Bizango de Stanley Péan

Bizango de Stanley Péan

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Camarata, le 30 juin 2011 (Inscrite le 13 décembre 2009, 73 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 768ème position).
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L’esprit du caméléon

Il est arrivé à tout le monde de croiser le chemin d’une personne caméléon qui semble s’adapter à tout le monde, adoptant l’attitude, le comportement propre à nous rappeler un être cher ou important .Cela ressemble au héros du livre mais avec des pouvoirs illimités et des capacités surnaturelles.
Un être qui fouille les cerveaux et détecte par télépathie les manque, les failles, les culpabilités enfouies et s’en sert , toujours pour une bonne cause affirme t-il. Le récit se déroule dans la communauté haïtienne du Québec.
Domino dite Gemme, séduisante prostituée haïtienne, finit la soirée dans un bar de Montréal tenu par chill-O son proxène (patnè), chef de gang. Prise d’un accès d’indépendance, elle refuse de remettre la recette de la journée à Stell, homme de main violent et vicieux. Celui-ci menace de la tuer quand un être étrange intervient et la sauve, il a capté dans l’esprit de Gemme l’envie d’en finir avec sa vie d’esclave. Gemme fuit avec son étrange compagnon car elle sait que Steel-O lui fera payer sa révolte au prix fort.

Elle lui fait rencontrer papy Boko, le houngan, chef spirituel dans le culte vaudou, vieil homme auquel elle voue un respect et une confiance infinie.
Celui détecte immédiatement les pouvoirs surnaturels de l’ami de Gemme, il le nomme intérieurement bizango, figure mythique décrivant un être à l’identité instable propice aux transformations de toute nature.
L’afflux massif et incontrôlable de souvenirs, d’émotions émanant du bizango, déclenche une crise cardiaque chez le vieil homme.

« Du coup l’esprit du caméléon se déversa dans celui de papy boko. Des images pêle- mêle, certaines d’une clarté aussi cristallines que celles d’un téléviseur haute définition, d’autres aussi floues que celles des photographie sépia d’un autre siècle.
Des tranches de vie, des mouvements insignifiants, le souffle d’un gamin sur les bougies d’un gâteau d’anniversaire, le tendre enlacement d’une mère et de sa fille devenue femme. Des souvenances essentielles ou anodines, le premier rendez vous d’amants timorés, des processions funèbres, des instants de bonheur fugace, des heures interminables de supplice. Les grandes joies et les indicibles chagrins des rêves assassinés. Des chants d’allégresse et des blues plus noirs que la nuit, des professions d’amour éternel et des déclarations de guerre. Des étreintes si passionnées qu’on ne voudrait jamais y mettre un terme, des violences si sournoisement infligées qu’elles vous coupaient le souffle. En une fraction de seconde, le houngan reçut tout ça en vrac,un véritable tsunami de vision hétéroclites qui menaçaient de submerger sa conscience….
En jetant ce coup d’œil dans l’âme de son visiteur, il avait l’impression d’avoir ouvert une porte sur le chaos absolu de ces vies humaines auxquelles nul ne saurait donner un sens concret.
Et pendant une fraction de seconde, papy boko constata l’ampleur de la tristesse, de la douleur, de la solitude de cet être qui n’avait pas choisi d’être une outre à souvenirs éventés. »



Le héros et Gemme doivent fuir à nouveau la police et Steel-O qui a lancé le gang sur elle.
Ce récit hybride entre le thriller et le roman fantastique, dissèque d’une manière implacable et intelligente le milieu de la prostitution, la transformation progressive de la séduction en domination – domestication, car ces femmes deviennent un cheptel pour Chill-O et son gang. Gemme pensait avoir une place privilégiée dans le coeur de son patné, elle finira par comprendre que sa seule place dans cet univers est celui d’une proie.

Le héros sorte d’ange justicier exterminateur et de psy hyper clairvoyant est dépeint avec beaucoup d’habileté. Il semble être une émanation du culte vaudou, pourtant on le ressent parfois comme un individu presque normal, seulement affligé d’une hypersensibilité, ce n’est qu’a l’énoncé de ses exploits qu’on le range dans la catégorie des fantasmagories . C’est assez astucieux car on s’attache à lui et on se prend à regretter qu’il n’existe pas dans la vie réelle plus de bizangos.

