Ce roman est l'un des premiers publiés par Patrick Modiano. Il est vrai qu'il ne reflète pas précisément l'image que l'on a de l'auteur. Les chapitres sont plus longs, les descriptions plus précises. L'emploi du "vous" adressé à son père établit une sorte de dialogue avec cette figure paternelle. L'on a même tendance à moins se perdre dans ce roman alors que dans ses romans les plus récents, un lecteur actif est nécessaire pour reconstruire le puzzle, si tant est que cela soit possible ... Ici, le roman reste plus conventionnel, tout en gardant une certaine originalité.
Le narrateur, qui ne se veut pas être Patrick Modiano, souhaite mieux connaître son père, homme qui a brillé par son absence, et qui fréquente des personnes aux activités douteuses. Quand il le retrouve, son père ne le reconnaît pas, ce qui permet au narrateur de pénétrer cet univers interlope et de rencontrer ces hommes et ces femmes qu'il côtoie. Son père n'est pas un héros, un homme admirable et aimé. Même ses acolytes n'ont aucun respect pour lui. Certaines scènes sont proprement humiliantes. Puis cet homme est juif. Au temps de l'Occupation, ce paramètre complexifie son rapport à l'identité.
Ce roman met un certain temps à installer une atmosphère, mais une fois posée, l'on se trouve vite pris dans cette histoire. Ce narrateur est touchant par sa volonté de se rapprocher de son père, par sa vive volonté de percer les secrets paternels, par sa capacité à pardonner et à justifier l'innommable. Même si ce roman ne se veut pas autobiographique, Modiano avait un père absent, aux activités et aux fréquentation douteuses, père qu'il a peu connu et sur lequel il s'est beaucoup interrogé comme en témoigne son roman "Un Pedigree". Même s'il n'est pas de bon ton de créer des liens entre la fiction et la biographie de l'auteur, il est difficile d'en faire complètement abstraction ...
Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 26 décembre 2015 |