Le portique
de Philippe Delerm

critiqué par Chat pitre, le 16 août 2000
(Linkebeek - 53 ans)


La note:  étoiles
Les mots de la dépression
Avec le talent qu'on lui connaît, Philippe Delerm nous présente un homme pour qui les choses de la vie ne sont plus si simples que ça, un homme pour qui rien ne tourne plus rond.
Il construit un portique dans son jardin et le voilà envahi par toute une série de questions existentielles. Tout au long de l’avancement des travaux, il se trouve confronté à ce changement qui s'empare de lui, et tente de sortir de son marasme. C'est avec une certaine dérision que Philippe Delerm nous plonge au plus profond du mal-être de cet homme, en utilisant comme à son habitude des mots qui, par leur simplicité, ont un retentissement incroyable.
"Pourquoi retrouve-t-on trop tôt les chapelles abandonnées ?" 8 étoiles

"Ça peut venir n’importe quand. On se croit fort, serein dans sa tête et son corps, et puis voilà. Un vertige, un malaise sourd, et tout de suite on sent que ça ne passera pas comme ça. Tout devient difficile. Faire la queue chez le boulanger, attendre au guichet de la Poste, échanger quelques phrases debout sur le trottoir. Des moments creux, sans enjeu apparent, mais qui deviennent des montagnes. On se sent vaciller, on croit mourir et c’est idiot."

La vie de Sébastien Sénécal change complètement du jour au lendemain. Lui qui se croyait plutôt doué pour le bonheur, le voici qui commence à douter. Et le pire dans tout ça, c’est que rien ne peut apparemment expliquer ce changement radical que semble prendre sa vie malgré lui. A quarante-cinq ans, il a deux grands enfants qui commencent leur vie d’adulte, il a une femme qu’il aime et qui l’aime. Tout semble aller bien. Sauf qu’un grain de sable va venir troubler cette jolie mécanique et remettre en cause ce bonheur paisible qui semblait si bien convenir à Sébastien. On ne saura jamais vraiment quel a été le déclencheur de tout cela, et peu importe finalement. Car peut-on jamais savoir ?

Ce sont à tous ces questionnements sur la vie que nous convie Philippe Delerm dans ce petit livre assez mélancolique et plein de charmes. C’est ce cheminement de Sébastien vers cette nouvelle vie que nous suivons au fil des pages, cet itinéraire qui le fera passer d’un côté du portique à l’autre. Et la manière dont il va, petit à petit, apprendre à aimer cette nouvelle vie, pleine de doutes, mais sans doute plus riche et qui sait, plus intense que la précédente. Il aura peut être pris conscience que le bonheur est beau parce qu’inexplicable et éphémère.

Isaline - Tours - 44 ans - 10 octobre 2007


« La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles » ? 8 étoiles

Ah ! cette écriture aux belles phrases équilibrées et complexes pour décrire la tonte d'une pelouse : l'humour est là, dans cet écart entre une sophistication et une banalité. Il est parfois aussi dans le décalage ambigu : « (…) des corolles pourpres et roses, humides de langueur, éperdues de douceur consentante ». Oui, ce sont des pivoines. Il est dans le regard gentiment torve que l'auteur jette sur un milieu que certains d'entre-nous pratiquent assidûment, peut-être avec le même plaisir las : « Il ne détestait pas le milieu prof, dont il faisait partie, ce mélange auquel il tenait de relative simplicité sociale et de non moins relative élévation intellectuelle ». A déguster comme une première gorgée. de cidre, puisque la scène a lieu en Normandie. « Une oeuvre de choix … », je dirais.

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 13 mai 2003


Petite révision du bonheur 9 étoiles

Un prof de collège est sujet à des petits désagréments de santé (très subtilement décrits) connus sous le nom de spasmophilie, supposée maladie de jeune fille. Il a 45 ans, deux enfants qui viennent à peine de quitter le domicile familial, l’un – le garçon - pour mener une activité artistique, l'autre – la fille - pour entamer de hautes études commerciales. A noter qu'on ne peut s’empêcher de reconnaître dans la volonté du fils Julien de se démarquer du père tout en traçant le même sillon le probable parcours de Vincent Delerm qui vient, à l’occasion de son premier disque, de faire une percée remarquée sur la Nouvelle scène française de la chanson.
Sébastien Sénécal, notre prof fragilisé, mène une vie conjugale harmonieuse, et sa femme pratique en violon d'Ingres la viole de gambe. Il possède donc en apparence peu de raisons de déprimer.
Mais il est assez perspicace pour se remettre en question à temps et, à la veille de recevoir une inspection scolaire, il entreprend, on pourrait dire sur le modèle des centres d’inspection automobile, une petite révision de son image du bonheur qui réclamait des retouches.
On comprend qu’il est de ces gens, certainement plus nombreux qu’on pourrait le penser, qui vivent sur un modèle de bonheur. Qui ne peuvent évoluer, se mouvoir, être actifs que dans le cadre strict d’une schéma infaillible, d’un cocon mental stable. Dans un premier temps, il entreprend de fabriquer une pergola au beau milieu de son jardin qu’il préfère, lui, appeler portique. Puis, en raison de la référence par trop explicite aux philosophes grecs, il relit les principes du stoïcisme et de l'épicurisme sans se retrouver dans de ce qui lui apparaît comme une doctrine, n’étant pas de ces êtres qui alignent leurs résolutions, leur mode d'existence sur un ordre de pensée, fût-il philosophique ou religieux (c’est en cela qu'on voit que Sénécal est par-dessus tout un « littéraire »).


