Monsieur le Président : Scènes de la vie politique (2005-2011) de Franz-Olivier Giesbert
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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L'homme qui s'aimait trop
Franz Olivier Giesbert, surnommé FOG, est un excellent journaliste, un bon romancier, qualités nécessaires pour faire un bon biographe de ses contemporains. Ses livres sur Mitterrand et Chirac restent, 20 ou 30 ans plus tard, des modèles du genre. Son précédent ouvrage « La tragédie du Président », un extrait de ses carnets de notes, était moins ambitieux. A quelle catégorie appartient ce « Monsieur le Président » ? La composition du livre, moins de trois cents pages en cinquante deux chapitres, indiquerait-elle déjà que nous sommes plus dans l’anecdote et l’historiette que dans l’analyse rigoureuse ? Ce serait trompeur car Giesbert qui se décrit comme « un affidé pathétique et ridicule » est allé au delà pour comprendre pourquoi ce président l’insupporte autant qu’il le fascine.
Il en décrit la brutalité, les colères, la nervosité, « une ivresse de soi, une exagération fiévreuse », une mauvaise éducation de vouloir tout ramener à lui, une affectivité qui ne lui fait supporter aucune critique, une absence de convictions ou plutôt des convictions dont il change très souvent, cette auto célébration permanente où faire savoir est plus important que savoir faire. Il humilie trop et ne punit pas assez comme Joséphine le reprochait déjà à Napoléon. Il est « aussi opportuniste avec les idées qu’avec les gens » comme l'observe Jean-Louis Debré, Président du Conseil Constitutionnel.
Ce personnage de roman que jusqu’alors les événements avaient fait s’est révélé, au moment de la crise financière, celui qui fait l’événement. Giesbert qui parfois manie l’hyperbole, le décrit en « Paganini du sauvetage, courageux tout en restant infatué ». Il cite Jean-Claude Juncker, Président de l’Eurogroupe pour qui « il agit vite et change de direction quand il faut ». Son optimisme est avant tout « une méthode de travail ». Fort avec les faibles et faible avec les forts, il se montre un redoutable négociateur sur le plan international. Mais pour quels résultats?
Et surtout il reste un fils d’immigré, abandonné par son père, détestant son enfance, pauvre parmi les riches, qui sait susciter la compassion, y compris chez quelqu’un comme Michel Onfray qu’on ne peut taxer de courtisanerie. « J’ai de la compassion pour cet individu qui voudrait tellement être aimé et, maladroit, se fait tant détester… pour cet oiseau blessé qui croit pouvoir panser ses plaies avec les fétiches de la puissance ; j’ai de la compassion pour cet homme qui n’échappera pas à lui même ».
FOG décrit avec talent les épisodes marquants de la période 2005/2011 qui va de l’irrésistible ascension au désamour des Français en les illustrant d’anecdotes, en portraiturant l’entourage avec parfois une joyeuse férocité (Bernard Kouchner et Claude Guéant n’ont pas du apprécier). La faiblesse de l’ouvrage tient au fait que FOG reste toujours à côté de la réalisation politique, se concentrant sur le caractère. On répète partout qu’un président ne se fait jamais réélire sur un bilan mais un projet. Les Français ne demanderont-ils pas des comptes entre les promesses faites et la perception qu’ils ont des réalisations ? Les communicants, les coaches et autres « professionnels de la profession » seront-ils assez malins pour faire croire une fois encore que l’homme a changé, qu’il s’est enfin présidentialisé ? Est-il possible d’avoir une vision pour une communauté, quelle qu’elle soit, si on n’a pas une conviction forte ? Un homme qui s’aime autant sait-il aimer les autres ? Un homme qui parle autant peut-il parler aux autres, leur parler vraiment c’est à dire après les avoir écoutés et entendus ?
Ecrit dans un style limpide, agrémenté de formules qui font mouche, nourri d’une culture politique et littéraire jubilatoire, ce livre se lit avec plaisir. Mais il ne serait resté qu’un livre d’anecdotes s’il n’y avait un surprenant épilogue racontant un déjeuner, il y a deux mois. Faut-il y croire ? L’avenir nous dira vite si ce livre aurait pu s’appeler « La métamorphose » ou si les mois qui viennent ne seront toujours que « Le bruit et la fureur ».
