La révolte des pendus
de B. Traven

critiqué par Heyrike, le 21 avril 2011
(Eure - 57 ans)


La note:  étoiles
Les damnés de la terre
Mexique, début du XXe siècle, le dictateur Porfirio Diaz règne en maître absolu depuis 25 ans. Il favorise la concentration des terres au profit d'une minorité de propriétaires terriens

Candido Castro, un indien Tsotsil, possède une toute petite exploitation au sol ingrat qui lui permet tout juste de faire vivre sa famille. Ils sont plusieurs parmi son peuple à résister à la pression exercée par les grands propriétaires qui tentent de les forcer d'abandonner leurs domaines afin de venir travailler pour eux. Ils préfèrent être libres de vivre de peu plutôt que de devenir des serfs corvéables à merci.

Obligé de transporter sa femme gravement malade en ville, Candido doit payer une somme exorbitante au docteur pour qu'il accepte de l'opérer de l'appendicite. Ne sachant comment faire, il se voit proposer les services de Don Gabriel (un recruteur aux services des exploitants forestiers) qui lui propose de lui avancer de l'argent en échange d'un engagement, jusqu'à épuisement de sa dette, au service des trois frères Montellano. Sa femme meurt tout de même, mais l'argent versé par Don Gabriel est un acte contractuel auquel Candido ne peut se soustraire.

Candido et ses enfants sont déportés vers l'exploitation forestière située très loin de sa ferme, en cours de route il est rejoint par sa sœur qui décide de partager leur sort.

Les frères Montellano possèdent une des plus grandes exploitations forestières du pays, la seule loi qu'ils connaissent est celle du profit. Qu'un seul d'entre eux vienne à disparaître et cela ne fera qu'accroître le profit des deux autres. Dans cette exploitation savamment organisée, les ouvriers (pour la plupart des indiens) sont des bêtes de somme constamment méprisé, battus et torturés. Travaillant dans des conditions extrêmes, chaque homme est obligé d'abattre quatre tonnes d'arbre chaque jour sous peine d'être pendu à un arbre. Cet acte barbare consiste à suspendre un individu par les quatre membres durant toute la nuit, pendant que les insectes, qui infestent la jungle, viennent dévorer leurs corps faméliques par petit morceau. Le lendemain de leur supplice ils sont contraints de retourner travailler. Ceux qui tentent de s'évader sont tués par les contremaitres sanguinaires, et si par chance ils parviennent à y échapper, ils sont dévorés par les animaux féroces qui peuplent la forêt.

Tant de maltraitance ne peut qu'endurcir les corps et les volontés au fil du temps. La colère monte parmi les esclaves qui préfèrent la mort plutôt que cette existence misérable et cruelle. La cruauté devenant insoutenable, les esclaves se révoltent. C'est le Profesor, un homme instruit qui a déjà participé à des luttes par le passé, qui organise le mouvement, ils entreprennent une longue marche libératrice au cours de laquelle ils entendent mettre à bas les grands propriétaires esclavagistes et le pouvoir politique qui les soutient.

Dans cette œuvre très forte, l'auteur dénonce l'ignominie des traitements infligés aux Indiens par les descendants des conquistadors. "La première chose que firent les conquérants fut de planter une croix dans le sable du rivage et de dire une messe : c'est encore de cette cérémonie que souffrent les Indiens"

Face à l'oppression des despotes sanguinaires il n'y qu'une réponse possible, la révolte et la lutte où chaque coup porté doit être rendu. Et lorsque la violence se déchaîne, rien ne doit être reproché aux révoltés mais "uniquement à ceux qui avaient créé ces conditions et en tiraient profit. [...] Et trois fois malheur à ceux qui se dérobent et ne luttent point pour rendre coup pour coup".

Le message est clair, la révolution doit être un sacrifice consenti par chacun sans qu'il puisse en attendre un profit personnel, et dont l'unique objectif vise à abattre toute forme de despotisme, source de la souffrance des hommes. Mais le Profesor demeure lucide sur la nature humaine, il sait que les oppressés d'hier peuvent, à tout moment, devenir les oppresseurs de demain : "Une révolution qui explique et qui a besoin d'être motivée n'est plus une révolution. Elle n'est qu'une lutte pour la propriété et les emplois. La vraie révolution, celle qui est capable de changer les systèmes, elle est au fond du cœur des vrais révolutionnaires. Le vrai révolutionnaire […] démolit le système social au milieu duquel il souffre et voit souffrir les autres hommes. Il se sacrifie et il meurt pour le détruire et pour réaliser d'autres idées."