Stalker : pique-nique au bord du chemin
de Arcadi Strougatski, Boris Strougatski

critiqué par Tortulut, le 17 mai 2011
( - 44 ans)


La note:  étoiles
Stalker, ça creuse la tête (comprenne qui lira)
Stalker c'est la projection de l'homme dans la "Zone", un lieu qui n'a pas grand chose d'humain, mais qui est comme le vecteur par lequel la quête de soi va s'entreprendre.
La zone est une sorte de révélatrice, de machine à penser.

C'est ce que j'ai retenu du livre, mais il fait partie de ces romans au propos assez implicite, avec une bonne marge d’interprétation.
La narration est morcelée, volontairement incomplète et ce relatif flou dans lequel on baigne amène plus de questions que de réponses, mais le tout se lit vraiment facilement, et agréablement.

D'autant que le ton est un brin décalé, on n'est pas dans la description complètement froide et premier degré d'un monde noir.
L'écriture a du caractère, surtout lorsqu'elle est la voix de Redrick Shouhart, le personnage fil rouge, que j'ai trouvé particulièrement vivant, interagissant et analysant le monde avec un regard brute et poétique à la fois.

Ce livre est souvent rapproché d'autres fictions ou évènements réels liés à l'idée de Zone, de lieu délimité, mystérieux, que les hommes ont déserté pour la plupart, et que d'autres tentent d'explorer, de s'approprier.
Vient d'abord à l'esprit la Zone interdite de Tchernobyl. Le livre a été écrit bien avant, mais il y a certaines analogies. Troublantes parfois, surtout quand on a pu voir certains reportages sur la catastrophe de 86, concernant la vie des gens, leur intimité, leurs espoirs.
Ensuite, le film de Tarkovski, que je n'ai pas encore vu. Mais il est apparemment fortement inspiré du livre.
Puis le jeu vidéo Stalker, qui s'inspire de Tchernobyl pour son contexte, et énormément du livre pour son mystère, sa nomenclature, et une foule de détails.

Mais le livre est bien plus proche de la quête personnelle que du roman d'aventure et d'exploration. Il est d'ailleurs très court, 200 pages, il n'y a pas de place pour les digressions. Et il y a même finalement peu de descriptions. La Zone elle-même n'est qu'entre-aperçue, elle est juste au service d'une idée, plutôt qu'une fin narrative en soi.

Voilà, donc un bouquin assez singulier, avec un contexte de départ bien barré, un propos pas si fumeux que ça, et plutôt touchant d'ailleurs.
Il est parfois considéré comme un chef d'oeuvre, je n'irai pas jusque là, je trouve juste que c'est un roman qui vaut le détour, à l'univers original, et qui au moins a le mérite de faire réfléchir.

Je précise que j'ai lu la traduction française originale, pas la réédition récente.
La Zone 9 étoiles

J'ai d'abord vu le film de Tarkovski, un chef d'oeuvre (même s'il faut s'accrocher, c'est long - 2h35 - , lent, et je ne pense pas que le film ait été doublé en VF : le DVD ne propose que la VOST, et c'est un film russe...), avant de lire le roman des Strougatski Brothers. En fait, j'ignorais, en regardant le film, que c'était une adaptation de roman (contrairement à "Solaris", aussi de Tarkovski : là, je le savais, compte tenu que j'avais déjà lu le roman au moment de voir le film pour la première fois) !
Le roman est vraiment bon (je l'ai lu récemment, dans sa nouvelle traduction), même si sa structure en quatre longs chapitres de 70 pages chacun (sauf le dernier, qui n'en fait "que" 50, et il faut aussi citer le prologue, de 10 pages), sans aucun autre découpage, peut le rendre chi.nt à lire parfois (si au moins on avait des séparations en sous-chapitres, ça irait mieux) !
Mais sinon, ce roman, qui ne se passe absolument pas en URSS/Russie mais aux USA (enfin, il me semble) et avec des personnages non-soviétiques (je dis ça, compte tenu de la nationalité des auteurs), est vraiment réussi. Ceci dit, je préfère le film, dont le scénario adapté le fut, justement, par les frères Strougatski.
Enfin, un fan de SF se doit de lire "Stalker", cependant.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 16 mars 2014


