La science et la vie
de Claude Allègre

critiqué par Shelton, le 28 mars 2011
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Osez, vous aussi !
Oser critiquer, ou même simplement présenter un livre de Claude Allègre représente une prise de risque : Quoi, vous osez défendre un type pareil, un homme qui trahit ses amis politiques, qui bafoue la science, qui ment effrontément ? Oui, je sais, la planche est savonnée, il sera délicat de garder l’équilibre… Et, pourtant, je l’avoue, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas vous parler d’un auteur que j’ai beaucoup lu, beaucoup apprécié… Non ?

Alors, commençons par le début. Pour moi, Claude Allègre est avant tout un scientifique reconnu, celui qui avec son ouvrage « L’écume de la terre », en 1983, est venu me faire comprendre que la géophysique était bien une véritable science et que la théorie de la tectonique des plaques n’était pas une utopie de plus mais bien une ouverture sur une meilleure compréhension de la construction de notre planète. Plus tard, en 1990, avec « Economiser la planète », il me faisait comprendre que la notion de développement durable allait devenir la valeur absolue de la construction d’un avenir commun à la planète et l’humanité. Il est facile de l’accabler de tous les maux, il n’empêche qu’il était alors en avance sur beaucoup, y compris sur ceux qui aujourd’hui le critiquent sur ses positions « climatiques »…

Mais revenons-en, si vous le voulez bien, si vous me suivez encore, sur cet ouvrage « La science et la vie ». Il s’agit d’un journal écrit entre février 2007 et février 2008, un journal peu intime car dès le départ il avait vocation à être publié. L’ancien ministre, le scientifique et chercheur, se livre, jour après jour, à une analyse des faits qui lui semblent importants. C’est donc un parti pris réel, rien à voir avec un journal du monde, de la France ou de Claude Allègre, mais bien d’une suite de réflexion sur la politique en France, l’état de la recherche scientifique en Europe, le point sur la réforme de l’université, ses hésitations à accepter ou pas une charge ou une mission de Nicolas Sarkozy, une réflexion sur la vie, sa vie, les sciences, sa vie de chercheur… c’est donc passionnant, profondément humain, politique, scientifique et, parfois, plus personnel.

On lit cet ouvrage à la vitesse que l’on veut car chaque page peut susciter une réflexion plus personnelle, une introspection ou faire naître des regrets ou des envies. J’ai été plus particulièrement touché par ses réflexions sur les sciences, la recherche et l’avenir du monde. Je suis persuadé que nous sommes là en présence d’un grand et véritable scientifique. Cela ne signifie pas du tout qu’il pourrait avoir toujours raison – ils sont nombreux les grands scientifiques qui ont commis dans leur vie des erreurs – mais il raisonne, il réfléchit, il construit des systèmes de pensée qui ne peuvent que nous aider à nous construire, nous aussi.

Par ailleurs, reconnaissons que c’est un livre bien écrit qui démontre une fois de plus que scientifique ne signifie pas éloigné du littéraire. Il aime les mots, les idées et l’histoire et cela se ressent à chaque page pour le plus grand plaisir du lecteur.

Reste la polémique autour de ce personnage… Ce qui me semble important, c’est d’aller le lire pour ne pas se contenter de ce que disent certains de lui, parfois en ne disant pas tout ce qu’il dit mais seulement ce qui les arrangent… Lors d’une dernière intervention télévisée, à propos du Japon, il cherchait à dire qu’il ne fallait pas mélanger séisme et nucléaire. Certes, je pense que sa formulation, sur un média comme la télévision, était maladroite car il était certain que personne ne l’écouterait jusqu’au bout. On allait simplifier : Allègre est pour le nucléaire ! En fait, si on prend le temps de réécouter entièrement ses propos, il cherchait à dire que, de fait, le séisme, suivi du tsunami, conséquence directe du premier, avait tué plusieurs milliers de personnes alors que le nucléaire n’avait encore pas atteint, au Japon, pour cet événement, le même nombre de victimes. Et c’était bien vrai ! Mais cela ne signifiait en rien qu’il était illégitime de se poser des questions sur le nucléaire… Mais, étions-nous prêt à l’entendre ? Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que les secours aux victimes du séisme et du tsunami ont été assez lents à se mettre en place… Mais c’est un autre débat !

Pour le moment, je ne peux que vous recommander cet ouvrage et espérer que sa lecture vous fera beaucoup de bien, autant qu’à moi et que tout cela nous aidera à réfléchir à l’avenir de la planète…