Valère pour avoir la main de sa Lucile déguise son valet, pourtant dit malhabile, en un faux médecin pour qu’il puisse ordonner au père, Gorgibus, de faire respirer à sa fille malade un bon air de campagne. Le plan est que Valère en fasse sa compagne au moment où le père aura baissé sa garde. Sganarelle peut-il avec de simples hardes tromper tout ce beau monde, lui qui est « lourdaud » ? Quelques pages à peine le diront bientôt !

Plus qu’une pièce c’est un divertissement qui passe un peu de temps fort agréablement. C’est comme un canevas, un brouillon incomplet, un premier coup d’épée, une pièce expurgée de ces petites scènes où n’avance pas d’un micron notre intrigue et qui sont mises là pour leur force comique et la situation, appréciables pour peu que nous nous amusions.
Nous n’en rions pas moins. L’humour est parfois gras mais les plus basses farces font de ces tours-là. Cette pièce visait un public de campagne ; il pouvait évoquer ce que cache le pagne un peu plus aisément ; c’est pour les citadins que Molière apprendra l’art d’être aussi coquin avec raffinement. Certains sketchs reviendront affinés, aboutis, quelque peu moins brouillons dans cette pièce du Médecin malgré lui qui est en quelque sorte sa forme accomplie.

L'ouvrage que j'ai lu regroupe les deux premières pièces écrites par Molière : Le Médecin volant et La Jalousie du Barbouillé. Par rapport aux classiques que l'on connaît tous pour les avoir étudiés au collège ou au lycée, je doute que celles-ci le soient aussi et c'est bien dommage.

Elles sont drôles et se lisent rapidement. C'était Molière au début de sa carrière d'auteur et d'acteur. Pas encore celui qui allait sortir George Dandin, L'Avare, Les Fourberies de Scapin ou Les Femmes savantes en l'espace de quelques années seulement.

Marqué par le théâtre italien et la farce, on y retrouve le comique présent dans Le Médecin malgré lui par exemple. Sa critique des médecins est déjà vivace. Du moins, à l'encontre des faux médecins et des charlatans. Les bourgeois (Gorgibus) en prennent pour leur grade là où les femmes sont déjà fortes.

On retrouve certains personnages que l'on côtoiera plus tard : Sganarelle est déjà de la partie tout comme Valère. Molière reprendra même certaines répliques dans Le Médecin malgré lui. Par exemple, quand le médecin se met à prononcer des phrases sans queue ni tête et dont il ignore lui-même le sens.

Molière fit mouche car ses pièces firent rire le roi Louis XIV là où les tragédies de Corneille l'ennuyait profondément. Même si son comique est gras, il n'a pas perdu de sa force depuis.

Molière, encore homme de théâtre et comédien, plus qu'écrivain, se révèle déjà génial dans cette pièce-canevas sur laquelle on peut broder et s'amuser... Les médecins en prennent pour leur grade, et Molière enfoncera le clou dans "Le médecin malgré lui" et "Le malade imaginaire".
Une pièce, farce certes, trop peu jouée aujourd'hui... Mais quel plaisir de lecture !