Merveilleuse littérature 9 étoiles

Ce livre est extrêmement important, même si l'on connaît davantage le film que Tarkovski en a tiré.
L'ambition du sujet est exceptionnelle : essayer de comprendre où, comment et pourquoi l'homme cherche, convoite, fuit et/ou veut détruire ce qu'il a de plus précieux, la source de son propre bonheur, ce que l'homme discerne de ce lieu -peut-être celui de l'accomplissement de tous ses désirs.
La philosophie se mêle magnifiquement à la littérature, tout comme dans le roman de Lem (et le film "Solaris", également de Tarkovski). L'homme est appréhendé par ce qu'il a de plus haut, et en même temps, par les chaînes qui l'arriment à la terre, et à son destin terrible parce que déchiré entre aspirations spirituelles et matérialité.
Un chef d'oeuvre comme on en lit peu.

XueSheng - - 38 ans - 28 novembre 2012


Stalker sûrement l’une des influences de Volodine 7 étoiles

Grand classique de la sf Russe qui donna son nom à ceux qui donnèrent leur vie pour calfeutrer le réacteur éventré de Tchernobyl.

Nous sommes dans un futur sombre. Les extraterrestres ont « visité » la terre et après quelques années sont repartis laissant derrière eux des zones contaminées. Cependant les objets extraterrestres que l’on peut trouver dans cette zone attirent la convoitise malgré le danger et l’interdiction de pénétrer. Les Stalker est le nom que l’on donne à ceux qui en ont fait leur spécialité.
Red est l’un d’entre eux. Un temps entré dans la légalité en pénétrant dans la « zone » pour le compte de scientifiques, il doit reprendre la clandestinité.

Surprenant roman qui pourrait être américain par son écriture et son sujet. On y retrouve l’ambiance qu’affectionne Volodine quand le Stalker pénètre dans la zone de tous les dangers.

Yeaker - Blace (69) - 51 ans - 27 novembre 2012


Une oeuvre grave et profonde - un chef d'oeuvre de la SF 9 étoiles

Stalker est un roman que j'ai lu étant adolescent et qui m'a profondément marqué. L'impression de désolation, tempéré par l'humour décalé et légèrement désabusé typique des frères Strougatski, et le sentiment de solitude des hommes qui gravitent autour de la Zone sont très poignants, comme d'ailleurs dans la plupart de leurs livres (je pense notamment aux Mutants du brouillard [titre français abominable pour un livre d'une très grande subtilité], écrit peu avant Stalker et qui en annonce le thème). Le rapport à l'Autre y est très particulier, avec une profondeur existentielle rarement vue dans la SF (je ne connais que Stanislas Lem et Philip K Dick, voire Robert Silverberg dans certains de ses romans, qui puissent leur être comparés) et des réflexions profondes sur la place de l'homme dans l'Univers. Le sous-titre "Pique-nique sur le bord du chemin" explicite parfaitement l'argument narratif du roman : des êtres extra-terrestres ont fait une halte sur Terre sans se soucier des hommes qui, comme des fourmis, viennent fouiller après leur départ dans les traces de leur passage et découvrent des choses dont la signification profonde leur échappe mais qui peuvent changer leur destin...
Nota : d'après le forum du Cafard Cosmique, Denoel devrait ré-éditer, avec une nouvelle traduction, plusieurs livres des frères Strougastski, dont les versions initiales avaient subi la censure en URSS en raison de leur contenu implicite et de leurs sous-entendus politiques.

Eric Eliès - - 50 ans - 15 janvier 2012