Le jour du roi
de Abdellah Taïa

critiqué par CC.RIDER, le 25 avril 2011
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Un minimalisme assumé et maîtrisé
A Salé, au Maroc, le jeune Omar, 14 ans, fait un cauchemar récurrent. Il s'imagine être présenté au Roi Hassan II, Commandeur des Croyants adulé par son peuple, être incapable de répondre à ses questions et se comporter de façon ridicule devant lui. Sa mère, ancienne prostituée, vient d'abandonner son père qui est prêt à tout, même à user de magie, pour la récupérer. Omar n'a qu'un seul ami, Khalid, garçon d'un milieu plus aisé avec qui il partage tout, même son lit et ses premiers ébats amoureux. Malheureusement, des deux amis, c'est le riche qui doit être choisi pour être présenté et pour baiser la main du souverain. Omar a l'impression d'avoir été trahi. De sa jalousie et de sa frustration, ne pourra découler qu'un drame passionnel.
Un livre intimiste sur l'amitié, l'amour, la haine et la dévotion de tout un peuple pour son monarque. L'intrigue est intéressante, bien menée, avec style et rythme. L'écriture est d'un minimalisme parfaitement assumé et maîtrisé. Taïa, tout comme Mingharelli, Garnier et autres Fournier, sait en dire beaucoup avec peu de mots, ce qui représente un véritable plaisir pour le lecteur. Les personnages sont à la fois puissants, émouvants et attachants, tout particulièrement celui de la servante noire Hadda dont le rôle un peu étrange au début se voit explicité à la fin du livre. « Le jour du Roi » s'est vu décerner le Prix de Flore 2010, ce qui, somme toute, semble parfaitement mérité.
Le privilège de baiser la main du roi 8 étoiles

Omar et Khalid, sont deux adolescents, amis, amoureux. Le premier est pauvre, le second vient d'une famille plus riche. Khalid a été choisi pour avoir la possibilité de voir le roi Hassan II de près au grand dam d'Omar qui meurt de jalousie car il aurait voulu baiser la main de son roi. Le roman s'ouvre sur le rêve d'Omar qui se voit embrasser la main du souverain, racontée de façon sensuelle. Abdellah Taïa se focalise sur cet épisode et toutes les péripéties viennent graviter autour de cet instant. Il y a aussi Hadda, cette servante noire, maîtresse du père de Khalid qui incarne d'autres valeurs.

Abdellah Taïa ne s'est jamais caché d'être homosexuel, donc il est vrai que souvent certains de ses personnages sont gays, pas tous bien évidemment. Sa façon d'aborder le sujet est littéraire. Il ne tombe pas dans les clichés et l'évoque à sa façon en suggérant davantage qu'il ne montre dans ce roman. Cela n'est pas forcément le cas dans tous ses romans. Aborder le sujet est courageux, surtout si l'on considère ses origines et sa confession religieuse, sans pour autant faire preuve de prosélytisme. On ne reprocherait pas à un écrivain hétérosexuel de décrire un couple hétéro. Ici, ce sont deux adolescents. Tout est donc évoqué avec une certaine naïveté et spontanéité. Les deux adolescents ne se posent aucune question sur le sujet, non pas qu'ils se soient affranchis de la morale, mais ils n'ont tout simplement pas conscience que l'on pourrait leur jeter la pierre. En même temps, cette relation interroge car le fait que Khalid ait été choisi à la place d'Omar va susciter de l'envie, voire des réactions très fortes et disproportionnées. Je n'en dis pas plus ...