Les éditions
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Monsieur le président [Texte imprimé], scènes de la vie politique, 2005-2011 Franz-Olivier Giesbert
de Giesbert, Franz-Olivier
Flammarion
ISBN : 9782081259539 ; 20,20 € ; 06/04/2011 ; 285 p. ; Broché
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L’homme blessé…
Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 24 avril 2012
Un sentiment partagé par Michel Onfray qui, dans un article du «Nouvel Obs» cité ici par FOG et rapporté également sur ce site par Jlc, a qualifié Nicolas Sarkozy de «grand fauve blessé»
Dans cet ouvrage que l’on ne saurait en tout cas qualifier d’hagiographique, les quelques éloges délivrés ici et là, à doses homéopathiques, en prennent d’autant plus de poids.
Ainsi met-il à l’actif du bilan du président quelques réussites ; notamment, sur la scène internationale, la négociation du plan de sortie de crise pour l’Europe qu’il a su mener magistralement avec Gordon Brown ; ou encore, du point de vue de la politique intérieure, l’introduction de la nouvelle protection des libertés publiques que représente la question prioritaire de constitutionnalité ou QPC. Une avancée à laquelle il faut bien le dire «Monsieur tout le monde» est assez peu sensible tant cette réforme a une portée bien réduite sur son quotidien !
Enfin, FOG fait dans son épilogue (toujours lui !) amende honorable en déclarant que l’homme s’est tout de même beaucoup amélioré en cinq ans et que, cerise sur le gâteau, contrairement à la légende qu’il a lui-même contribué à entretenir, «il est tout, sauf inculte».
Ce constat réalisé à la suite d’une conversation littéraire entretenue par l’auteur en tête à tête avec le président vient curieusement conclure (ou édulcorer ?) ce portrait au vitriol aussi passionnant que vivant.
Dommage, cependant, que cette biographie, malgré le sous-titre mentionné sur la couverture, accorde tant de place au profil psychologique de Nicolas Sarkozy même si les effets de ce dernier sur sa carrière politique ont pu être déterminants, sinon délétères. Témoin, le commentaire de FOG qui me semble essentiel à propos de «ce caractère qui gâche tout, embrouille les esprits et empêche de voir le travail accompli. Il y a quelque chose de pathétique à observer ce maniaque de l’apparence pris au piège de sa propre image». A méditer en cette période de l’entre-deux tours…
L'ego sans moi fait roi
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 27 juin 2011
Egocentrique à l'extrême, infantilement capricieux, il ne perçoit pas ses excès, son propre ridicule. Il a besoin de dominer et humilier, tel un enfant-roi égocentrique, dénué de "moi".
Il ne croit pas forcément ce qu'il dit, pour mieux se vautrer dans l'électoralisme, pour mieux consolider son assise.
Le portrait est à charge et est assumé comme tel, lui-même excessif quand il brosse le portrait de cet homme sans qualité, à force de défauts voyants. Lucide et fin, l'auteur choisit sa thèse, veut égratigner, le fait plutôt bien à l'aide de citations et d'anecdotes. Il offre une vision entière d'un personnage, qui ne peut donc pas être totalement impartiale, mais honnête dans la démarche. Il est, en tout cas, très instructif, sur son fonctionnement au quotidien.
Sarko-phage
Critique de Papyrus (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans) - 16 avril 2011
Et pourtant cette lecture fut pour moi, aussi déconcertante que délectable. Si toutes les biographies avaient cette truculence et cette qualité littéraire, il faudrait sans hésiter les mettre au programme de Sciences Po !
Je sors esbaudie d’une lecture à laquelle à priori rien ne me destinait, hormis la personnalité de son auteur, qui ne cesse, depuis quelques années, de m’intriguer au fil de nos rencontres par médias interposés. Moi qui lis rarement autre chose que des romans ou des essais, je viens de découvrir un genre qui m’a véritablement conquise.
Le texte est fluide, truffé d’anecdotes et de réflexions personnelles, celle d’un journaliste de qualité, à la plume surprenante de vivacité, revendiquant sa liberté d’expression, son indépendance d’esprit, même s’il faut pour cela souvent en passer par la connivence (mais cet aspect de son métier, FOG, le revendique).
Il en ressort un brûlot, incisif et humaniste, nous dépeignant par le détail concret et souvent croustillant, qui est le drôle d’homme dont la France s’est dotée (mais devrais-je dire infligée ?) comme Président. Embusqués derrière le sucrier d’un déjeuner, mouches microscopique dans le bureau d’Angela Merkel, dissimulés sous le tapis de la chambre présidentielle, nous sommes les témoins invisibles des débordements d’un personnage de BD à la Iznogoud, des colères d’un enfant-roi trépignant, d’un hyper mnésique au caractère compulsif, d’un président atypique, opportuniste et hyper-actif, qui vient, peut-être, enfin, de commencer à se trouver, si on en croit le dernier chapitre. Mais le croira-t-on ?...
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