Six mois, six jours
de Karine Tuil

critiqué par PA57, le 17 avril 2011
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Un roman assez déroutant au premier abord
Ce roman compile plusieurs histoires, qui finalement se réunissent, ce qui peut être déroutant.
Tout d'abord, il y a une histoire familiale, racontée par Karl Fritz, ancien domestique d'une riche famille allemande, les Kant.
Puis l'histoire de Juliana, qui représente la dernière génération des Kant, qui a une aventure avec un photographe, Braun. Mais Braun fait éclater le scandale en faisant chanter Juliana.
Ces deux histoires sont en fait liées par l'histoire. En effet, l'usine de la famille Kant a été prospère, même pendant la seconde guerre mondiale, grâce à des liens étroits avec Goebbels et les nazis. L'usine "employait" des prisonniers juifs, lesquels mouraient en 6 mois, pour les plus forts d'entre eux.
Ainsi, le passé et les actes de ses aînés vont resurgir pour Juliana.
Les premières pages de ce roman sont assez déroutantes, et on n'accroche pas de suite. La suite est beaucoup plus intéressante et tout finit par s'éclaircir au fil des pages.
Un roman que j'ai apprécié, bien écrit, court, mais assez surprenant.
Réparer ou subir le passé... 9 étoiles

Après « Les choses humaines » qui m’avait bien plu, je m’étais décidé à lire un autre livre de la même auteure. C’est chose faite, enfin, avec « Six jours, six nuits ». Et je peux dire qu’il ne m’a pas déçu non plus. Certes, il est bien plus court et se lit rapidement, mais la puissance du style et la force du propos restent bien les mêmes. Comme si c’était la marque de fabrique littéraire de Karine Tuil. Pour ça, je clique sur « j’aime » !

Ici, l’entrée en matière est un peu déroutante, avec ce vieillard soupe-au-lait qui raconte ses souvenirs sur une famille de riches industriels allemands où il était resté 40 ans comme « conseiller » à une journaliste qu’il ne ménage pas de remarques désobligeantes. Cela faisait plutôt décousu, un long monologue haché et verbeux d’un personnage qui apparaît assez antipathique. D’ailleurs, pratiquement aucun des personnages du livre n’est vraiment sympathique… Le style de ce début peu délicat m’a fait penser à du Amélie Nothomb. J’espérais que tout le roman ne soit pas une copie nothombienne… Et heureusement non ! Le récit avance et devient de plus en plus intéressant. Et jusqu’au bout, l’auteure m’a accroché avec son histoire prenante, pathétique, sordide, fascinante, sur les noirceurs de l’être humain….

Manipulation, chantage, escroquerie, déni, hypocrisie, sexe, passion, mémoire, lâcheté, vengeance, Histoire, nazisme, névrose, sont quelques-uns des éléments de ce livre. Le scénario n’est pas peut-être pas original mais c’est le traitement qui en est donné qui l’est. L’idée centrale en pourrait être celle-là : les enfants doivent-ils être considérés comme responsables ou coupables des faits de leurs ascendants, et en réparer les fautes ou les crimes ? Et dans le cas de sociétés, y a-t-il responsabilité morale ? Le présent doit-il toujours rendre compte au passé ? Une interrogation encore plus sensible pour les allemands…

Au final, un livre que j’ai beaucoup apprécié. Il paraît qu’il a été nommé pour un Goncourt. C’est peut-être un peu beaucoup, à mon humble avis. Mais c’est un roman qui a sa qualité propre et m’a beaucoup intéressé, malgré bien des exagérations dans certains faits rapportés ou sur certains personnages.

Cédelor - Paris - 53 ans - 16 avril 2021


L'horreur n'est pas un roman 9 étoiles

Dans le roman, Braun est un descendant d’un employé du camp nazi, où l’espérance de vie ne dépassait pas 6 mois : Braun s’est donné 6 mois et 6 jours pour détruire la vie de Juliana, descendante des patrons.

Le sujet du chantage fait directement référence à la milliardaire Susanne Klatten, la PDG de BMW, qui en 2007-2008 nourrit les médias allemands avec son histoire d’amour, les rançons, la perte de face envers les médias, le soutien du mari : tous les ingrédients correspondent au roman… En prime, madame Klatten utilisait pendant ses études, le pseudonyme de Susanne Kant, que le lecteur retrouve dans ce livre.

L’histoire familiale du roman parallélise aussi la réalité : la famille de Susanne Klatten, les Quandt sont connus pour le profit qu’ils ont fait pendant la deuxième guerre mondiale grâce au travail obligatoire dans leurs usines : main d’œuvre non payée et utilisée comme dans les camps de concentration.

Cette histoire, racontée par l’ancien conseiller sécurité de la famille, est présentée comme un roman, surtout parce que les détails ne sont pas connus et inventés. Mais le fil conducteur trouve définitivement sa source dans la réalité, et même très bien recherché.

C’est pour ça que ce roman dérange.

J’aimerais particulièrement insister sur les citations des personnages entre les chapitres, se détachant complètement de la responsabilité des massacres. J’ai déjà entendu ces phrases dans des reportages sur les anciens nazis, qui finalement n’ont (à leurs yeux) rien fait de mal, c’était les autres et personne ne savait rien… Vraiment, ce livre dérange.

Yotoga - - - ans - 18 novembre 2013