Ne pas lutter contre les dieux et le destin

La guerre de Troie a vu de bien nombreuses interventions directes des dieux dans les affaires des hommes. Ici, c’est Athéna qui vient perdre Ajax pour satisfaire son protégé Ulysse.
Ajax fait partie du camp des Grecs. Il est le fils du roi de Salamine et a Teucros pour frère bâtard. Après Achille, il est sans doute un des plus braves parmi ceux qui mènent cette guerre contre Troie.
La tragédie naît de la colère d’Ajax contre Agamemnon, Ménélas et Ulysse. Cette rage lui vient d'un grand sentiment d’injustice parce que, à la mort d'Achille, les deux frères donneront les armes de ce dernier à Ulysse plutôt qu'à lui. Il estime qu'elles lui appartenaient de droit par la valeur et le courage.
Un soir qu'il a bu, il va vers le camp des Grecs avec la ferme intention de tuer ses deux chefs ainsi qu'Ulysse lui-même. Athéna l'y a poussé et lui a fait croire qu’elle le soutiendrait. Au moment où il allait s'en prendre à la tente des chefs, elle l'en a dévié et l'a entraîné vers les troupeaux des Grecs. Dans sa furie, et aveuglé par Athéna, il prend ces animaux pour ses ennemis et massacre tout ce qu'il peut.
Ce n’est qu'en se réveillant le lendemain qu’il prendra conscience d’avoir été joué par elle au profit de son protégé, Ulysse, qu'il exècre autant qu'Agamemnon et Ménélas. Il sent tout le ridicule de sa situation et estime qu'il ne peut pas survivre à une telle honte.
Avant de mourir Ajax invoque les Erinyes « sévères aux jarrets rapides » qui observent et punissent les hommes. Il leur demande de punir les infâmes fils d’Atrée que sont Agamemnon et Ménélas : « . qu'ils périssent sous les coups des plus proches des leurs, qui ainsi à leur tour verseront leur propre sang. Allez ! Erinyes, promptes vengeresses, allez, mettez-vous au festin, n'épargnez pas leur peuple, leur peuple tout entier. » Il en sera en tout cas ainsi pour Agamemnon !
Voici donc un des drames nés chez les hommes par la volonté d'une déesse, fille de Zeus.
Ce qui frappe aussi dans cette histoire, c'est de voir à quel point ces hommes sont violents et entrent dans des colères « homériques » Ici, comme plus tard dans la noblesse française d’avant Louis XIV, le lien envers les chefs et le groupe est assez ténu et ne dépend que de l’intérêt de celui qui veut bien le ressentir. Ajax, comme Teucros, son demi-frère, ne manquent pas d’apostropher Agamemnon ou Ménélas avec la plus grande violence.
Ecoutez Teucros parler à Agamemnon : « Sais-tu pas ce qu'était le père de ton père, l’antique Pélops ? Un Barbare, un Phrygien. Et cet Atrée, qui t’engendra ? Le plus grand des impies, l'homme qui à son frère servit la chair de ses enfants. Et toi-même, n’es-tu pas né d'une Crétoise, que son père surprit dans les bras de son amant. Et c'est toi, toi sorti d’une souche pareille qui reproche son origine à un homme tel que moi… »
La conclusion de cette tragédie réside dans la dernière réplique du Coryphée
: « Les hommes ont loisir de connaître beaucoup de choses en les voyant ; mais l'avenir, il n’est pas de devin, avant de l'avoir vu, qui connaisse ce qu'il sera. »

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  Ajax [Texte imprimé] Sophocle texte établi par Alphonse Dain,... et trad. par Paul Mazon,...

  de Sophocle, Dain, Alphonse (Editeur scientifique) Irigoin, Jean (Editeur scientifique) Mazon, Paul (Traducteur)
  les Belles lettres / Collection des universités de France.
  ISBN : 9782251003078 ; 35,50 € ; 15/12/2002 ; 194 p. ; Broché

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