Luz ou le Temps sauvage
de Elsa Osorio

critiqué par Isaluna, le 26 mai 2002
(Bruxelles - 68 ans)


La note:  étoiles
Luz ou le devoir de mémoire...
Le temps sauvage, c'est ce temps encore si proche où, en Argentine, les militaires dictaient leur loi, et enfermaient, torturaient, exécutaient ceux qui dans l'enthousiasme luttaient pour une vie digne pour tous. Après la naissance de son premier enfant, Luz, 20 ans, s'interroge sur ses origines.
Une enquête longue, pénible, angoissante, rythmée de découvertes horribles sur le martyre de milliers d'êtres humains, broyés par une barbarie sciemment exercée. Il y a le courage de certains, la lâcheté d'autres, la méconnaissance de beaucoup et l'insoutenable cruauté de ceux qui mènent la danse. Luz retrouvera son passé, au terme d'une quête que partagent des centaines de femmes animées d'un même courage, qui cherchent désespérément leurs petits-enfants, arrachés bébés à leur mère prisonnière, et confiés pour être adoptés aux familles de leurs bourreaux. Chaque enfant retrouvé est comme un peu de baume sur une douleur immense, qui ne peut être oubliée. Devoir de mémoire, le roman de Elsa Osorio l'est sans nul doute.
Une écriture sans effets inutiles, la parole simple et nue des protagonistes suscitent l'émotion et l'implication du lecteur.
Pas à pas, l'enquête de l'héroïne est dévoilée, pas à pas le lecteur avance avec elle vers la connaissance de la vérité. Un livre intense et magnifique.
bebés robados 10 étoiles

Le scandale des bébés volés a fait frémir l’Argentine lorsqu’il a été découvert (ou en tout cas rendu enfin public) après la chute de la sanglante dictature militaire qui a régné de 1976 à 1983. D’autres dictatures, censées lutter contre l’ennemi intérieur au nom de la soi-disant défense de la patrie, ont pratiqué le rapt des bébés des opposants politiques, comme dans l’Espagne franquiste. Sous une autre forme c’est aussi de cette façon qu’on a humilié des minorités nationales comme au Canada voire même en France lorsqu’on a arraché des bébés réunionnais à leurs familles sous prétexte de repeupler des départements déficitaires. Et toujours avec la bénédiction voire la participation active des autorités religieuses. Sur ce thème hautement sensible, Elsa Osorio a bâti un roman fort, très fort même, mêlant habilement émotion et mystère. On sait dès les premières pages que la petite Luz (Lili) a été arrachée à sa mère, une jeune militante en lutte contre la dictature. Ce que l’on ignore cependant, et que l’auteure dévoile au fil des pages, c’est la façon dont, arrivée à l’âge adulte, Luz a pu retrouver la trace de ses origines au bout d’une longue quête de la vérité. Le récit alterne entre présent et passé, au travers des multiples personnages qui ont participé à ce drame, chacun ayant sa vision, toute personnelle, des mêmes événements, vision souvent déformée par les mensonges et dénis qui ont accompagné leur destin. Un très beau roman, osant avec succès le mélodrame, sur un épisode bien réel de l’histoire argentine, avec un message humaniste qui fait chaud au cœur.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 26 juin 2022


