Police mon amour
de Bénédicte Desforges

critiqué par Keox, le 29 avril 2011
( - 40 ans)


La note:  étoiles
Bénédicte Femme Flic avec des couilles...
Bénédicte Desforges est lieutenant de police en région parisienne. Elle s'est fait connaitre en tant qu'écrivain par Flic, chroniques de la police ordinaire 1 (que je n'ai pas encore lu). Dans ses nouvelles chroniques de la police ordinaire 2 estampillées "Police mon amour" - titre qui dévoile sa passion et son dévouement pour ses hommes en uniformes qui incarnent "les forces de l'ordre" - l'auteur raconte sans concession le quotidien de "vrais" flics en missions toutes aussi insolites les unes que les autres : une filoche qui se finit en planque dans un local à poubelle rempli de stups, une intervention musclée dans un bar lugubre de Paris qui termine en bavure pendant la GAV, des histoires de flics parfois connes et parfois sordides que les Anciens racontent aux plus jeunes (et qui se transmettent de génération en génération dans les couloirs des commicos comme des sortes de mythes), des accidents de la route, des AVP ou AC3 dont les victimes broyés par les tôles métalliques ressembleront à des pizzas, des flics en dépression nerveuse sur le point de craquer qui cherchent un sens à leur vie, des suicides et des TS inexpliqués, des toxicos séropo en manque d'héro, des contrôles de nuit insolites dans la capitale, une prostit contrôlée avec un élu du parlement "lui" habillé en porte jarretelles dans un véhicule diplomatique noir, des rondes dans les rues lugubres de Paris qui ne mènent nulle part, des JV dans un supermarché qui les dévisagent car ils ont embarqué leur pote de 12 ans qui avait volé une boite de thon à la noix, des faits divers funestes et ordinaires en fait etc... Lorsqu'on sait que le taux de suicide est plus élevé dans la police nationale qu'à France télécom, on s'intéresse à la pression et au burnout qui existent dans leurs têtes pendant leur travail. On se rend compte de bien des choses et on relativise sévère. Les artistes ont le CSA derrière leur dos et la police a l'IGS. La représentation négative que l'on a généralement des forces de l'ordre change au fil des pages. On commence à humaniser ces hommes en uniforme. On comprend mieux les conditions dans lesquelles ils travaillent. Ils sont les pantins d'une justice appliquée par le ministère de l'intérieur et exécutent souvent à contre-coeur des ordres absurdes transmis en amont par le haut commandement. D'ailleurs dans une de ses nouvelles elle nous parle de ses dysfonctionnements dans la police avec un de ses commandants "un bleu qui a bu du blanc et qui a vu rouge" qui privilégiait le quantitatif au qualitatif et préférait que la police de proxi lui ramène 10 étrangers en situation irrégulière plutôt qu'un dealer de stups ou un braqueur de vieilles. On se rend compte finalement qu'ils n'ont pas le choix comme beaucoup d'entre nous.

Ce que j'ai aimé, c'est le style dépouillé de l'auteur qui utilise de manière subtile à la fois le jargon de la police et le langage argotique. Le style est direct et nous permet de rentrer plus facilement dans chaque intervention comme si on était dans le feu de l'action avec eux (j'y ai senti l'écriture stroboscopique et le style télégraphique de James Ellroy). Ce sont toujours des petites anecdotes bien choisies, bien dosées et bien crues qui font bien mariner le ciboulot. Tout est très réaliste et très lucide. C'est très facile à lire. On se prend pas la tête dans la lecture. On se prend même d'affection pour ces pauvres képis bleus que le quotidien malmène à travers ces petits contes de flics malgré tous les a priori que nous avons sur eux du style : "nique la police" ou "ici pas de képis pas de chichi si tu dérapes on te chie dessus" ou encore "Police machine matrice d'écervelés mandatés par la justice sur laquelle je pisse.". J'ai trouvé ça intéressant de plonger comme ça dans le quotidien de Bénédicte femme flic. Dans le titre je dis qu'elle a des couilles car elle a réussi à se faire respecter et à gravir les échelons dans une profession somme toute remplie de débiles, de machos et de ripoux. Ce qui m'a intéressé en fait, c'est d'entendre et/ou lire le discours d'un flic qui parle de son métier et de ce qui se passe officieusement dans les commicos ou les services de la PJ à travers son expé sur le terrain. Dans cet angle de vue là, c'est passionnant... On se croirait dans "enquête d'action" sans ce vieux con de Bernard de la Villardière (je rigole je n'ai rien contre BDLV). C'est le genre de came qui me fait cramer 5 eus pour me faire passer le temps, quoi...

Extrait de A86 :

- "TV12, vous êtes toujours dans le secteur nord ?"
- "Affirmatif, TN92."
- "TV12, A86 sortie Nanterre centre, direction Paris, vous allez vous rendre en renfort pour une déviation de circulation. Accident mortel, je répète accident mo-or-tel. Les pompiers sont sur place."
- "C'est bien reçu TN92, on est en route."
Il avait mis le double ton et le gyro. Et il avait accéléré...