Plus tard, il entreprend d'aménager une des granges qui reposent depuis des années au-delà du portique, et qui servaient jusque là d'entrepôt à tout un bric-à-brac d’objets hétéroclites, en une sorte de petit théâtre à l'italienne où se produiront son fils et ses amis de même que le petit orchestre de musique baroque de son épouse. Sans qu’il soit clairement exprimé de la sorte, on perçoit que Sénécal, à la faveur de sa petite inspection personnelle (plus importante que toutes les autres), a sensiblement allongé la perspective de son existence, étendu son domaine privé pour se ménager un nouvel espace de mobilité. Un nouveau lieu d'où embrasser sereinement l’avenir.
Et comme il est dit intelligemment à la toute fin du présent livre, le portique n’était rien. Seulement un titre pour accrocher le regard.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 4 avril 2003


Le bonheur est dans le pré 8 étoiles

Quelle magnifique surprise que ce livre! Je suis bien heureux de terminer mon année par une pareille lecture!
Sébastien Sénécal est professeur de lettres dans un petit collège de province, la quarantaine bien entamée, marié, deux enfants qui mènent déjà leur propre vie. Bref, une vie rêvée qui suit son train train habituel. Quand soudain , un matin, un malaise le surprend et ce malaise se nomme la dépression. Que faire? C'est finalement simple, retrouver le plaisir de goûter à des choses simples,à toutes ces petites touches infimes qui constituent le bonheur. En faisant du jardinage par exemple, en envoyant balader un inspecteur académique bougon, en construisant un portique. Ce portique, qui est le symbole d'un passage entre deux ages, d'un côté la vie que l'on aura plus et de l'autre celle qui continue avec l'écoulement du temps inexorablement. Bref "la midlife crisis", la crise existentielle de quarante ans.
Ce roman , c'est un peu comme les vingt premières minutes du "Fabuleux destin d'Amélie Poulain" , le fameux "j'aime, j'aime pas" ou tous les petits gestes mêmes les plus futiles sont des moments de bonheur.Les matchs de foot père-fils dans le jardin, le jardinage, les promenades champêtres, les excursions parisiennes,...en sont le parfait exemple dans ce livre. Roman qui aide aussi à comprendre les parents, leurs questions, leurs doutes. Et tout cela avec une écriture simple, sans fioritures ni excès!
Réjouissant tout simplement!

Nothingman - Marche-en- Famenne - 44 ans - 24 décembre 2002


Un petit coup de blues.. pour le lecteur aussi 5 étoiles

L'aspect mis en évidence par les autres critiqueurs m'avait échappé, du coup je n'ai pas retiré grand chose de ce livre.
Un professeur, la quarantaine, pour qui les choses semblent bien aller, traîne son vague à l'âme (on peut appeler ça une dépression) au fil des pages. Le remède pour soigner ce coup de blues: il va construire un portique au fond de son jardin. On lisant ce livre on a envie de demander à l'auteur: "Que sais-tu de la dépression ?", tellement l'image qu'il en donne me semble hors-propos.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 11 juillet 2002


Ah, Delerm ! 8 étoiles

Ses qualités d'écritures et sa capacité de nous rendre de petites ambiances de rien du tout sont phénoménales. Lire un Delerm c'est partir sur une autre planète. Celle de la poésie qui se niche dans chaque instant de notre vie. Le tout est de la voir, de la renifler, de la saisir...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 10 juillet 2002


un bon moment 9 étoiles

J'ai ouvert ce livre par pur hasard et ça a changé ma journée.
L'histoire est toute simple, mais tellement bien trouvée! Le livre est drôle, souvent, et l'écriture est sans artifice et prétentions.
On se retrouve facilement dans l'histoire de cet homme, qui est aussi l'histoire d'une famille. Le père prof qui se retrouve en vacances au mois de mars et qui tourne en rond dans le jardin les premiers jours : quoi de plus vrai? Les enfants qui partent du foyer et qui laissent les chambres vides, la visite de l'inspecteur... En même temps ça m'a rendu nostalgique... Il y a une vraie ambiance dans ce livre, faite de scènes de vie presque banale, et avec un livre comme ça on a l'impression que cette vie normale est merveilleuse, c'est tout.

Nevermore - Rennes - 42 ans - 9 juillet 2002