Les enfants volés de la dictature 5 étoiles

Entre 1976 et 1983 l'Argentine survit sous la dictature militaire soutenue, à la mode franquiste, par l’Église catholique. La répression s'inspire des techniques de la guerre sale d'Algérie : enlèvements et tortures. Nombreux furent les 'disparus'.
Parmi les jeunes femmes emprisonnées, certaines étaient enceintes : avant de 'disparaître', elles eurent le temps d'accoucher et de donner naissance à un bébé qui leur fut enlevé et qu'une bonne famille catholique s'empressa d'accueillir en effaçant au passage toute trace de son identité d'origine.
Le plan était organisé et on estime que plus de 500 enfants ont reçu ainsi une nouvelle identité.
La génération des parents a 'disparu' et depuis ce sont les Grands-mères de la Place de Mai qui tentent de retrouver leurs petits-enfants et de leur redonner leur véritable filiation.
Avec Luz ou le temps sauvage, c'est l'histoire d'une de ces enfants volés que nous conte Elsa Osorio.
Lili ou Luz (c'est selon) est maintenant devenue une femme et la naissance de son propre fils remet sa vie en question : elle a toujours soupçonné ses 'parents' d'être illégitimes et part à la recherche de son histoire. Autant dire que le sujet est passionnant et éclaire d'un jour particulier l'Histoire récente de l'Argentine.
Malheureusement il faut beaucoup de courage pour venir à bout de ce gros pavé. En dépit de quelques idées de narration bizarrement exploitées (mélange des époques, des familles et des personnages), l'écriture d'Elsa Osorio est pesante et laborieuse et semble s'adresser à des adolescents. Décrivant minutieusement le moindre geste et la moindre pensée de ces personnages, elle en fait des marionnettes caricaturales qui nous deviennent vite totalement étrangères. On a beau être passionné par le contexte historique et l'âpreté de cette histoire (cette Histoire) terrible, on se trouve complètement dérouté par une narration besogneuse, simpliste et parfois presque naïve : quel dommage.
Pour celles et ceux qui aiment l'Histoire.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 3 juin 2014


Touchant mais un peu confus 8 étoiles

Luz est une jeune femme, victime de la dictature argentine. Fille d'une « subversive », promise à une femme puis donnée à une autre, elle est à la recherche de ses parents.
Sa rencontre avec Carlos va être l'occasion de lui raconter sa vie depuis sa naissance et son drôle de destin. Nous le suivrons sur trois périodes distinctes, 1976, 1983 et la dernière où Luz prend son destin en main, 1995-1998.
Vont donc alterner des passages au présent, où elle s'adresse à Carlos (heureusement en italique), ceux où l'on suit le récit des femmes qui l'ont aimée, mais aussi ceux qui relatent la mauvaise conscience, la culpabilité d'Edouardo, son père « adoptif ».
Et c'est bien là que le bât blesse. Cette alternance de narrateurs, ces changements de ton, de pronoms déstabilisent la lecture en nuisant à sa fluidité.
« Il fait semblant de travailler à son bureau pour éviter une nouvelle scène avec Mariana. Depuis quelque temps, ils se disputent à tout propos. Il t'apparaît désormais que derrière chaque dispute, au-delà des mots, il y a tout ce que tu ne peut pas dire à Mariana. Edouardo ne sait plus que faire. »

Le début m'a tellement paru confus avec tous ces personnages aux prénoms parfois si proches, que si ce livre ne m'avait pas été conseillé, je ne serais pas allée jusqu'au bout. Mais je ne regrette pas ma persévérance. Au fil des pages, on s'attache à Luz, à Miriam, à Eduardo et à tant d'autres, même si l'on peut regretter un certain manichéisme dans la construction des personnages.
Au final, une touchante et douloureuse histoire, agréable à lire malgré la confusion de certains passages ou le manque de ponctuation.
Il faut dire que j'avais été profondément marquée par une histoire similaire y a quelques années («La Perrita », d'Isabelle Condou), particulièrement touchée par la quête d'une grand-mère à la recherche de sa petite fille. Une empathie générationnelle sans aucun doute, que je n'ai forcément pas ressentie avec le destin de Luz.

