Au début, c’est un thriller psychologique . Un personnage vulnérable, Vid, immigré serbe, est vampirisé par Kévin, un brillant Irlandais louche et manipulateur, qu’il est amené à remplacer dans le box des accusés, endossant pour lui le délit d’agression aggravée.
Au thriller, se mêle ensuite le roman d’apprentissage . Le chapitre final permet de mesurer les progrès de Vid à s’intégrer dans la société irlandaise. Le lecteur a suivi son parcours initiatique l’amenant à prendre progressivement la mesure de ce pays, à comprendre ses habitudes, ses codes sociaux, à en maîtriser la langue. Aux dernières pages, grâce notamment aux relations, souvent chaotiques avec les différents membres de la famille Cancannon qu’il s’est efforcé d’aider, il se considère comme assimilé : « «J’entrai enfin dans l’histoire de ce pays . Je devins un participant, un protagoniste, quelqu’un qui agissait de l’intérieur »
JE NE SUIS PAS D’ICI est en même temps aussi un roman sur l’Irlande. D’abord terre d’émigration puis terre d’immigration, terre de ceux qui en sont partis pour tenter fortune aux Etats Unis comme l’ont fait le père de Kevin et ses frères, puis de ceux qui y ont trouvé asile. Hugo Hamilton, comme dans ses autres romans, sait traduire la beauté sauvage de ses îles, la rudesse de la vie et la rigueur de sa morale. Il signale dans sa postface que le roman lui a été inspiré par une chanson traditionnelle, qui lui a offert l’un des axes du roman : l’enquête sur la jeune fille qu’une mise au pilori publique a entraînée au suicide.
C’est toutefois, pour moi, ce caractère sociologique du roman qui a entraîné Hamilton à fréquemment étoffer (ou alourdir) son récit par de longs passages où, sortant de l’intrigue présente, il évoque le passé. Par ex, il reconstitue à plusieurs reprises des scènes d’immigration depuis l’atmosphère de la foule au départ de l’embarcadère de Carlisle jusqu’aux détails de la vie lors de la traversée. Ailleurs, il imagine ce que purent être les réactions des paroissiens de l’ile du Connemara quand ils ont retrouvé le corps de la noyée, ailleurs encore, il retrace l’historique du Teddy’s , le célèbre marchand de glaces. Ces passages, souvent basées sur des tournures anaphoriques sans effet poétique, me sont apparus comme des excroissances, des sortes de prothèses artificielles qui ont quelque peu gâté ma lecture .
Sur un scénario de film noir, un roman sur la « celtitude » irlandaise, thème qui parcourt toute l’œuvre de Hugo Hamilton.
Alma - - - ans - 3 novembre 2011 |