Le Chevalier, la femme et le prêtre de Georges Duby
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire
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Pauvres femmes !
Il faut, en ces périodes où l’on parle pas mal des religions et de leur danger, se souvenir de notre histoire et du sens de certains mots dans l’occident au XIIe siècle :
- l’inceste : le fait d’épouser une cousine jusqu’au 7e degré de parenté (ce qui ne laissait en pratique plus beaucoup de choix et qui était de toute façon invérifiable en pratique) ;
- la bigamie : épouser une autre femme quand la première n’est pas morte ;
- l’adultère : le fait de prendre du plaisir charnel avec sa propre épouse comptait aussi comme de l’adultère.
Il y a une mainmise de l’Eglise, aux XIe-XIIe siècles, sur le mariage et la Justice au détriment du pouvoir laïc et c’est à cette époque que la forme actuelle du mariage est plus ou moins définie.
Le sexe est le mal, toujours (ce qui en exclut donc les prêtres). Mais, face à la nécessité de procréer, l’Eglise a bien voulu considérer que le sexe dans le mariage était uniquement un péché véniel. Youpie !
Quatre propositions majeures dans l’Ancien Testament :
1. Dieu a voulu que l’espèce humaine soit bisexuée et il a voulu l’union de ces deux sexes.
2. Mais il a créé ces sexes inégaux. L’homme a la préséance. Lui-même est à l’image de Dieu, la femme n’est qu’un reflet second, « Chair de la chair d’Adam ».
3. Ces deux corps sont voués à se confondre : le mariage conduit à l’unité.
4. Cependant, le mariage n’abolit pas l’inégalité : mineure, la femme est fragile. L’homme fut perdu par elle, chassé du Paradis. Le couple est depuis lors condamné à des copulations imparfaites, à ne plus s’aimer sans honte, et la femme subit un châtiment supplémentaire, la domination de l’homme et les douleurs de l’enfantement.
D’ailleurs, les évêques laissaient aux hommes le soin de dresser les femmes, de les corriger comme étaient dressés et corrigés les enfants, les esclaves ou le bétail. Il s’agissait d’un droit de justice que personne ne mettait en doute.
S’enracina le sentiment, obsédant, que le mal vient du sexe. Les époux sont sans relâche conviés à se contenir, menacés, s’ils sont négligents, d’engendrer des monstres, à tout le moins des enfants malingres.
Il faut rester chaste durant le jour. Mais aussi durant les nuits qui précèdent les dimanches et les jours de fêtes, les mercredis et les vendredis, en raison de la pénitence, et puis tout au long des trois carêmes, trois périodes de 40 jours avant Pâques, avant la Sainte-Croix de septembre, avant Noël. Le mari ne doit pas non plus s’approcher de sa femme pendant les menstruations, ni trois mois avant qu’elle n’accouche, ni quarante jours après. Il faut rester pur durant les trois nuits qui suivent les noces. Enfin, le couple idéal est celui qui, par décision commune, s’astreint à la chasteté totale. Je mets quelques détails en forum.
Le mariage est ordre et par conséquent contrainte. La fonction bénéfique de l’amour courtois et de la prostitution est justement de tirer l’excès de chaleur, de ferveur, hors de la cellule conjugale. On ne traite pas son épouse comme on traite son amie. D’autant que ce champ de liberté, de quête aventureuse, s’ouvre aux hommes seulement : « Cela est toléré chez les hommes puisque cela est dans leurs habitudes et puisque c’est un privilège de leur sexe d’accomplir tout ce qui, en ce monde, est déshonnête par nature ».
C’est dans cette période, extrêmement défavorable aux femmes que naissent toutes sortes d’hérésies dont l’une – précurseur lointain du féminisme – donnera naissance aux béguinages qui sont au départ des communautés de femmes libres, « dans le siècle » et parfaitement rétives à l’entremise du clergé pour s’adresser à Dieu. Inutile de dire qu’elles furent sérieusement combattues (parfois brûlées) et « priées » de rentrer dans le giron de l’Eglise, ce qu’elles durent faire en final. Autre particularité intéressante de ces béguines : elles écrivaient (scandale ! Le laïc n’écrivait pas, et la femme encore moins) en langue vernaculaire, ce qui était un scandale supplémentaire étant donné qu’elles pouvaient ainsi toucher le tout-venant.
En plus d’avoir été en quelque sorte les premières féministes, elles annonçaient, avec une belle avance, certaines des particularités du protestantisme.
Comme toujours chez Duby, ce livre est absolument fascinant, superbement écrit et on aura du mal à ne pas se poser des questions sur notre propre époque.
Les éditions
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Le Chevalier, la femme et le prêtre
de Duby, Georges
Fayard / Pluriel
ISBN : 9782012790711 ; 2,98 € ; 13/10/2002 ; 311 p. ; Broché
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De l'inégalité des sexes et de l'interdit du plaisir
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 17 juin 2016
Le mariage est donc un sacrement religieux, que les clercs doivent contrôler. L'adultère est censé être une faute pour les deux, mais celui de la femme est réprimé plus durement, et la parole de l'homme est présumée supérieure, car la femme est plus propice au mensonge.
Georges Duby, médiéviste réputé et éminent, ne peut quasiment se fonder sur des écrits de religieux. Il s'attarde sur les relations matrimoniales nobiliaires, et surtout royale, et nous éclaire ainsi sur les jeux d'alliance, la considération de l'inceste, de la nullité du mariage et du divorce. Ce monde, ouvertement discriminatoire, s'avère déconcertant, par des valeurs, certes d'un autre temps, mais qui paraissent tout de même un tantinet sectaires.
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