Marvic - Normandie - 66 ans - 26 avril 2013


A la quête de son identité... 10 étoiles

Ce livre retrace la quête d'identité d'une jeune femme argentine. Tout commence en 1976 lors de la naissance de Luz. Le pays est en proie à un régime autoritaire qui veut faire taire tous les opposants au pouvoir. Sa mère faisait partie des "subversifs". Elle est assassinée et la petite Luz est envoyée chez la fille du commanditaire de l'opération afin de combler le manque d'un enfant mort-né. Sa véritable mère a pourtant réussi à faire une alliée de sa geolière et lui a fait promettre de tout révéler à Luz le jour où elle le pourra. Mais le temps passe, la vie en Argentine évolue, Luz grandit... A chaque fois que quelqu'un tente de fouiller dans le passé trouble de Luz, il meurt accidentellement. La peur continue à tenir tous les protagonistes de l'affaire... Finalement, Luz elle-même se doute de ses origines et tente le tout pour le tout pour découvrir qui elle est vraiment.
A travers l'histoire de cette jeune femme, c'est l'histoire de l'Argentine qui est révélée. C'est également l'histoire de six couples que l'on voit évoluer: Mariana et Edouardo les parents "adoptifs" de Luz, Liliana et Carlos les véritables parents, Miriam et Franck ceux qui vont se battre pour apprendre ses origines à Luz, Amalia et Alfonso les parents impitoyables de Mariana qui ont arraché Luz à sa vraie mère, Laura et Javier les oncles et tantes de Luz qui cherchent la vérité et Luz et Ramiro qui se battent pour trouver les origines de Luz. Le livre est divisé en trois parties: la première couvre l'année 1976 lors de la naissance de Luz, la deuxième l'année 1983 lorsque Miriam tente de contacter Luz et enfin la dernière les années 1995 à 1998 l'aboutissement de la quête de Luz. L'histoire évolue comme dans un roman policier, d'indice en indice. On passe d'un protagoniste à l'autre tout en gardant la trame initiale des retrouvailles de Luz et de son vrai père Carlos. L'écriture est très agréable, simple, proche du langage parlé mais sans lourdeur aucune. Une fois embarqué dans l'histoire de Luz on ne peut plus en sortir... Je n'avais qu'une envie en terminant ce livre c'est d'en apprendre plus sur cette période noire de l'histoire de l'Argentine...
Un livre poignant plein d'émotions et de douleur mais merveilleusement optimiste. A lire absolument.

Loutarwen - NANTES - 40 ans - 26 juillet 2007


Sombres années argentines 9 étoiles

Qu'il est dur de découvrir que les parents qu'on a aimés ne sont pas ceux qu'on croit. Quel choc pour Luz. Pour le lecteur aussi. Cette plongée dans les sombres années de l'Argentine (un pays qui a encore bien du mal à affronter son passé), dans cette période de souffrance et de douleur...
J'apprécie le choix effectué par Elsa Osorio de raconter l'Histoire avec un grand H à travers les histoires quotidiennes de Luz et sa quête de vérité. Ce processus rend la révolte encore plus grande, à cause de la proximité qui se crée assez vite entre Luz et le lecteur.
Révolte et colère contre tout ce qui s'est passé et puis une douleur, immense, celle de savoir que l'on vit avec des tortionnaires, que certains d'entre eux évoluent encore impunément autour de vous. Comment se comporter face à telle situation? C'est tout bonnement insupportable.
En mêlant les points de vue des personnages, les différentes époques, les faits avérés et ceux que l'imagination entrevoit, Elsa Osorio réussit à construire, de manière habile, un puzzle humain d'une grande sensibilité et aussi d'une grande érudition. Car si nous savons pour la plupart qui étaient les Grands-Mères de Mai, l'histoire troublée de l'Argentine n'est pas toujours bien connue de tous et il est bon d'en apprendre davantage. Il y a là un véritable travail de mémoire à mener, ces événements sont si proches dans le temps et aujourd'hui encore, on préfère souvent fermer les yeux plutôt que faire face à ses responsabilités.
Le style de l'auteur est plaisant, tout comme la tension bien présente dans tout le récit. C'est prenant à la gorge et empreint d'une dignité admirable. Bravo Madame Osorio!

Sahkti - Genève - 50 ans - 13 avril 2007


Réconciliations 10 étoiles

Elsa Osorio nous livre la quête de la vérité de Luz, jeune argentine, à la recherche de son passé.
Sa vie a débuté dans une prison, une de celle de la dictature miliaire où étaient traités les subversifs, autrement dit chaque personne qui de près ou de loin montre une réserve quant au pouvoir.
Arrachée à sa mère, à son histoire, c'est à la naissance de son enfant que Luz va peu à peu avoir la conviction qu'elle est elle aussi une enfant de disparus.
Elsa Osorio mène son récit avec talent nous replongeant dans les année de plomb ou de "temps sauvages" puis présentant les contradictions et les manques de la transition démocratique. Le ton est tendre, sans complaisance mais aussi souvent drôle... Un récit lumineux.

Cecil - - 45 ans - 6 octobre 2006