Le château des destins croisés de Italo Calvino
(Il castello dei destini incrociati)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Fascinant jeu de cartes.
Italo Calvino nous montre une fois de plus, si besoin était, l’étendue de son inventivité et de son intelligence, par le biais de ce livre atypique et déroutant.
Le narrateur, égaré dans une forêt inconnue, à une époque inconnue, finit par échouer dans un château inconnu où d’autres convives, encore des inconnus, ayant néanmoins apparemment connu le même sort (qui restera inconnu lui aussi, que de mystères) sont attablés, silencieux.
Et pour cause, ils ont tous perdu l’usage de la parole.
Et ne disposent que d’un jeu de tarot ancien, peint par Bonifacio Bembo pour les ducs de Milan vers le milieu du XVème siècle, pour communiquer.
Et ce n’est pas une partie de carte qui débute, à la fin du repas, mais un récit :
« L’un des convives amena vers lui les cartes éparses, débarrassant ainsi une bonne partie de la table ; mais il ne les rassembla pas en un seul paquet ni ne les battit ; il prit une carte, et la posa devant lui. Nous notâmes tous la ressemblance de son visage avec celui de la figure peinte : il nous parut qu’avec cette carte il voulait dire « je » et qu’il s’apprêtait à nous raconter son histoire. »
A tour de rôle, chaque convive va relater et raconter, et c’est le narrateur qui nous aide à décrypter cet entrelacs de cartes, en se faisant le porte parole écrit de ce langage des emblèmes.
Car, et c’est là que tout l’époustouflant talent de l’auteur surgit, chaque carte posée n’est jamais reprise. C’est la combinaison des cartes qui fait sens et le modifie, au fur et à mesure que de nouvelles cartes viennent s’apposer à côté des premières.
« En fait, la tâche de déchiffrer les histoires une à une m’a fait jusqu’à présent négliger la partie la plus saillante de notre mode de narration, à savoir que chaque récit court à la rencontre d’un autre. »
Ainsi les destins sont « croisés », puisque les cartes peuvent être lues dans n’importe quel sens; toutes les mêmes cartes racontent toutes des histoires différentes, avec des personnages au positionnement immuable mais qui ne sont pourtant jamais les mêmes, selon l’ordre dans lequel ils sont placés les uns par rapport aux autres.
Autre fait remarquable, l’auteur réussit, de manière crédible, à balayer une grande partie de l’histoire de la littérature, du mythe d’Œdipe en passant par Shakespeare.
Dans la seconde partie « La taverne des destins croisés », les convives réitèrent leurs aventures narratives, mais à l’aide d’un nouveau jeu de tarot, le tarot de Marseille ancien.
Ce livre offre une magnifique occasion de s’interroger sur le sens de l’interprétation et de l’interaction entre les signes.
C’est passionnant. C’est fascinant.
La note explicative de l’auteur (auteur qui a d’ailleurs contribué à la traduction française, fait non négligeable) en fin d’ouvrage l’est tout autant,fascinante et passionnante, tout autant qu’elle est indispensable.
On y comprend pourquoi deux des cartes, « Le Diable » et « La Maison-Dieu », ne sont pas illustrées, pourquoi la seconde partie est moins réussie que la première, comment Calvino s’y est pris, d’où lui est venue cette idée, comment (et au combien de fois !) elle a failli avorter, combien il a cru devenir fou en écrivant ce livre, et combien cette folie est porteuse de talent.
C’est passionnant et fascinant…mais c’est épuisant, aussi. Fastidieux à lire.
Le décryptage, l’étude des dessins, des symboles, la recomposition incessante des récits, le va-et-vient entre les dessins et le texte, complexe, hachent une lecture dont il faut savoir dès le début qu’elle sera instructive mais aucunement reposante.
On ne se laisse pas porter par les mots, on les scrute à la loupe.
C’est long et difficile, mais après, en même temps, et là est notre récompense, on voit le monde d’un autre œil.
Les éditions
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Le château des destins croisés [Texte imprimé], récits Italo Calvino trad. de l'italien par Jean Thibaudeau et l'auteur
de Calvino, Italo Thibaudeau, Jean (Traducteur)
Seuil / Points (Paris).
ISBN : 9782020334259 ; 7,20 € ; 18/02/1998 ; 140 p. p. ; Poche
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Une oeuvre magistrale
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans) - 16 septembre 2012
Des personnages se retrouvent réunis dans un château après avoir traversé une forêt dans laquelle ils ont perdu l'usage de la parole. Heureusement que ce château détient des cartes d'un vieux tarot avec lesquelles les personnages vont raconter leur propre histoire. A chaque page du recueil de nouvelles, figurent une colonne où sont signifiées les cartes tirées et un espace plus important pour le récit engendré. Toutes ces histoires sont influencées par de célèbres légendes ou bien par la grande littérature elle-même. Dans la seconde partie du recueil, le fonctionnement est le même sauf que tout se déroule dans une taverne.
Il est plaisant de voir comment les dessins sur les cartes engendrent le texte. Les destinées s'entremêlent, tout comme les cartes. On n'est pas loin du "Décaméron" de Boccace ou de "L'Heptaméron" de Marguerite de Navarre.
Une oeuvre réjouissante qui souligne le pouvoir de l'imagination et la force de la littérature. Calvino est un magicien. Il modernise la littérature, joue avec notre culture européenne et se révèle un parfait conteur.
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