Haikus
de Natsume Sōseki

critiqué par Kinbote, le 3 juin 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Le dernier grand auteur de haikus
135 haïkus d’un des derniers maîtres du genre (1867-1916), l’auteur de « Je suis un chat », parmi les quelque 2500 qu'il a écrits.
A la question « Qu’est-ce qu’un haiku ? », Sôseki apportait la réponse suivante : « En premier lieu, le haïku est un concentré de rhétorique, en second lieu, il est un univers irradiant à partir d’un point focal, comme le rivet d'un éventail qui permet de maintenir ensemble toutes ses branches ». Et de donner en exemple de haïku de qualité : « O vent d’automne De l'arc de bois immaculé La corde qui se tend »
Sôseki donnait ce conseil pour lutter contre la colère : « Ecrivez à propos de cette colère, et aussitôt il vous semble que vous décrivez la colère d’autrui. Personne ne peut être en colère et écrire en même temps un haïku. »
Je vous en ai épinglé quelques-uns : Une maison
Perce dans le silence Le secret de la neige
Morte sur la terre C’est elle dans le ciel La grue resplendissante
Aux feuilles mortes
Que je voulais brûler Déjà la grêle se mêle
Le feu des prunelles Dévore sa silhouette squelettique Chat amoureux
Comme il résonne
Le martèlement du pieu Dans la rivière d’automne
Traversant le ciel nocturne Une oie sauvage S'est posée sur la lune
Lumière éteinte Du ciel limpide une étoile se détache Et entre par la fenêtre
Dans la vapeur du bain
Se dressent
Deux crânes rasés
Et… J'ai jeté cette toute petite chose Que l’on appelle « Moi » Et je suis devenu le monde immense.
Sôseki explique que s’il a trouvé du plaisir à écrire ces haïkus; il n'a jamais pensé qu'ils puissent trouver grâce aux yeux d'un spécialiste. L'humilité est bien une des condition de ce type d’écriture. A propos de sa production poétique il disait aussi : «
L’art commence par l'expression de soi,
finit par l'expression de soi. »
Le livre est illustré de nombreuses reproductions de peintures de l’auteur qui sont dans l'esprit humble et marquées de la sensibilité à fleur de peau de ces petites touches de poésie pure que sont les haikus.
COMMENT LIRE lES HAÏKUS DE SOSEKI? 8 étoiles

Si je pouvais être / l’hirondelle / qui tout entière se donne à ses pensées

Si Natsume SÔSEKI le romancier (La porte, Je suis un chat, Choses dont je me souviens…) est connu dans nos pays de longue date, ce petit livre nous permet de découvrir une part plus secrète et inconnue de l’écrivain : l’auteur de Haïkus.

Rappelons d’abord la contrainte métrique : un Haïku obéit à des normes strictes, le rythme 5-7-5 (17 syllabes) et abhorre l’expression directe du sentiment, le propos n’est pas de manifester ouvertement la douleur, la tristesse ou la joie…
C’est à ce niveau que se manifeste tout le génie littéraire de SÔSEKI qui arrive à nous transmettre la violence des ses émotions et de ses sentiments en seulement… dix-sept syllabes…

Ainsi sur la mort d’une amie il écrit ce Haïku qui pourrait aussi servir d’épitaphe et qui est un des plus beau que j’ai lu : Remplissez son cercueil / De tous les chrysanthèmes du monde / Autant que la terre en peut fleurir

Disons le tout de suite l’écriture de Natsume SÔSEKI est claire et précise. La qualité de sa plume est indéniable, et ses Haïkus d’une simplicité déconcertante. Le plus beau c’est qu’ils sont le plus souvent inspirés de la (sa) vie de tous les jours…

Ainsi p. ex. a un ami qui l’interrogeait sur l’amour qui lie un homme à une femme SÔSEKI répond par ce Haïku : Eau de printemps / La roche étreint / Jamais ne s’empare

Et a ce même ami sur l’homme abandonné par la femme aimée : Les fleurs sont tombées / Des pétales déchirés le courant a emporté / Jusqu’à l’ombre

Sur le mariage d’un ami et disciple : Comme il sera charmant / A deux / De choyer les poupées

Sur l’anniversaire de la fille d’un ami : Dix printemps / Fleurs de prunier / pour le dix ans de l’enfant

Sur la mort de son chien : Je l’ai mis en terre / Là où le vent d’automne / N’atteindra pas son oreille…

A surtout ne pas rater au début du livre, la préface de Akiyama YUTAKA qui en quelques pages arrive à nous expliquer dans un langage simple et à la portée de tous, l’art du Haïkus et plus particulièrement chez Natsume SÔSEKI.
La dernière partie du livre est également très intéressante en ce sens qu’elle met directement en regard les événements qui se déroulent dans la vie de l’auteur et les Haïkus qui lui ont été inspiré par ces événements avec beaucoup d’explications très pertinentes sur les traditions, les us et coutumes Japonais…

Enfin, pour ne rien gâcher ce petit livre est aussi un véritable livre d’art dans sa conception, présentant les dessins, cartes postales, sceaux et aquarelles, peintures et calligraphies du grand écrivain japonais et nous permettant de découvrir l’homme et l’artiste qui se cache derrière l’écrivain…

Traduction de Elisabeth SUETSUGU.

Septularisen - - - ans - 29 octobre 2009