Dans ce roman, la croyance vaudou est exposée de manière positive, on comprend que c’est une création spirituelle populaire, une manière de préserver son identité, sa dignité, de soigner les blessures de l’humiliation et de l’impuissance.
L’intrigue très efficace, la fascination pour ce concept de captation identitaire, nous tiennent en haleine jusqu’à la fin, tout en nous introduisant dans des univers parallèles qui finalement, foisonnent dans nos sociétés policées.

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Thriller fantastique

8 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 11 août 2012

A Montréal, un terrible incendie ravage une maison de retraite. Une vieille pensionnaire que les pompiers croyaient prisonnière des flammes est retrouvée sur le trottoir. Elle déclare avoir été sauvée par son mari alors que celui-ci est depuis longtemps décédé. Un peu plus tard, Gemme, une jolie haïtienne droguée et prostituée est sauvée des griffes d'un homme de main de son souteneur Chill-O, également dealer et producteur de rap, grâce à l'intervention d'un personnage étrange, capable de venir à bout de n'importe quel colosse à mains nues. Ainsi débute pour Lorenzo Appolon, détective d'origine haïtienne, son équipière, Carole-Anne Leclerc et pour Andréa Belviso, journaliste, une enquête qui les mènera sur la trace de Gemme et de son « Bizango » en cavale et poursuivis par les affreux sbires de Chill-O.
Ce roman policier et thriller très teinté de fantastique est intéressant à plus d'un titre. Il permet de s'imprégner des étranges traditions vaudous de l'île d'Haïti transplantées dans l'univers québécois et de découvrir les agissements de cette pègre immigrée haïtienne sans doute assez caricaturale. La fin du livre est d'ailleurs digne des plus sanglants films de Tarentino. Le petit plus étant la part fantastique du livre avec ce personnage du « Bizango », cet être capable de prendre n'importe quelle apparence, de faire preuve d'ubiquité et de lire dans les pensées. Plutôt rare dans ce genre de littérature. Un abus de phrases et de termes créoles (heureusement traduits en bas de page) ainsi que d'expressions purement canadiennes alourdissent néanmoins ce texte et rendent sa lecture un tantinet laborieuse. En dehors de ce léger inconvénient, une histoire très agréablement divertissante dans laquelle il ne faut bien sûr chercher ni vraisemblance ni réalité d'aucune sorte.

La Communauté haïtienne de Montréal

8 étoiles

Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 26 mars 2012

Ban mwen cash la. Bitch ! M te fout dwe blow tèt ou off, wi ! (Donne-moi ton cash, ma salope, si tu ne veux pas que je te fasse sauter la tête. Pp. 34 et 36) Une restavèk, enfant haïtienne confiée à une famille bourgeoise, devient une prostituée (bouzen) recrutée par un patnè (proxénète) qui a du flair. Ce michan gason (dur à cuire) dirige ses basses œuvres sous la couverture du producteur de musique hip-hop. En fait, c’est un malfrat déguisé en bienfaiteur de la communauté haïtienne. Le bien au service du loup, en l’occurrence Chill-O, lequel s’adonne au lucratif marché des stupéfiants et de la prostitution.

Le maquereau heurte un mur avec sa protégée Domino Roussel. Cette dernière n’est pas une femme facile. En quête d’émancipation, elle envoie paître l’acolyte mandaté pour percevoir les redevances de la vente du fruit défendu. Heureusement, elle s’est mise sous la protection de la religion qui lui désigne un bizango. C’est une créature du culte vaudou, lequel prend la peau d’un ange gardien. Grâce à lui, elle parvient à semer ses poursuivants. Il l’emmène dans une ferme de l’Estrie. Mais repérée par un hôtelier à la solde du prédateur, elle a vite aux trousses les sbires de la mafia noire, poursuivis eux-mêmes par les policiers de Montréal.

Le polar baigne dans une atmosphère fantastique teintée de ferveur religieuse. Les personnages ne connaissent que le langage armé. Et que ça saute ! Stanley Péan s’est attaqué aux mirages de ses compatriotes montréalais. Plusieurs d’entre eux sont attirés par la criminalité pour vaincre les conditions difficiles réservées aux exilés. L’auteur les met en garde contre les tentations de la réussite miraculeuse. Sa voix sera-elle entendue dans sa communauté ? Bref, le roman, qui reflète bien la mentalité haïtienne, figure dignement parmi les œuvres de la littérature policière.

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