre sur le meurtre que vient de commettre Rassoul. Il a planté une hache dans le crâne de nana Alia, vieille maquerelle qui tenait à sa merci Souphia, la fiancée de Rassoul. Mais à l’instant de ce geste fatal, Rassoul est comme foudroyé par la similitude entre son histoire et celle de Raskolnikov, héros du célèbre roman de Dostoïevski, « Crime et châtiment ». Tout comme Raskolnikov (qui avait lui aussi tué une vieille femme), Rassoul est peu à peu rongé par le remords, et la première manifestation de ce remords est la perte totale de sa voix.

Ce n’est donc pas le meurtre qui est primordial ici – puisqu’il est dévoilé dès les premières lignes - mais bien ce qui se passe ensuite. Et particulièrement les interrogations de Rassoul sur la portée de son geste, l’importance de son crime dans un pays ravagé par la guerre civile, la culpabilité grandissante qui envahit ce jeune héros passionné de littérature russe. Un fait qui semble d’ailleurs bien plus dangereux pour lui que le crime dont il s’accuse, dans une ville – Kaboul - qui a vécu sous l’occupation soviétique.

Un crime bien étrange en vérité, car si Rassoul est hanté par chacun de ses détails, aucune trace de son forfait n’a été trouvée sur les lieux. Pour tout le monde, nana Alia est simplement partie sans rien dire. Et Atiq Rahimi joue admirablement de cette ambiguïté. Rassoul est-il hanté par Crime et châtiment au point de reproduire l’intrigue du roman, ou est-il à ce point obsédé par l’oeuvre qu’il se convainc d’avoir tué ? Beau sujet en tout cas pour qui aime la littérature – russe ou pas – et quelle belle écriture encore une fois.
Quelle belle approche aussi du chaos d’un pays, des contradictions d’un peuple. Moins dur que Syngue Sabour, peut-être Maudit soit Dostoïevski paraîtra-t-il un peu moins fort. Mais ce livre sera assurément – et à juste titre - considéré comme l’un des plus beaux de l’année.

Aliénor - - 56 ans - 15 août 2011


Dostoievski en Iran 8 étoiles

Atiq Rahimi revendique dès le titre et dès la première page la filiation de son roman : Rassoul, la hache haute, s’attaque à une vieille femme dans le double objectif de lui voler son argent et d’éliminer un personnage nuisible et sans vergogne. Pris de remords il erre dans Kaboul à la recherche son châtiment sans arriver à dire son crime, ni à être entendu par ceux qui préfèrent pourchasser les anciens alliés des communistes ou les femmes impudiques.

Le roman est une transposition et une variation de Crime et Châtiment dans la société afghane moderne, un récit qui finit en forme de conte mais où le jugement et la rédemption sont moins pour le criminel que pour cette société de violence et de corruption telles que le crime pour lequel Rassoul cherche désespérément un châtiment paraît une peccadille.

Entre cauchemar et réalité, la langue puissante et imagée de Atiq Rahimi nous entraîne dans les méandres de Kaboul et les replis de la conscience de Rassoul.

Romur - Viroflay - 51 ans - 2 juillet 2011