Il est vrai que le roman semble se découper en 3 parties. Cela peut donner un côté décousu et pourtant des liens se créent entre eux Le roman nous fait voyager dans une région du Maroc avec Rabat et Salé, il nous dépeint la façon dont les habitants voient le roi dont il faut parler le moins possible. Cela en dit long sur l'emprise du pouvoir sur les hommes. L'auteur dit que son personnage a appris à aimer Hassan II, comme si un Etat avait la possibilité de stimuler des sentiments, d'exiger que l'on aime quelqu'un. Le roman peut être touchant quant à la relation entre ces deux adolescents. Le roman explore aussi le désir, les attirances et le monde du rêve, les pulsions contradictoires. Je n'avais pas trop apprécié "Infidèles" du même auteur, j'ai préféré nettement celui-ci. Les dialogues ne m'ont pas toujours séduit. Ils sont naturels et semblent vrais, mais parfois un peu trop simples. Ce sont des adolescents, ceci expliquant cela, peut-être ...

Abdellah Taïa est une voix littéraire qu'il faut entendre car elle est singulière, simple et juste.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 7 juin 2024


Maroc, Hassan II, 1987 5 étoiles

Abdellah Taïa est marocain, il a donc une compétence certaine pour aborder la relation particulière, à la fois de peur et de fascination que les Marocains entretiennent avec la royauté. Au moins avec Hassan II de son temps pour ce que j’ai vécu. Probablement maintenant avec son successeur. C’est peu de dire que la personne du Roi est sacrée, tabou plutôt, là-bas. Aborder le sujet sur place est toujours un peu délicat, il faut savoir à qui l’on s’adresse.
En cela, dans son « Jour du Roi », Abdellah Taïa fait bien passer la stupeur que peuvent susciter les actes royaux. En l’occurrence ici, le Roi Hassan II va venir à Salé récompenser des élèves méritants. Omar est un étudiant du Lycée concerné mais Khalid, son meilleur ami, est celui qui a été choisi pour baiser la main royale. Omar est pauvre. Khalid est de famille aisée.
Ce qui me gêne davantage c’est qu’outre mettre en avant sa marocanité, Abdellah Taïa semble vouloir porter comme un étendard son homosexualité. C’est vrai dans « Le jour du Roi », ça l’est encore davantage dans « Une mélancolie arabe » en cours de lecture également. A lire Abdellah Taïa, un non-connaisseur du Maroc pourrait en venir à penser que le Maroc est un repaire de jeunes garçons prêts à toutes les aventures homosexuelles ! Là, pour le coup, Abdellah Taïa n’est pas franchement pertinent.
Ce qui me gêne aussi, c’est la manière dont est mené le récit qui, s’il s’appuie au départ sur des faits cohérents et intelligibles, dérape assez vite dans un gloubi-boulga ésotéro-oniro – psychologique, en cela assez fidèle à la littérature maghrébine en général. J’avoue avoir eu beaucoup de mal à suivre les motivations profondes qui vont pousser, la veille du jour de la visite du Roi, Omar à tuer Khalid. Ca me parait largement inconsistant sur le plan psychologique et peu crédible.
De la même manière, la toute dernière partie qui s’intéresse à Hadda, la servante noire de la famille de Khalid au statut à peine plus évolué que celui d’esclave, tombe aussi un peu comme un cheveu sur la soupe. Ce qui est évoqué repose sur des réalités marocaines, sans aucun doute mais là, on a l’impression qu’Abdellah Taïa a rajouté un chapitre pour gonfler son bouquin ? Curieux.
Au bilan une lecture pas plus agréable que cela (c’est vrai que l’éloge sans retenue de l’homosexualité ne me fait pas plus vibrer que cela) même si évoquant des réalités marocaines.

Tistou - - 68 ans - 7 juin 2015


Le Roi : le thème fédérateur du roman 5 étoiles

Même si par moments certains passages m’ont semblé intéressants , j’ai eu l’impression d’un montage de 3 histoires indépendantes reliées un peu artificiellement par l’image du Roi .

J’ai été aussi agacée par les nombreuses pages de dialogues qui piétinent , dans lesquelles l’auteur semble tirer à la ligne .

Peut-être est-ce aussi parce que l'ouvrage est profondément ancré dans l’imaginaire et la culture des Marocains auxquels je me sens étrangère que je suis restée extérieure au roman .

Alma - - - ans - 27 avril 2011