Les nouvelles censures : Dans les coulisses de la manipulation de l'information
de Paul Moreira

critiqué par Dirlandaise, le 18 mai 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Liberté, égalité, déchiqueté !
Paul Moreira est journaliste d’investigation dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Dans ce livre, il nous explique comment l’information présentée au public fait l’objet de manipulations diverses. On nous cache la vérité ou bien on la déguise. On détourne l’attention des gens, on crée des vérités qui n’en sont pas et on passe sous silence nombre de massacres et de bavures qui mettraient en péril des chefs d’État ou réduiraient leur pouvoir.

Bon, rien de nouveau sous le soleil me direz-vous. C’est ce que je pensais au début mais je dois avouer que le livre est passionnant. Il se lit comme un roman d’espionnage et d’aventures. Monsieur Moreira appuie ses révélations au moyen d’exemples concrets et nous entraîne à sa suite dans divers pays à commencer par l’Irak. Il raconte l’enquête qu’il a effectuée sur place en 2004 lors du conflit et son passage du côté irakien au grand dam des Américains qui étaient chargés de l’héberger dans la zone verte. Ensuite, on se rend à Abidjan en Côte-d’Ivoire où l’armée du président Gbagbo affronte les rebelles musulmans. Ce sera ensuite le Nicaragua et le financement des Contras par le gouvernement de Reagan, le cas de Nicolas Sarkozy qui ne recule devant aucun mensonge pour mousser son image. Des cas pathétiques sont narrés dont entre autres cet ouvrier français mort d’avoir trop travaillé, soumis à des horaires inhumains, les malversations des compagnies pharmaceutiques qui n’hésitent pas à traîner en justice les pays qui fabriquent un remède pour le sida qui se vend à un coût sept fois moindre et du coup, permet de sauver des milliers de gens qui autrement seraient morts faute d’argent pour acheter les médicaments brevetés. Beaucoup d’autres sujets font l’objet de ce livre : les conditions terribles de travail des ouvrières travaillant dans les manufactures thaïlandaises sous-traitantes de grandes compagnies américaines, les massacres au Timor-Oriental, le danger du scoop aux USA et le suicide du journaliste Gary Webb etc.

Bien que tout le monde soit déjà au courant des mensonges éhontés que nous servent les médias et les chargés de relations publiques des différents gouvernements et ministères, il reste que le récit de monsieur Moreira est prenant. Son ton empreint de sincérité et sa façon de raconter rendent le livre semblable à un véritable roman d’espionnage. Tous les chapitres sont intéressants mais j’ai particulièrement aimé celui sur les manufactures thaïlandaises et celui sur le cas Sarkozy. Doit-on croire sans réserve tout ce qui est révélé dans cet ouvrage ? J’ai tendance à faire confiance à monsieur Moreira. Il me semble honnête et sincère dans sa démarche. En tout cas, j’ai lu son livre avec avidité et grand intérêt. La réalité est souvent plus captivante que la fiction et ce livre en est la preuve évidente.

« Sans faire de bruit, la flexibilité et la précarité sont en train de redéfinir le visage des entreprises. Elles génèrent un stress et une violence inconnus jusqu’alors. Cette mutation de fond dans le monde du travail, sans doute la plus importante de ce début de siècle, est passée sous silence. »

« Le sida a tué des millions de personnes qui auraient pu être sauvées par la trithérapie. Dans les pays du Sud, des laboratoires locaux pouvaient produire des copies de molécules à bon marché, les génériques, et sauver des populations entières. Pendant des années, les trusts du médicament occidentaux ont mené une guerre occulte pour l’empêcher. À cause de ce retard, des milliers de personnes sont mortes. Pourquoi a-t-on mis si longtemps à en parler ? »

« Les entreprises occidentales du textile qui font fabriquer dans le tiers-monde s’engagent toutes sur des chartes éthiques. Pas de travail des enfants. Pas de travail esclave. Salaires décents. Ensuite, tout est fait pour qu’il ne vienne jamais à personne l’idée saugrenue de vérifier. »