Le destin du touriste
de Rui Zink

critiqué par Camarata, le 26 avril 2011
( - 73 ans)


La note:  étoiles
Touriste de guerre
Greg appelé « Guereg » par Amadou chauffeur de taxi attentionné et avisé, est un touriste d’un genre particulier, avide de sensations fortes et peut être plus si affinités.
Il débarque sans armes ni bagages dans un pays du tiers monde, non précisé, dévasté par les guerres et les massacres de factions rivales

« Et il avait raison. Il était de notoriété publique que le pays était en miettes , que ce n’était même plus un pays mais une zone , une zone de mort,un terrain de chasse sauvage et brutale , alors qu’est ce qu’il leur prenait de jouer aux paladins de l’ordre.
C’était la sensation que donnait le poste de contrôle des frontières : un portail pompeux, débordant d’arabesques de fioritures et de retouches qui n’ouvrait sur rien et feignait d’ignorer que le palais dont il constituait l’entrée avait été rayé de la surface de la terre.
A bien y penser, cette frontière était un bon présage Adieu monde extérieur . Bonjour enfer intérieur. »

L’hôtel où réside Greg organise des excursions plus ou moins sécurisées dans la ville livrée à tous les débordements de violence et de cruauté. Après la visite du marché, le premier événement notoire est une pendaison en place publique.

« Deux soldats enfilèrent un sac sur la tête de chacun des deux condamnés . Un troisième plus vieux, l’air d’un sergent, monta sur l’échafaud, brandit un mégaphone sans pile, juste une espèce d’entonnoir tourné à l’envers, et fit un bref discours incompréhensible, énergique, qui dut plaire à la foule, étant donné que celle-ci applaudit. L’ambiance était à la fête : éclats de rire, électricité dans l’air, tension quasi érotique . On aurait dit un concert.
Le sergent fit signe à ses camarades et descendit de l’échafaud.
Des dizaines de bras se levèrent en l’air, comme à l’unisson.
Greg ne comprit pas.
Puis il comprit
Et il fit comme les autres –il filma cet instant .le portable à la main devenu petit livre rouge du président Mao (une image anachronique qui lui vint à l’esprit Dieu seul sait comment et qui avait perdu son sens depuis longtemps) »

D’autres incursions toujours plus dangereuses et distrayantes lui seront proposées qui laissent à penser qu’il trouvera ce qu’il recherche, mais que recherche-t-il ?
Comment on le voit dans l’extrait le ton est féroce, mâtiné d’humour, noir bien entendu. L’auteur décrit de manière incisive, le penchant cynique de nos sociétés modernes pour le voyeurisme de la misère et de la violence, maquillé parfois en curiosité culturelle ou humanitaire. Une sorte de consumérisme de « hard réalité ».

De prises d’otages en attentats, « Guereg » en aura pour son argent et nous, lecteurs, ne sommes pas au bout de nos surprises….
Un roman haletant, terriblement d’actualité.