Tragédies, tome 2 : Agamemnon - Les Choéphores - Les Euménides
de Eschyle

critiqué par Jules, le 28 mai 2002
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Le rôle de la "Justice" dans la victoire et le destin
Pénétrons dans la demeure des Atrides, alors que Clytemnestre, la femme d'Agamemnon, attend un signal qui lui annoncerait la victoire des Grecs sur les Troyens et la chute de cette ville honnie.
Mais tout d'abord je voudrais camper le contexte dans lequel se place cette histoire. Agamemnon, chef des troupes grecques et roi d'Argos, est le frère de Ménélas, mari d’Hélène. On dit que le malheur et le sang règnent sur cette famille car leur père, Atrée, un soir de beuverie, a servi les restes de ses enfants à manger à son frère Thyeste. Pour ne rien arranger, les Grecs, en route vers Troie, se sont heurtés à des vents contraires. Pour les arrêter, la déesse Artémis a exigé le plus grand des sacrifices au chef de l'armée : celui de sa fille aînée Iphigénie !. Agamemnon a placé son devoir de chef au-dessus de tout et s’est exécuté !… Clytemnestre ne peut donc que lui en vouloir et, ce faisant, il a aussi contribué à alourdir encore le destin sanglant de sa lignée.
Dès le début de la pièce, nous trouvons le ChÏur et le Coryphée qui rappellent que le sort de Troie était fixé par les dieux dès le départ et que l'essentiel est donc que la victoire reste digne et permette aux vainqueurs de profiter de ses bienfaits. Pour cela, il s'agira que les Grecs ne massacrent pas tout ce qui bouge et, surtout, qu'ils ne détruisent pas les temples des dieux érigés en cette ville. Ceux-ci pourraient prendre un tel acte pour une offense. Il rappelle aussi qu’ « une intendante perfide garde la maison, la Colère, qui n’oublie pas et peut venger une enfant. »
Il ajoute: « . et ce n’est qu'à celui qui a souffert que la Justice accorde de comprendre. »
Soudain, voilà Clytemnestre qui annonce au peuple la défaite de Troie et donc le retour prochain d’Agamemnon.
Arrive Agamemnon, accompagné d’une nouvelle et jeune esclave. Elle s’appelle Cassandre et est la plus jeune fille de feu Priam roi de Troie. Clytemnestre fait bonne figure, mais pousse Agamemnon à commettre un geste qui ne peut que lui attirer la colère des dieux : elle le force à marcher sur un tapis de tissus pourpres, honneur réservé aux dieux… Il raconte que Troie a été mise à sac et détruite, que les habitants ont été passés par le fil de l'épée, femmes, enfants et vieillards compris, les temples brûlés. Les Grecs ont donc été trop loin !.
Et puis, qu'est-ce que cette jeune femme que ramène Agamemnon et avec laquelle il couche depuis des mois !… Clytemnestre va se venger et ce avec l’aide de son amant Egisthe, cousin d’Agamemnon. Le sang coulera de nouveau dans la famille des Atrides et il engendrera à son tour de nouveaux meurtres.
Eschyle aurait pu suivre l’idée la plus traditionnelle qui est de dire qu'Agamemnon paie les crimes de son père et que c’est un Génie vengeur qui l'a frappé. Mais il choisit de prendre une tout autre voie. Pour lui, c'est Clytemnestre qui a tué son mari pour venger la mort de sa fille Iphigénie. Dans l'esprit des Grecs de l'époque cela pouvait se comprendre et donc s'admettre. Cependant, il est aussi flagrant que Clytemnestre agit aussi par jalousie vis à vis de la jeune Cassandre et par amour pour son amant Egisthe. De ce moment elle devient une criminelle qui a aussi agit par haine et par jalousie. Elle n’est donc plus le bras armé de la Justice.
Pour Eschyle, le malheur ne naît pas de trop de richesses ou d’un trop grand bonheur. Il fait dire au Chœur : « Depuis longtemps les mortels vont répétant un vieux dicton : le bonheur humain, s'il s’élève assez haut, ne meurt pas stérile : de la prospérité germe un insatiable malheur…. A l’écart des autres, je reste seul et pense : Non, c’est l’acte impie qui en enfante d’autres.car aux foyers de justice, la prospérité n’a que de beaux enfants, toujours. »
Pouvons-nous encore croire en cette dernière phrase ?. Le sort n’est-il pas tout simplement aveugle et sourd ?…