Piero
de Edmond Baudoin

critiqué par Shelton, le 6 juin 2011
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Un beau livre, un récit de qualité pour un grand de la bédé contemporaine...
Certains se demandaient depuis longtemps pourquoi je ne prenais pas le temps de parler de Baudoin, un grand de la bande dessinée contemporaine… c’est vrai qu’il est grand ce bonhomme, que c’est un auteur de qualité et qu’il est bien trop souvent oublié… Alors, donnons-lui un espace de survie et ouvrons ensemble ce Piero qui est un livre que j’ai adoré, lu et relu et qui date déjà de 1998, dans une collection du Seuil où il côtoie – excusez du peu – Bruno Heitz, Virginie Broquet, Lewis Trondheim, Nicolas de Crécy… La collection n’existe plus, le livre est quasiment introuvable et, pourtant, je’ voudrais vous en parler car c’est un bon livre, d’un excellent auteur !

Edmond Baudoin nous raconte, de façon rapide et imagée, sa jeunesse, du moins la sienne et celle de son frère, mais surtout la naissance de leur talent, la genèse de leurs vies professionnelles. Oui, Edmond et Piero sont tous les deux dessinateurs, depuis leur plus tendre age. Ils ne sont pas jumeaux, Piero est le plus petit, celui qui est aussi le plus faible en terme de santé physique. Ce don de dessinateur, ils ne le comprennent pas car pour économiser et faciliter la vie quotidienne la mère n’a pas mis ses enfants à la maternelle. L’école ce sera quand les deux pourront y aller ensemble, quand la maladie de Piero sera terminée…

Du coup ils dessinent pour eux, pour leur plaisir, pour se créer un univers, pour jouer. Les dessins de leurs combats moyenâgeux sont tout simplement extraordinaires, inracontables mais à voir de toute urgence ! Dès leur arrivée à l’école, ils dessinent contre trois billes, cinq pièces, une bise… bref, ils découvrent que ce talent peut être unique, étonnant, que cela peut les conduire loin…

C’est Piero qui ira faire des études aux beaux-Arts car la famille ne peut pas payer les études à tous les deux. Edmond sera comptable, au moins un métier qui fait vivre, Piero sera artiste ! Pourtant, c’est Edmond qui est devenu auteur de bandes dessinées… raconter des histoires en dessinant ne serait pas de l’art ?

Vous comprendrez les raisons de tout cela en lisant Piero, mais vous mesurerez, aussi, la qualité graphique de cet auteur. Piero, récit autobiographique rêvé et fantasmé, est entièrement en noir et blanc, avec une qualité de la narration graphique étonnante et touchante. Quant au récit lui-même, entre réalité et fiction, il est tout simplement bouleversant. J’ai adoré et il reste pour moi un des meilleurs exemples de cette nouvelle bande dessinée, celle qui se passe des gros nez et de l’humour facile.

Prenez le temps de découvrir cet Edmond Baudoin et vous deviendrez comme beaucoup des lecteurs assidus d’une bande dessinée qui a gagné ses lettres de noblesse, qui est devenue adulte tout simplement !
De la poésie, des souvenirs d'enfance et deux frères fusionnels 10 étoiles

Piero, c'est le petit frère de Momon, diminutif d'Edmond, Edmond Baudoin, le grand dessinateur. Dans cette oeuvre, on suit la relation qui unit ces deux frères, mais surtout leur relation au dessin. L'imagination des enfants est projetée sur le papier, sur ces dessins qui donnent vie à leur univers enfantin. Le dessin les isole parfois des autres garçons de leur âge, et paradoxalement les rend intéressants par leur talent.

Une grande partie de ce roman graphique m'a rappelé les textes autobiographiques de Marcel Pagnol : le monde de l'enfance, la poésie présente dans le quotidien comme dans ces feuilles mortes, les souvenirs poignants et touchants ... L'oeuvre se différencie tout de même des textes du grand romancier par cette place accordée à l'imagination qui modifie presque notre perception du réel.

Les dessins sont beaux, les planches ne sont pas saturées, le texte est utilisé avec précision, sans aucune surcharge. Ce pourrait être un album photo sur lequel figureraient de petits commentaires sous les photographies. Dans ce roman graphique, le lecteur assiste à la naissance d'un artiste, bien plus intéressé par le dessin que par les chiffres.

Un classique.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 7 octobre 2013